Mousa Abu Marzouk : « Notre unique exigence est la justice et la liberté »
Dans un entretien exclusif avec Mondoweiss, Mousa Abu Marzouk, haut responsable du Hamas, évoque les objectifs et les accomplissements de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa », la solidarité internationale avec la Palestine et la suite des événements après un an de génocide israélien à Gaza
Mondoweiss, 6 octobre 2024
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Note de la rédaction de Chronique de Palestine :
Mousa Abu Marzouk est un responsable politique palestinien et un membre éminent du mouvement Hamas. Il a été le premier président du bureau politique du Hamas de 1992 à 1996, puis vice-président du bureau politique de janvier 1997 à avril 2013, date à laquelle il a été remplacé par le défunt Ismail Haniyeh.
Abu Marzouk est une figure clé de la politique palestinienne et du mouvement Hamas depuis des décennies, et continue de jouer un rôle central au sein du politburo du groupe.
L’entretien suivant a été réalisé par échange de courriers électroniques entre le 27 septembre et le 3 octobre 2024. Les questions et les réponses sont reproduites ci-dessous telles qu’elles ont été rédigées, à l’exception de corrections typographiques mineures.
La rédaction de Mondoweiss : Commençons par le début. Qu’est-ce que le mouvement Hamas ? Comment l’avez-vous rejoint ?
Mousa Abu Marzouk : Le Mouvement de résistance islamique « Hamas » est un mouvement islamique palestinien de libération nationale, dont l’objectif est de libérer la Palestine et de combattre le projet sioniste. Dans ses prémisses, ses objectifs et ses moyens, son point de référence est l’Islam.
Nous étions un groupe qui gérait l’activité palestinienne au sein des Frères musulmans, dirigés par le Dr Khairi Al-Agha, dont j’étais l’adjoint. Ce groupe était présent dans différents pays du Golfe, en Arabie Saoudite, en Jordanie, en Europe et en Amérique du Sud, et j’en étais le responsable aux États-Unis.
Lorsque l’Intifada a débuté en 1987, les dirigeants de Gaza ont inséré l’activité dans le cadre national au travail de réforme de l’éducation, et ont mené l’Intifada palestinienne sous un nouveau nom, le Mouvement de résistance islamique Hamas.
Il en a été de même pour la direction de l’activité palestinienne en dehors de la Palestine et à peu près en même temps, dans l’harmonie et la bonne entente, avec la direction de la Cisjordanie. Mes frères me considèrent donc comme l’un des fondateurs du mouvement lui-même ainsi que du Mouvement de la résistance islamique.
En quoi le Hamas d’aujourd’hui est-il différent de celui que vous avez rejoint ? Quel est le message du Hamas au monde d’aujourd’hui ?
Mousa Abu Marzouk. Avant sa naissance, le Hamas était un groupe de Palestiniens travaillant au sein d’une organisation éducative, réformiste, caritative et de secours, et ne participait pas aux activités de résistance ou au travail politique des organisations d’envergure nationale. Ceci pour des raisons objectives, la plus importante étant la difficulté de maintenir une présence en phase de construction et de croissance en Palestine, et à l’étranger en raison de la dispersion entre la Palestine, la Syrie et le Liban.
La coordination entre la Palestine et la Jordanie était assurée par les Frères musulmans en Jordanie, mais lorsque l’Intifada palestinienne a commencé, le Hamas a porté sa part du fardeau avec les différentes organisations palestiniennes, bien que toutes aient travaillé au nom de la direction unifiée de l’OLP, et que le Hamas ait agi aussi sous la direction de l’OLP.
Le message du Hamas au monde est que nous recherchons la liberté pour notre peuple et que nous cherchons à libérer notre terre qui nous a été volée de force et par des décisions internationales, et dont notre peuple a été expulsé. Nous voulons retrouver nos terres et nos biens. Nous ne voulons que la justice et la liberté.
Nous connaissons les pouvoirs et les objectifs des pays occidentaux et leur domination sur la politique internationale, en particulier les États-Unis, ainsi que l’ampleur de leur soutien à notre ennemi sioniste assis sur notre terre et occupant toute notre terre, et c’est pourquoi nous avons accepté la vision nationale adoptée par l’Organisation de libération de la Palestine, avec un État palestinien indépendant en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, et Jérusalem comme capitale de cet État, avec le droit au retour.
