Francesca Albanese, Palestine Action et la fin du droit international
La décision de l’administration Trump aux EU d’appliquer des sanctions contre la rapporteuse spéciale de l’ONU, Francesca Albanese, symbolise la naissance d’une ère nouvelle de la politique internationale.

Les EU ont décrété des sanctions contre Francesca Albanese dans le même temps que le Royaume-Uni a désigné Palestine Action comme organisation terroriste. (Design : The Palestine Chronicle)
Robert Inlakesh, 15 juillet 202
Ceci n’est pas un ordre qui s’appuie sur des règles ; c’est un réseau criminel qui se comporte comme une mafia en collant des étiquettes imaginaires sur les personnes qu’il n’aime pas afin de justifier leur élimination.
Les États-Unis, l’Union européenne et le Royaume-Uni ont fait s’effondrer l’ordre qui a succédé à la Seconde Guerre mondiale afin de défendre le génocide perpétré par Israël dans la bande de Gaza. Au lieu de fournir ne serait-ce que le vernis d’un débat public libre, ils ont instrumentalisé dans les milieux économiques, politiques et médiatiques leur pouvoir contre la dissidence.
La décision de l’administration Trump aux EU d’appliquer des sanctions contre la rapporteuse spéciale de l’ONU, Francesca Albanese, symbolise la naissance d’une ère nouvelle de la politique internationale. Le timing de la démarche, en soi, ne prêtait déjà pas à confusion. Il est venu après le rapport de la représentante de l’ONU qui montrait par le détail à quel point les entreprises occidentales soutiennent le système colonial de peuplement israélien d’oppression.
Francesca Albanese s’est adressée au public lors d’une conférence de presse qui a suivi la publication de son rapport de 39 pages, et elle a interpellé les actions performatives entreprises par certains États, mais qui se sont limitées à blâmer les colonies israéliennes en Cisjordanie. Elle a comparé cela à du théâtre, affirmant que le monde devrait cesser de faire semblant que les crimes se limitent aux colonies.
La rapporteuse spéciale de l’ONU a posé la question de savoir s’il aurait été raisonnable de prétendre que le problème avec l’apartheid en Afrique du Sud résidait simplement dans les bantoustans, tout en faisant remarquer à quel point il aurait été ridicule de n’appliquer des sanctions ciblées que contre des activités dans ces zones au lieu d’en appliquer contre l’État qui sous-tendait toutes les mesures d’injustice raciale.
Maintenant, les EU ont attaqué Albanese avec leurs sanctions écrasantes, qu’ils utilisent contre tous les acteurs qu’ils haïssent, incluant désormais des personnes travaillant pour les Nations unies mêmes.
Mais il n’y a pas que l’Amérique de Donald Trump qui utilise son pouvoir pour punir ceux qui s’opposent aux entreprises qui s’investissent dans le génocide et en tirent profit. Au Royaume-Uni, le régime du Premier ministre Keir Starmer a proscrit Palestine Action en tant qu’organisation terroriste, ce qui veut dire que toute personne qui en fait partie ou lui exprime son soutien pourrait se voir infliger une sentence de 14 ans de prison au Royaume-Uni même.
Palestine Action n’a jamais tué personne, ni cherché à blesser qui que ce soit. Au lieu de cela, c’était une organisation qui était apparue en 2020 et qui avait mené une campagne visant à fermer des usines d’armes. Lors du lancement du génocide israélien à l’encontre du peuple palestinien, le groupe d’activistes avait étendu ses opérations et cherché à forcer le gouvernement britannique de cesser de vendre des armes à Israël.
Sa principale « arme » était de la peinture rouge, alors que certaines de ses actions directes impliquaient de briser des vitres et des équipements dans les usines produisant des composants qui aidaient Tel-Aviv à poursuivre ses crimes de guerre.
La fin de l’ONU, des droits humains et de la « presse libre »
Palestine Action n’a pas été interdite en tant qu’organisation terroriste parce qu’elle posait une menace au public britannique ou à qui que ce soit. Cette décision est née à partir des groupes de lobbying israéliens qui exercent des pressions sur les politiciens corrompus qui ne se soucient que de leur carrière personnelle et désirent avant tout se remplir les poches.
De même, l’annonce par le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, que des sanctions vont être prises contre Francesca Albanese, n’avait rien à voir avec les meilleurs intérêts du peuple américain. Cette démarche a été entreprise à la demande du lobby pro-israélien aux États-Unis.
Oui, telle est la dure et froide vérité. Les hommes politiques américains, européens et britanniques sont si incroyablement corrompus qu’ils vont instrumentaliser l’usage de leurs pouvoirs – censés être réservés pour réprimer ceux qui commettent de graves délits criminels – afin de réduire au silence ceux qui s’opposent à l’un des pires crimes de l’histoire moderne.
Le mode de fonctionnement de ce système est simple : Il existe des méga-entreprises. Ces entreprises contrôlent la majorité de la richesse collective de l’Occident ; elles possèdent tout, depuis les firmes d’armement jusqu’aux restaurants fast-food locaux que les gens fréquentent quotidiennement ; elles possèdent aussi les médias d’entreprise.
