Israël intensifie sa violence et multiplie ses tueries en Cisjordanie
Israël a inauguré l’année nouvelle en Cisjordanie occupée sans le moindre répit dans le bain de sang par lequel la précédente s’était soldée.
Tamara Nassar, 9 janvier 2024
Maintes fois, des responsables de l’armée et des renseignements ont prévenu le Premier ministre Benjamin Netanyahou que la Cisjordanie était au bord d’une « escalade majeure », prétend The Times of Israel.
Mais cela ne semble aucunement ralentir le massacre en Cisjordanie occupée.
Depuis le début de l’année, les forces d’occupation israéliennes ont tué au moins 21 Palestiniens, dont trois enfants. Près de la moitié de ces assassinats ont eu lieu le même jour.
Le plus jeune des enfants tués avait quatre ans.
Israeli forces shot and killed 4-year-old Ruqaya Ahmad Odeh Jahalin yesterday around 5:30 p.m. at an Israeli military checkpoint northwest of Jerusalem. Ruqaya was in the backseat of a car with her mother when Israeli forces shot her in the back. https://t.co/G11pLneeYM pic.twitter.com/FreouROoaa
— Defense for Children (@DCIPalestine) January 8, 2024
Sur une prise de vue choquante de mardi, on voit un véhicule blindé israélien passer sur le corps d’un Palestinien gisant au sol après avoir été abattu par des soldats israéliens lors de leur intrusion à Iktaba, une localité située au nord-est de Tulkarem.
Une vidéo montre initialement des Palestiniens qui se dispersent en essayant de s’enfuir. Ils se font alors abattre dans une pluie de tirs nourris.
Une prise de vue du même incident, diffusée par des médias locaux et internationaux, montre une jeep blindée israélienne rouler sur le corps d’un des Palestiniens resté étalé sur le sol. Elle l’écrase puis le traîne un instant sous ses roues.
جيش الاحتلال ينكل بجثمان أحد الشهداء الثلاثة الذين قتلهم مساء اليوم بطولكرم، ويدهس الجثمان بمركبة عسكرية. pic.twitter.com/mGQmS7Xkrm
— الجرمق الإخباري (@aljarmaqnet) January 8, 2024
Les forces israéliennes ont tiré sur un véhicule garé dans le quartier avant d’encercler une maison et d’y tuer trois hommes, a fait savoir le correspondant de l’agence d’information Wafa.
Les militaires ont ensuite empêché les ambulances d’atteindre les Palestiniens blessés et les infirmiers ont été dans l’impossibilité de se rendre sur les lieux avant que les Israéliens ne se retirent.
Un camp de réfugiés en Cisjordanie : « exactement comme Gaza »
Le 2 janvier, l’armée israélienne a mené un raid de près de 40 heures contre le camp de réfugiés de Nur Shams, en Cisjordanie occupée.
Des frappes aériennes des forces d’occupation israéliennes ont détruit des routes, des infrastructures ainsi que des biens privés et publics.
Une vidéo montre des bulldozers défonçant les rues du camp et provoquant d’importants dégâts :
جيش الاحتلال ينكل بجثمان أحد الشهداء الثلاثة الذين قتلهم مساء اليوم بطولكرم، ويدهس الجثمان بمركبة عسكرية. pic.twitter.com/mGQmS7Xkrm
— الجرمق الإخباري (@aljarmaqnet) January 8, 2024
« Le camp de Nur Shams est exactement comme Gaza »,
a déclaré un travailleur médical local à The Electronic Intifada.
« La destruction, les maisons explosées et détruites, les gens touchés et battus par les soldats, arrêtés… »
Bien que cela attire moins l’attention – étant donné la bien plus grande échelle du génocide à Gaza – il s’avère qu’Israël agit avec la même volonté de détruire et la même brutalité en Cisjordanie.
Au cours du raid, les forces israéliennes ont interrogé quelque 500 Palestiniens du camp de réfugiés, dont des femmes et des enfants. Les soldats en ont alors transféré environ 150 (de ceux qu’ils avaient interrogés) vers des camps militaires et en ont arrêté une vingtaine.
Des images et des prises de vue de CCTV en provenance de Nur Shams lors du raid massif d’Israël montraient l’arrestation des Palestiniens.
Sur la vidéo que voici, on peut voir des Palestiniens à qui on a bandé les yeux et qu’on oblige à marcher en une file :
تغطية صحفية: قوات الاحتلال تواصل حملة الاعتقالات والتنكيل بأهالي مخيم نور شمس pic.twitter.com/oux5eFvrrp
— شبكة قدس الإخبارية (@qudsn) January 3, 2024
Des corps « taillés en morceaux »
Dimanche, lors d’une incursion israélienne à Jénine et dans son camp de réfugiés, les combattants de la résistance palestinienne ont détruit un véhicule blindé israélien à l’aide d’un engin explosif, tuant en même temps un membre de la police paramilitaire israélienne des frontières.
Un groupe armé associé au Djihad islamique, la Brigade de Jénine, a mené cette attaque, comme on peut le voir sur la vidéo partagée par Saraya al-Quds, le bras militaire du groupe.
La vidéo montre une explosion massive qui envoie littéralement le véhicule en l’air. On voit ensuite au moins deux corps laissés au sol.
كتيبة جنين:بعد إعلان الاحتلال عن جزء بسيط من خسائره و عدم اعترافه بالحقيقة الكاملة إننا في سرايا القدس-كتيبة جنين نؤكد لكم أن خسائر العدو أكثر من ذلك و نعرض إليكم هذه المشاهد pic.twitter.com/bTQuhFTIRG
— Newpress | نيو برس (@NewpressPs) January 7, 2024
La vidéo comprend des instantanés de la carte d’identification des soldats israéliens tués. On rapporte que d’autres membres des forces d’occupation ont été blessés.