Nous cherchons avec toute la communauté nationale à nous libérer de l’occupation et à établir cet État palestinien, et nous appelons le monde qui nous a reconnu ce droit à nous aider à l’atteindre, et nous considérons que cet objectif ne peut être atteint que par la résistance et en forçant Israël à partir.
Pourriez-vous nous décrire l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » lancée par le Hamas le 7 octobre ? Quel était son objectif et pensez-vous que le Hamas a réussi à atteindre son but ?
Mousa Abu Marzouk. L’opération « Déluge d’Al-Aqsa » est une opération purement militaire menée par la branche armée des Brigades Al-Qassam, composé d’environ 1200 combattants d’élite. Leur objectif est d’affronter la division de Gaza – de l’armée d’occupation – qui est stationnée autour du périmètre de la bande de Gaza, imposant un siège strict depuis 2007.
Le Hamas a appelé à l’extension de la résistance en Cisjordanie, à l’étranger et dans les pays de l’axe de la résistance pour atteindre plusieurs objectifs clés :
1.Établir un État palestinien indépendant avec Jérusalem comme capitale.
2.Protéger Jérusalem et ses lieux saints de la judaïsation ou de la destruction.
3.Libérer nos prisonniers des prisons de l’occupation israélienne.
4.Briser le siège de Gaza.Veiller à ce que notre peuple vive librement et dans la dignité, en déterminant son propre avenir par le biais d’élections au cours desquelles il pourra choisir ses dirigeants et son destin.
Mais la surprise que les dirigeants du Hamas n’ont pas anticipée, c’est que la division de Gaza de l’armée israélienne s’est effondrée en quelques heures, alors qu’elle possédait les armes les plus avancées, notamment des chars, des véhicules blindés, des avions, des dispositifs électroniques et des capacités d’espionnage.
Ils se sont effondrés en quelques heures, alors que nous ne disposions que d’armes légères modestes et de véhicules de transport de peu de capacité et anciens. Cependant, nous disposions d’hommes résolus, avec un entraînement et un moral élevés, motivés par une cause juste, des droits bafoués, une liberté refusée et un désir de repousser l’oppression.
Cela a conduit à un chaos auquel nous ne nous attendions pas, en entrant dans les colonies et en allant plus loin, jusqu’à Sderot Rahat, et dans un rayon de 40 kilomètres autour de la bande de Gaza.
Ce chaos a poussé de nombreuses personnes et factions à franchir la ligne de séparation et à capturer des civils et des militaires, comme vous avez pu le constater. Certains ont même commencé à transporter des biens provenant des colonies. En réalité, tout ce chaos est le résultat de l’effondrement rapide de la division de Gaza, ce à quoi le Hamas ne s’attendait pas.
Quant aux objectifs atteints, ils l’ont été bien plus que nous ne l’avions prévu, et en voici quelques-uns :
1.La cause palestinienne est revenue sur le devant de la scène et le monde entier a pris conscience de notre cause et de nos demandes légitimes d’un État, de la liberté et d’un avenir.
2.Le monde entier a pris conscience de la véritable nature d’Israël, de sa barbarie et de son objectif d’exterminer le peuple palestinien, ainsi que de ses ambitions ultra-violentes. Cela a conduit à des résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies, de la Cour internationale de justice et de la Cour pénale internationale, ainsi qu’à une condamnation globale d’Israël.
Dans une interview accordée au New Yorker le 13 octobre 2023 , vous avez déclaré que, le 7 octobre, vous aviez été aussi surpris que tout le monde par l’opération « Déluge al-Aqsa » et que vous aviez été déconcerté par son succès militaire. Le 7 octobre, alors que les événements se déroulaient encore, quelle était votre première prédiction quant à la nature de la réponse israélienne ? Vos prévisions de ce jour-là ont-elles été différentes de ce qui s’est réellement passé au cours des mois qui ont suivi ?