Les élites des entreprises s’assurent alors que les groupes de lobbying, dans le cas du lobby pro-israélien, reçoivent un financement adéquat et arrangent leurs contacts avec les hommes politiques importants. Ceux-ci, dont le travail consiste à maîtriser l’usage du sophisme, après qu’ils sont parvenus à occuper des positions de pouvoir, sont souvent des novices en politique qui ont gravi les échelons de la société ou qui provenaient de familles bien connectées.
Ainsi, un homme politique plus aguerri, aussi compétent soit-il dans le domaine de la rhétorique, a besoin de conseils de comités d’experts, parce que, souvent, les groupes de pression ne sont pas assez sophistiqués pour communiquer adéquatement des idées politiques plus complexes. Les comités d’experts sont financés par exactement les mêmes élites des entreprises qui financent les campagnes des hommes politiques et les groupes de lobbying. En d’autres termes, ces experts qui travaillent pour ces comités vont toujours s’aligner sur ce qui figure à l’agenda de leurs donateurs, quoi qu’il en soit. Voilà comment les choses fonctionnent.
C’est une façon simplifiée d’expliquer plus ou moins comment sont orchestrées les politiques étrangères des pays occidentaux. Cela n’a rien de démocratique ; c’est motivé par les marges bénéficiaires et par les agendas des méga-riches. Pendant quelque temps, ce système est parvenu à fonctionner tout en offrant un vernis de respectabilité mais, depuis le 7 octobre 2023, le masque est tombé complètement.
C’est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale qu’a été établi l’ordre international que nous connaissons tous aujourd’hui et ce, afin de protéger le monde d’une plongée dans une nouvelle guerre mondiale catastrophique. Pour empêcher un tel paroxysme mondial, des mécanismes ont été mis en place via la formation des divers organes de l’ONU, du droit international et des droits humains.
C’est pourquoi une telle insistance a toujours accompagné le message qui entoure l’Holocauste nazi. L’idée qu’on a enseignée à tous était « plus jamais », ce qui était censé vouloir dire quelque chose. Pourtant, nous voilà en 2025, et non seulement le régime israélien exploite la mémoire de l’Holocauste afin de justifier des crimes similaires à ceux commis contre le peuple juif dans les années 1940, mais il érode activement les institutions mêmes créées pour empêcher ces sortes de crimes de guerre commis au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Entre-temps, les médias d’entreprise – financés par les mêmes élites capitalistes que celles qui financent les hommes politiques et les comités d’experts – ont œuvré en tant que sténographes au service des gouvernements de leurs pays respectifs.
Cela aurait dû tomber sous le sens commun des médias – si seulement ils avaient eu un personnel soucieux de respecter ses principes journalistiques – qu’il fallait crier sur tous les toits dès le début des événements à Gaza. Sinon pour le bien des Palestiniens, du moins, tout simplement, pour faire face au retour des comparaisons avec la Seconde Guerre mondiale qui justifiaient les actes israéliens s’appuyant sur des actions comme le bombardement de Dresde ou le déploiement d’armes de destruction massive (ADM) contre le Japon, les journalistes auraient dû s’employer à combattre la rhétorique des Israéliens.
Quand les porte-parole d’Israël se sont mis à parler de Dresde, de Hiroshima et de Nagasaki comme d’actions justifiables, ces commentaires ont eu pour effet d’éroder des décennies de travail de la part des institutions internationales qui cherchaient à faire en sorte que des atrocités comparables ne puissent plus jamais avoir lieu.
Aujourd’hui, nous vivons dans un monde où la Cour pénale internationale (CPI) et la Cour internationale de Justice (CPJ) sont ignorées pour ainsi dire par chacun des États de l’UE, ainsi que par le Royaume-Uni et les États-Unis. Un monde où les principales organisations des droits humains de la planète n’ont aucun impact sur la politique après avoir qualifié les actions d’Israël de génocide et avoir catalogué Israël comme régime d’apartheid.
Au lieu que le collectif Occident travaille dans le cadre du système international qu’il a aidé à mettre en place et à modeler, il a rendu les Nations unies, le droit international et l’application juridique même des droits humains à peu près aussi inutiles que la Société des Nations en son temps.
La loi n’existe pas pour Israël ; elle n’existe que pour les Palestiniens. Le peuple palestinien et ses amis sont tenus à un niveau moral quasi impossible, mais les Israéliens et leurs alliés peuvent commettre à peu près tous les actes imaginables sans la moindre conséquence. En fait, si vous osez ne serait-ce que pointer du doigt cette hypocrisie, vous serez taxé de terrorisme, censuré, interdit, emprisonné, sanctionné et même assassiné.
Ceci n’est pas un ordre qui s’appuie sur des règles ; c’est un réseau criminel qui se comporte comme une mafia en collant des étiquettes imaginaires sur les personnes qu’il n’aime pas afin de justifier leur élimination.
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Publié le 15 juillet 2025 sur The Palestine Chronicle
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine