Mon enfant Amal pourrait mourir dans une prison israélienne

Muamar Nakhla écrit sur son fils Amal, qui souffre d’une dangereuse maladie neuromusculaire et se trouve en détention administrative en Israël depuis plus d’un an.

Amal a été arrêté plusieurs mois après s’être rendu dans un hôpital de Jérusalem. (Photo : Muamar Nakhla)

Muamar Nakhla, 18 février 2022

Mon fils n’était pas censé vivre. Il est né trois mois avant terme et le docteur m’avait dit qu’il ne survivrait que quelques heures. Puis il m’avait également dit qu’il fallait que je lui donne un nom.

Pourquoi, avais-je demandé. Pour le certificat, m’avait-on répondu. Je leur avais dit que j’avais de l’espoir de le voir vivre et que je l’appellerais donc Amal (Espoir). Et, de fait, il a vécu.

Amal a grandi dans l’obsession de Barcelone et de Lionel Messi. Son rêve était d’être footballeur. À quatorze ans, il était dans l’équipe nationale et, avant que frappe la pandémie de Covid-19, il devait normalement voyager pour aller jouer un match. Et c’est alors qu’il y a eu le lock-down.

En juin 2020, mon fils a commencé à avoir des problèmes respiratoires. Je l’ai emmené dans un hôpital, où on lui a fait passer des rayons et constaté qu’il avait une tumeur sur la cage thoracique, laquelle nécessitait un traitement urgent dans un hôpital spécialisé, à Jérusalem.

Nous n’avons pu décider Israël à nous donner un permis. Les Palestiniens vivant dans les territoires palestiniens, y compris chez nous, à Ramallah, en Cisjordanie, ont besoin d’une autorisation pour se rendre à Jérusalem.

Je ne savais que faire. Il avait besoin d’une opération de toute urgence, et nous avons donc trouvé un moyen de le faire passer frauduleusement de Ramallah à Jérusalem. Il a pu être opéré.

Une semaine plus tard, alors qu’Amal était en convalescence à la maison, il a reçu un appel téléphonique. C’étaient les renseignements israéliens. Ils le recherchaient. Il leur a dit qu’il était malade et qu’il se retapait à la maison, mais ils lui ont dit que cela importait peu. Ils le recherchaient.

Nous avons rapidement contacté un avocat d’une organisation des droits humains et nous lui avons demandé de téléphoner aux Israéliens et de leur transmettre le rapport médical d’Amal. Ils l’ont accepté, de sorte que nous avons cru que c’était terminé – qu’il n’y avait rien contre lui.

Des informations secrètes

Puis, en novembre, trois mois après son opération, Amal était sorti pour faire du shopping avec des amis quand ils ont été assaillis par les forces spéciales israéliennes, qui ont endommagé leur voiture et arrêté Amal.

Il allait passer quarante jours en prison avant de comparaître au tribunal. Les israéliens ont dit au tribunal qu’ils avaient des preuves qu’Amal avait jeté des pierres contre eux.

Le juge leur a demandé ces preuves. Ils ont répondu que l’incident avait eu lieu en juillet mais, là, nous avions un rapport médical disant qu’il était justement à l’hôpital, en juillet. Il n’avait pu quitter la maison durant ce mois-là. Comment aurait-il fait pour lancer des pierres, dans ce cas ? Le juge a ordonné sa libération.

C’est le moment qu’ont choisi les renseignements israéliens pour intervenir. Ils ont déclaré qu’ils disposaient d’informations secrètes sur Amal et ils l’ont ainsi transféré en détention administrative.

L’arrestation administrative est une mesure d’urgence qui reste de l’époque du Mandat britannique. Elle permet à Israël d’arrêter un dirigeant politique sans la moindre raison ou pour des raisons secrètes. Amal est un enfant, pas un activiste politique. Rien de tout ceci n’a de sens.

Le juge a donné 24 heures aux Israéliens pour présenter un argument en vertu duquel Amal devrait rester en prison. Le lendemain, ils ne se sont pas présentés, de sorte que le juge a décidé de libérer Amal, vu le manque de preuve.

Mais, quarante jours plus tard, en janvier 2021, ils sont venus à la maison et ont de nouveau arrêté Amal, pour le placer en détention administrative.

Le système immunitaire est compromis

L’affection qui touche Amal est une myasthénie grave, une maladie neuromusculaire grave et dangereuse.

Quand cela va mal, il ne peut remuer ni les bras ni les yeux et il a besoin de cortisone toutes les quatre heures. Il devrait avoir une analyse du sang chaque mois afin de contrôler son état, mais Israël refuse de permettre à des médecins de le voir et empêche également qu’on lui envoie le moindre de ses traitements.

Récemment, Amal a contracté la Covid-19. Son système immunitaire est sévèrement compromis et nous sommes terriblement inquiets pour sa santé.

Son dossier dit qu’Amal a été arrêté pour des raisons idéologiques. Mais Amal est un enfant. Il m’a demandé un jour, quand je suis allé le voir, lors d’une audience du tribunal : « Pourquoi m’ont-ils arrêté pour des ‘raisons biologiques’ ? » C’est un enfant. Il ne sait même pas de quoi ces gens parlent.

Amal a été condamné à quatre mois de détention administrative. Quand il a terminé ses quatre mois, ils lui en ont remis quatre de plus.

Et, quand il a fini ces quatre mois-ci, ils lui en ont encore remis quatre. Il les a également terminés et ils lui en ont encore donné quatre autres. Il en est maintenant à seize mois.

Les organisations de défense des droits humains ont parlé de l’affaire d’Amal. L’Union européenne, Amnesty International, les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France et de l’Espagne, les membres de la Knesset, ceux du Parlement européen, tous sont très au courant de l’affaire d’Amal.

Les membres arabes de la Knesset et les Israéliens de gauche ont demandé la libération d’Amal, mais Israël le tient toujours enfermé dans des conditions terribles, et sans accusation.

Dès lors, donc, nous boycottons le tribunal. C’est un tribunal de l’occupation, pas une cour de justice. Amal est le plus jeune prisonnier en détention administrative et il n’y a toujours aucune charge contre lui.

Amal est un enfant emprisonné aujourd’hui depuis près d’un an et demi et nous réclamons sa libération immédiate.

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Muamar Nakhla est avocat, journaliste et rédacteur en chef du Wattan Media Network.

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Publié le 18 février 2022 sur Middle East Eye
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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