Mousa Abu Marzouk. L’opération du7 octobre a mis un terme au projet de domination régionale d’Israël après avoir été brisé par quelques centaines de combattants d’Al-Qassam. Israël ne peut plus prétendre qu’il protège la région et le Golfe contre l’Iran, et tous les efforts visant à l’intégrer dans la région ont donc échoué à la suite de cette opération.
Quant aux objectifs fixés par le Hamas, ils ont été consolidés sur le terrain et le projet national est désormais plus proche de sa réalisation, tandis que le projet sioniste est plus éloigné de ses objectifs, malgré le déséquilibre des forces et le soutien américain à Israël.
Oui, Israël a été pris par surprise par l’opération « Al-Aqsa Flood », qui a été planifiée et exécutée par les Brigades Al-Qassam sans l’intervention des dirigeants politiques.
Comme je l’ai déjà mentionné, la véritable surprise a résidé dans la fragilité de la division de Gaza et dans l’incapacité de l’armée israélienne à faire face à la faiblesse et à l’effondrement rapide de la division, suivi d’un chaos qui a terrifié les Israéliens et suscité des craintes pour leur existence même. Cela a conduit à une réponse israélienne irrationnelle, dépassant toutes les limites, tandis qu’ils cherchaient à anéantir et à déplacer le peuple palestinien, par tous les moyens, au-delà des frontières de la Palestine historique, que ce soit dans le Sinaï ou ailleurs.
Quant à savoir si mes prédictions de ce jour-là différaient de ce qui s’est passé dans les mois qui ont suivi, la vérité est que je m’attendais à une telle réponse israélienne, étant donné ma perception du contexte sioniste et de sa mentalité fanatique.
J’ai lu plusieurs fois l’Ancien Testament et étudié l’histoire du mouvement sioniste, mais je ne m’attendais pas à ce que les États-Unis soient aussi brutaux en fournissant à Israël les armes mortelles qui tuent de cette manière, et en les protégeant dans tous les forums internationaux. Si je connais bien la société américaine, il en va tout autrement de ses dirigeants politiques.
Aviez-vous de plus grandes attentes à l’égard de la Cisjordanie et de sa participation au moment du Déluge d’Al-Aqsa ? Espériez-vous un soulèvement plus généralisé en Cisjordanie en soutien à Gaza ?
Mousa Abu Marzouk. Oui, je m’attendais à une plus grande participation de la Cisjordanie, mais deux raisons l’en ont empêché. Premièrement, la politique de Mahmoud Abbas et son autorité corrompue, et deuxièmement, la violence des colons, leurs projets et la protection qu’ils reçoivent de l’armée. Malgré cela, nous attendons encore beaucoup plus [de résistance] à l’avenir.
Après un an de guerre israélienne génocidaire contre le peuple palestinien, de nombreux Palestiniens qui soutiennent la résistance pensent que Gaza ne devrait pas continuer à supporter seule le coût de la résistance. Que répondez-vous à cela ?
C’est exact, mais les Palestiniens d’autres régions doivent prendre leurs responsabilités, car les Palestiniens n’ont pas d’autre choix que de résister au projet sioniste pour atteindre leur objectif d’établir un État palestinien indépendant avec Jérusalem pour capitale.
Quel est l’avenir de la résistance après le génocide ? Gaza a été décimée et beaucoup s’attendent à ce que son rôle dans la résistance soit profondément réduit dans les années à venir. La Cisjordanie est le théâtre d’une expansion rampante des colonies et d’une campagne militaire brutale contre les groupes de résistance armés dans le nord de la Cisjordanie, tandis que l’Autorité palestinienne continue de servir de sous-traitant à l’occupation. Quel est donc le potentiel des Palestiniens pour faire avancer leur lutte de libération avec toutes ces contraintes internes ?
Mousa Abu Marzouk. Votre description est exacte, mais revenez cent ans en arrière. Après chaque échec du mouvement national et de la résistance, le peuple a produit de nouveaux éléments pour affronter le mouvement sioniste.
Après la révolution de 1927 est venue la révolution de 1936. Trente-six ans plus tard, il y a eu la guerre de 1947, suivie des opérations des fedayins, puis de la formation de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et de l’Armée de libération de la Palestine.
