Le cadre de cette résolution : « Recréer un horizon politique crédible pour sauver la solution à deux États » (dans laquelle plus personne ne croit, à laquelle le gouvernement israélien ne cesse de manifester de mille manières son hostilité et qui laisse d’ailleurs sur le carreau aussi bien les réfugiés palestiniens que les Palestiniens vivant en Israël), « appuyer l’initiative française et ouvrir un espace public pour relancer le processus de paix ». Ce qui signifie : continuer le show d’un processus de paix bidon et faire perdurer la colonisation et la discrimination.
Si la résolution condamne certains aspects de la colonisation, de l’occupation et du siège de Gaza (sans aucun moyen de pression à la clé), elle condamne tout autant la résistance palestinienne (sont ici nommés en adoptant ipso facto le discours israélien : “la terreur” (étant entendu qu’il ne s’agit pas du terrorisme de l’État d’Israël et de ses milliers de victimes), “la violence” (même remarque : l’occupation militaire n’entre semble-t-il pas dans cette catégorie mentale), les attentats, les roquettes, les tunnels, l’incitation à la haine, les menaces du Hamas et d’autres milices) et elle donne son appui à une Autorité palestinienne « qui dénonce la violence et la terreur et appuie fermement une coordination en matière de sécurité avec Israël », en ajoutant que cette coordination devrait avoir « autorité sur tout le territoire » (Gaza y compris donc).
Les seuls Palestiniens qui trouvent grâce aux yeux des parlementaires qui ont voté cette ignominie sont donc ceux qui se font les auxiliaires de l’occupation militaire israélienne pour assurer la sécurité de l’occupant et de ses colons.
Bref, une fois encore, on met sur le même pied les occupants et les occupés, les colons et les colonisés, les oppresseurs et les opprimés.
Lors de sa conférence à Charleroi, Ilan Pappé nous expliquait : » Il n’y a pas besoin de paix en Palestine, il y a besoin de décolonisation. » Il serait temps aussi de décoloniser l’esprit des parlementaires belges !
Les députés Écolo-Groen ont voté cette résolution et ils soulignent dans leurs interventions qu’ils l’ont fait « avec enthousiasme ».
Ils considèrent en outre comme une « avancée majeure » (!) le fait que la résolution demande des initiatives diplomatiques pour « amener le gouvernement israélien à accepter le principe des compensations pour la destruction de projets de développement financés par la coopération belge au développement » .
La résolution s’oppose aux sanctions et au boycott d’Israël
La députée Open-VLD Nele Lijnen s’est d’ailleurs réjouie des amendements des députés Écolo et Groen, qui ont précisé « que la politique de la différenciation (1) ne peut mener à une sanction contre les entreprises et entités qui ne sont pas impliquées dans le développement et le maintien en place des colonies et qui n’y déploient aucune activité d’entreprise ».
La résolution demande donc au gouvernement fédéral « d’encourager … à approfondir la politique de différenciation entre les colonies israéliennes et Israël pour sauvegarder la solution à deux États, de veiller au fait que les colonies israéliennes ne bénéficient pas des relations bilatérales UE-Israël; de veiller à ce que l’application de ce principe de différenciation ne mène en aucun cas à une limitation des investissements européens en Israël, à des sanctions économiques ou à un boycott à l’égard d’Israël ».
C’est donc une opposition formelle à la campagne BDS qu’avalisent les écologistes au parlement.
Le PS et le SP.a se sont abstenus. La députée Gwenaëlle Grovonius
estime entre autres, «qu’il ne faut pas se fermer la porte à d’éventuelles sanctions lorsque l’État israélien commet des actes qui sont, au regard du droit international, complètement illégaux (…) qu’il y a toujours un refus d’envisager la mise en œuvre en Belgique d’un mécanisme obligatoire d’étiquetage des produits qui sont issus des colonies, d’un mécanisme effectif de contrôle mais aussi de sanctions éventuelles (…) Je ne dis pas qu’on doit nécessairement y arriver mais on ne peut se fermer toute possibilité de pouvoir y recourir si on met en place un mécanisme obligatoire avec des contrôles sur l’étiquetage. »(2)
Dirk Van der Maelen (SP.a) réagit dans le même sens : « Votre seule réaction aux colonies supplémentaires se limite à la différenciation (1). C’est pourquoi il est inacceptable qu’il y figure ceci, à la fin : »ni à des sanctions économiques ni à un boycott contre Israël ». Chers collègues, il existe 196 États dans le monde, 196 pays qui sont membres des Nations unies. Sur base de quel argument, politique ou juridique, doit-il y avoir une exception pour Israël, de sorte que ce pays ne puisse jamais faire l’objet d’une sanction ? »
Le député Marco Van Hees du PTB a rappelé qu’une « solution juste et respectueuse du droit international » implique « la fin de l’occupation et de la colonisation, le droit au retour des réfugiés palestiniens et le traitement égal pour tous les citoyens ».
Le PTB n’a pas soutenu la résolution pour deux raisons. D’abord parce qu’elle « renvoie les deux parties dos à dos » et « qu’il n’y a aucune volonté de paix ni de reconnaissance des droits des palestiniens de la part des autorités israéliennes à l’heure actuelle ».
D’autre part : « À cause de l’absence de sanction à l’égard de la politique du gouvernement israélien», «la résolution prend, au contraire, position explicitement, estimant qu’“il ne faut en aucun cas une limitation des investissements européens en Israël, des sanctions économiques ou un boycott à l’égard d’Israël”. Plaider sans aucun moyen de pression réel pour un processus de paix, dont il est clair que les dirigeants israéliens actuels ne veulent absolument pas, n’a aucun sens. C’est pour cette raison que nous considérons que cette résolution passe à côté de la question et est, dès lors, contre-productive ».
Marco Van Hees : « L’étiquetage est une très bonne chose, mais ce n’est pas suffisant (2). Des mesures doivent être prises pour que cesse le soutien au gouvernement israélien de la part des gouvernements occidentaux et l’impunité de fait dont ce même gouvernement israélien jouit en conséquence. Outre les trois milliards [de dollars] annuels de soutien [militaire] des États-Unis, Israël bénéficie de soutiens dans le cadre d’accords de coopération économique et de programmes européens comme Horizon 2020. Je suis d’ailleurs récemment intervenu lors des questions orales pour dénoncer un de ces projets prévus par ces programmes, le projet “Law-Train” qui vise à renforcer l’appareil de répression israélien et qui implique directement les autorités publiques et des universités belges. C’est pour cette raison que nous plaidons, depuis des années, avec le PTB, pour l’arrêt de missions économiques belges en Israël. »
Une nouvelle action concernant ces missions économiques avait d’ailleurs encore eu lieu le 26 novembre devant le parlement bruxellois. Les participants ont offert des olives palestiniennes aux députés pour leur rappeler qu’il est intolérable d’entretenir des relations économiques avec un État qui ne respecte pas le droit international.
Le compte-rendu du débat à la Chambre
Publié le 1er décembre 2016
(1) Entre les les colonies et Israël . Mais cette politique de « différenciation » ne tient pas compte du fait que c’est toute l’économie israélienne qui finance l’occupation.
(2) L’étiquetage est insuffisant au regard du droit international. L’importation des produits des colonies devrait tout simplement être interdite