Peu après, l’armée israélienne a mené un raid massif
« tel qu’on n’en avait pas vu dans le gouvernorat de Jénine depuis plusieurs années »,
ont déclaré des organisations palestiniennes des droits humains. Les forces israéliennes, dont un hélicoptère, se sont mises à lancer des tirs nourris.
À l’aube, au moment où les forces israéliennes se retiraient de la zone, un missile israélien lancé par un drone a frappé un groupe de Palestiniens, tuant sept personnes dont un enfant, près du village palestinien de Muthalath al-Shuhada.
Quatre des victimes étaient des frères de la famille Darwish, âgés de 22 à 29 ans.
Deux autres étaient également frères, appartenant à la famille Asous, dont Wadie Yasser Asous, 17 ans.
« Wadie souffrait de blessures provoquées par des éclats et de sévères brûlures à la tête, au cou et à la poitrine »,
a déclaré Defense for Children International – Palestine (DCI-P).
Un septième Palestinien a été blessé et est mort plus tard de ses blessures.
« Les corps de certains d’entre eux étaient littéralement taillés en morceaux »,
a ajouté l’organisation de défense des droits humains.
« L’un des martyrs était décapité »,
a expliqué à Reuters Mujahid Nazzal, un médecin palestinien, premier intervenant sur les lieux.
« On aurait dit que le missile l’avait frappé directement. D’autres avaient leurs membres sévèrement mutilés. »
Ce même matin, quelque 40 véhicules blindés israéliens ont envahi le village d’Abwein, au nord-ouest de Ramallah, le siège de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie occupée.
L’armée israélienne a fouillé des maisons et tiré sur de jeunes Palestiniens quand ils ont fait face aux envahisseurs. Mahmoud Hussein Muharib, 28 ans, a été mortellement blessé.
Un mari, sa femme et une petite fille tués
Le même jour, les forces israéliennes ont également tué un mari et sa femme à un check-point militaire de Jérusalem-Est occupée.
Après s’être approché du check-point, le véhicule du couple a dévié vers les soldats de l’occupation, blessant légèrement deux d’entre eux. Les soldats israéliens se sont mis à tirer sur la voiture, même lorsqu’elle s’est retrouvée à l’arrêt, et ont tué le couple, Muhammad Abu Eid, 37 ans, et sa femme Duha Abu Eid, 31 ans.
Les tirs israéliens ont également touché un taxi qui n’avait rien à voir dans l’affaire, tuant la petite Ruqaya Ahmad Odeh Jahalin, 4 ans, qui se trouvait à l’intérieur en compagnie de sa mère.
« Une ambulance israélienne a transporté Ruqaya et sa mère jusqu’au check-point, où le père de Ruqaya les a rencontrées »,
a déclaré DCI-P.
« Les forces israéliennes ont interrogé le père de Ruqaya avant de lui permettre de s’en aller, sans toutefois libérer le corps de la fillette »,
a ajouté DCI-P.
« Les forces israéliennes ont ouvert le feu sans tenir compte de la présence de Ruqaya »,
a déclaré Ayed Abu Eqtaish, directeur du programme de responsabilisation de DCI-P.
« Ce n’est qu’un exemple de l’impunité dont bénéficient les forces israéliennes quand elles s’aventurent dans un environnement où la communauté internationale refuse de les responsabiliser. »
Abu Eqtaish a déclaré que les forces israéliennes
« étaient désormais habilitées plus que jamais à cibler de plus en plus et tuer des enfants palestiniens dans tout le territoire palestinien, sans que cela porte le moins du monde à conséquence. »
Les tueries de l’an neuf
Le 2 janvier, en Cisjordanie, Israël a perpétré ses premières tueries de l’année dans la localité d’Azzoun, dans le nord.
Les forces d’occupation israéliennes ont envahi la partie occidentale du village au cours d’un raid qui a duré six heures, alors que des Palestiniens armés ripostaient contre les agresseurs israéliens.
Les soldats israéliens tiraient à balles, lançaient des grenades incapacitantes et lacrymogènes contre les Palestiniens. Ils ont tué quatre jeunes de 18 à 26 ans, retenant ensuite leurs corps.
Israël retient les restes des Palestiniens tués durant ce qu’il qualifie d’attaques, dans l’intention de les utiliser comme monnaie d’échange lors de négociations.
Les forces israéliennes ont continué d’envahir Azzoun au cours des jours qui ont suivi.
Depuis le 7 octobre, les forces d’occupation israéliennes bloquent le village à l’aide d’un portail en acier en empêchant tout mouvement d’entrée et de sortie. En Cisjordanie, les forces d’occupation ont installé des douzaines de check-point supplémentaires, ont restreint tout mouvement et ont coupé villes et villages les uns des autres.
« Les Palestiniens subissent des traitements inhumains et dégradants, aux check-points »,
a déclaré l’organisation palestinienne des droits humains Al-Haq, ajoutant qu’elle avait répertorié une série d’exemples dans lesquels les troupes israéliennes « avait maltraité et brutalisé » des Palestiniens à des check-points.
Dans certains cas, les soldats contrôlaient les GSM des Palestiniens et les accusaient de visiter des sites
« considérés par les autorités d’occupation comme incitant à la violence ».
En 2023, les forces d’occupation israéliennes ont tué au moins 121 enfants en Cisjordanie. En tout, soldats et colons israéliens ont tué plus de 500 Palestiniens en Cisjordanie, l’an dernier, dont plus de 300 après le 7 octobre.
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Publié le 9 janvier 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
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