Après 1984 et le départ de l’OLP du Liban, la première Intifada a commencé en 1987, puis la deuxième en 2000, suivie des guerres de 2008, 2012, 2014 et 2021. Le peuple palestinien est prêt à payer le prix nécessaire, même à sacrifier ses enfants pour défendre sa religion et sa patrie.
Près d’un an après le début du génocide, nous constatons que la communauté internationale n’a pas réussi à mettre fin à la guerre et au massacre de civils innocents. Dans le même temps, les Palestiniens ont critiqué la réaction des pays et des dirigeants arabes, estimant qu’ils n’en faisaient pas assez pour mettre fin à l’effusion de sang. Que pensez-vous de la réaction de la communauté internationale et des dirigeants arabes ? Quelles étaient vos attentes et comment se sont-elles concrétisées ?
Mousa Abu Marzouk. Vous devez comprendre que la politique américaine est responsable de tout cela au Moyen-Orient. Elle adopte les politiques israéliennes, même si elles contredisent les orientations de l’administration américaine. Elle leur fournit toutes sortes d’armes et les protège à l’ONU et dans d’autres forums internationaux.
Les pays de la région sont divisés en deux catégories : l’une possède des richesses et de l’argent, mais cet argent est conservé dans des banques américaines, ce qui permet aux États-Unis de contrôler ces pays. Le second groupe dépend de l’aide internationale, qui est également contrôlée par les États-Unis.
Par conséquent, la réponse des gouvernements de la région s’aligne sur la volonté des États-Unis.
En outre, les autres pays du monde ne veulent pas affronter les États-Unis. Quant à l’Europe, elle est complice des États-Unis dans tous ces crimes.
Les pays qui échappent à l’influence des États-Unis, comme la Russie, la Chine, l’Afrique du Sud et l’Iran, ont obtenu de bons résultats sur le plan international et juridique. Nous sommes reconnaissants à ces pays, et le peuple palestinien apprécie leurs efforts et les remercie pour leurs positions.
En juillet dernier, en plein génocide, le Hamas et le Fatah ont signé un accord unitaire à Pékin. Vous étiez présent à la cérémonie et, dans votre discours, vous avez déclaré : « Nous nous engageons à l’unité nationale ». Lorsque l’accord a été signé, de nombreux Palestiniens ont réagi de la même manière qu’ils ont réagi à d’autres pourparlers et accords de réconciliation au cours des deux dernières décennies qui n’ont finalement abouti à rien : avec scepticisme et en retenant leur souffle. Nombreux sont ceux qui ont considéré cet accord comme largement symbolique. Outre l’accord conclu à Pékin, que font le Hamas, le Fatah et les autres partis politiques palestiniens pour parvenir à l’unité nationale et tracer la voie à suivre pour les Palestiniens ? Et quel rôle stratégique voyez-vous jouer à la réconciliation au milieu de ce génocide ?
Musa Abu Marzak. Le peuple palestinien est en voie d’extermination et chaque être vivant à Gaza est une cible pour l’armée israélienne. L’armée a détruit tous les signes de vie, y compris les établissements d’enseignement, le système de santé, etc. En Cisjordanie, les terres palestiniennes sont volées et les colonies s’étendent comme un cancer.
Les autorités d’occupation resserrent leur emprise sur notre peuple dans les territoires de 1948, dans le but de le déplacer de force. Par conséquent, nous constatons que l’unité est une condition préalable à la victoire et que son absence constitue une faiblesse au sein du corps palestinien.
C’est la raison pour laquelle nous travaillons depuis des années à combler les fossés. Notre stratégie est basée sur l’unité et nous avons fait des concessions, parvenant à plusieurs accords. Cependant, deux parties ont constamment tracé une ligne rouge sur l’unité et causé son échec : l’administration américaine et l’occupation israélienne.
Pékin a tenu à aider le peuple palestinien et nous avons signé la déclaration de Pékin. Nous travaillons avec les factions palestiniennes pour la mettre en œuvre, mais l’administration américaine et l’occupation israélienne font obstacle à sa mise en œuvre et menacent le Fatah et l’Autorité palestinienne.
Quel devrait être l’objectif du mouvement de solidarité internationale pour la Palestine ? L’objectif d’appeler à un cessez-le-feu est-il toujours pertinent étant donné que la majeure partie de Gaza a été détruite, ou les exigences du mouvement de solidarité doivent-elles évoluer ?
