Deux options pour le Liban

Nul ne peut menacer le Liban dans le but de le faire renoncer à ses droits sur ses eaux territoriales.

Nasrallah: "Tout travail d’extraction de pétrole ou de gaz du champ de Karish doit cesser !" Photo via Info Alahed

Nasrallah: « Tout travail d’extraction de pétrole ou de gaz du champ de Karish doit cesser ! » Photo via Info Alahed

Abdel Bari Atwan, 18 juin 2012

Dimanche dernier, le chef d’état-major de l’armée israélienne, Aviv Kochavi, a menacé d’attaquer des milliers d’endroits ciblés du Sud-Liban – sous le prétexte qu’ils hébergent des missiles, des drones ou d’autres équipements militaires du Hezbollah – et il a conseillé aux résidents locaux d’abandonner leurs foyers. Ces menaces ont été proférées la veille de l’arrivée au Liban de l’envoyé américain pour les affaires énergétiques, Amos Hochstein. À cette mise en garde, il y a également eu une réponse de la part du secrétaire général Hassan Nasrallah, disant que le Hezbollah ne s’assiérait pas sans rien faire alors qu’Israël pille le pétrole et le gaz des eaux territoriales du Liban, et qu’il l’empêcherait d’extraire du gaz du gisement de Karish.

Le général Kochavi sait parfaitement bien qu’il ne peut effrayer le Hezbollah. Son but était de fournir des munitions politiques aux opposants libanais du Hezbollah qui, eux, avaient rallié le plan israélo-américain dans la région. Ceci explique les fuites qui sont sorties des réunions de Hochstein avec divers politiciens libanais au pouvoir et qui indiquaient qu’ils lui avaient proposé des « concessions » tangibles qu’il avait décrites comme utiles pour les négociations indirectes en vue de faire aboutir la discussion.

Les autorités libanaises ont montré qu’elles constituaient la partie faible dans la discussion, en implorant l’envoyé américain de reprendre en toute hâte son rôle de médiateur et en se montrant nettement moins exigeantes sur les droits juridiques maritimes du Liban. Cela va certainement encourager Israël à se comporter de façon plus autoritaire encore en recourant à ses vastes pouvoirs d’extorsion, en ne cédant pas d’un iota sur ses exigences et en ne faisant donc pas la moindre concession. Trente ans de négociations israélo-palestiniennes en fournissent un bon exemple.

Quel que soit leur camp politique ou partisan, les Libanais ont deux options.

Primo : Entrer dans des négociations à long terme de style palestinien, dans lesquelles ils proposeront une concession après l’autre et n’obtiendront rien en retour hormis plus d’extorsions et d’exigences d’autres concessions encore – et deviendront ainsi les serviteurs indirects de l’occupation israélienne.

Secundo : L’option du recours à la force, lequel vainquit Israël à deux reprises dans le passé : En 2000, quand il ne put plus supporter les pertes infligées par la résistance et qu’il quitta unilatéralement le Liban ; et, après cela, la bande de Gaza en 2005.

Les trois principales personnalités du Liban – le président, le Premier ministre et le président du Parlement – préfèrent l’option des négociations afin d’éviter une guerre, tout en espérant faire en sorte que le Liban puisse avoir une partie de sa part de pétrole et de gaz et ce, dans le cadre d’une faveur des EU.

C’est une grossière erreur qui reflète la vision courte et l’incapacité de comprendre les développements politiques rapides dans la région – surtout la formation imminente d’une alliance entre Israéliens et sunnites arabes afin d’affronter militairement l’Iran sous le direction des EU. Les espoirs sont de ce fait absolument déplacés, puisque la principale priorité de cette alliance est de décapiter le Hezbollah.

L’extraction du gaz libanais, syrien ou palestinien (au large de la bande de Gaza) dépend ainsi d’une condition : de la reddition et du désarmement de la résistance, sans la moindre garantie d’obtenir quoi que ce soit en retour. L’amère expérience de l’Autorité palestinienne avec la Pax Americana / Israelica en est une belle illustration.

L’État d’occupation israélien ne permettra pas au Liban d’extraire son pétrole et son gaz aussi longtemps qu’il restera au Sud-Liban un seul missile du Hezbollah. L’objectif est d’amener le peuple libanais à se mettre à genoux et de l’affamer jusqu’à ce qu’il se soumette, comme ce fut le cas avec les Irakiens après que leurs forces avaient envahi le Koweit. Mourir de faim est en effet plus ruineux pour un pays que de subir une guerre civile.

Saddam Hussein avait cru les médiateurs et avait permis aux inspecteurs/espions de fouiller ses palais et de détruire des armes biologiques et chimiques. En guise de récompense pour ces concessions, il n’avait pas seulement été renversé, arrêté et exécuté, mais l’Irak avait également été occupé, ses ressources pillées et le pays réduit à la condition misérable qu’il connaît aujourd’hui encore.

Nasrallah a déclaré dans son dernier discours que le temps n’était pas du côté du Liban et que le but immédiat de la résistance était d’empêcher Israël d’exploiter le gisement de Karish et d’utiliser les 600 milliards de USD que valent son pétrole et son gaz pour alléger la crise économique et profiter à tous ses citoyens.

L’an dernier, les trois plus grandes personnalités du Liban se sont soumises intégralement aux exigences formulées par les États du Golfe, renonçant ainsi à la souveraineté et au respect de soi du pays, et ils n’ont rien obtenu du tout en retour. Aujourd’hui, elles se préparent à commettre le même péché sous le prétexte des pires crises que le pays ait connues, sans reconnaître que ces crises ont été en majeure partie créées par les EU et Israël. Elles ont détruit l’économie du Liban, paupérisé son peuple, l’ont soumis à un siège en exploitant les divisions internes libanaises et l’existence d’un camp qui mise sur le mirage des EU et le soutien et le salut venus d’Israël.

Hochstein – l’envoyé américain, qui est né en Palestine occupée et qui a servi trois ans dans l’armée israélienne – sera-t-il miséricordieux avec les Libanais, traitera-t-il leurs droits avec correction et agira-t-il en négociateur honnête ?

Nous laisserons la réponse à ceux qui déroulent des tapis rouges sous ses pieds, qui misent sur son intégrité et qui lui font des concessions.

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Abdel Bari AtwanAbdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du site Rai al-Youm (“L’opinion d’aujourd’hui”, un site qui se veut nationaliste arabe, antisaoudien et antisioniste). Il est l’ancien directeur du quotidien Al-Quds Al-Arabi et l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan

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Publié le 17 juin 2022 sur le site Rai al-Youm
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Lisez également : L’Union européenne, l’occupation israélienne et la dictature égyptienne signent un accord gazier sur le dos des Palestiniens et des Libanais

 

 

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