Mousa Abu Marzak. Nous remercions le mouvement de solidarité internationale avec la Palestine pour son humanité et ses efforts dans la lutte contre les criminels de guerre, malgré les pressions quotidiennes qu’il subit.
La situation a même atteint un point tel que le pilote américain Aaron Bushnell s’est immolé par le feu pour protester contre le génocide israélien et la position de l’administration Biden sur la guerre. Nous, ainsi que notre peuple, lui sommes profondément reconnaissants, ainsi qu’à sa famille et à toutes les personnes libres qui se sont solidarisées avec notre cause.
L’arrêt du génocide est un objectif central et les efforts doivent se poursuivre dans ce sens. L’armée d’occupation israélienne commet des massacres tous les jours, sans un seul jour de pause, ce qui en fait la priorité actuelle.
En outre, il est impératif de travailler à briser le siège imposé à la population, car des centaines de milliers de personnes sont sans abri, l’hiver approche et il n’y a ni eau potable, ni électricité, ni aucun semblant de vie normale.
Il est donc crucial de briser le siège pour permettre l’entrée de fournitures essentielles pour les habitants de Gaza. En outre, les criminels de guerre israéliens doivent être poursuivis afin qu’ils n’échappent pas à la justice, car ils poussent le Moyen-Orient et le monde vers une troisième guerre mondiale qui nuira à tous les êtres humains de la planète.
Il est dans notre intérêt à tous de les arrêter.
Dans le discours qu’il a prononcé cette semaine devant l’Assemblée générale des Nations unies, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a appelé le Hamas à capituler et a promis de poursuivre son assaut génocidaire sur Gaza jusqu’à ce qu’Israël remporte une « victoire totale ». Quelle est votre réaction ?
Mousa Abu Marzak. M. Netanyahu veut que le Hamas se rende, mais nous sommes un mouvement de résistance qui défend notre peuple, et nous ne nous rendrons pas. Nous poursuivrons notre résistance.
Même si nous supposons que le Hamas se rend, l’ennemi continuera le génocide parce que son problème est avec le peuple palestinien, pas avec le Hamas. Regardez ce qu’ils font à Jérusalem et en Cisjordanie, des régions où le Hamas n’est pas très présent, mais où des centaines de personnes ont été tuées.
Quant à l’accord, nous avions dit oui, mais Netanyahu continue de le saboter. Les médiateurs ont constaté que la position du Hamas est solide et que le problème réside dans l’occupation israélienne.
Quels sont les projets du Hamas pour les prochaines années à Gaza ? Quels sont les objectifs politiques du Hamas pour le « jour d’après » à Gaza, à la fois si un accord de cessez-le-feu est conclu et si un accord n’est pas conclu ?
Mousa Abu Marzouk. Le Hamas fait partie intégrante du peuple palestinien. Il a remporté une victoire écrasante lors des dernières élections libres. Nous sommes déterminés à atteindre les objectifs du peuple palestinien, à savoir la liberté, le retour sur les terres occupées et la fin de l’occupation israélienne. Cet objectif reste central pour le Hamas jusqu’à ce qu’il soit atteint.
Pour le lendemain, le Hamas travaillera avec toutes les composantes politiques palestiniennes pour former un gouvernement technique d’unité nationale, non fractionnel, dont l’objectif premier sera d’apporter de l’aide à la population, de traiter les conséquences de la guerre et de reconstruire le secteur dévasté pour une période donnée. Il préparera ensuite les élections palestiniennes, dont chacun devra respecter les résultats.
Entre-temps, nous travaillerons avec diligence pour remédier aux effets de la guerre. Il y a des dizaines de milliers d’orphelins, des milliers de personnes qui ont perdu un membre et des centaines de milliers qui n’ont ni maison ni abri, sans compter les autres tragédies que vit notre peuple.
Il est certain que le monde a un rôle central à jouer pour aider à surmonter cette catastrophe humanitaire. Nous sommes un peuple qui subit des agressions depuis 1948 sans aucune raison, si ce n’est l’avidité sioniste pour notre terre.
Les États-Unis ont publiquement soutenu l’objectif déclaré d’Israël de détruire le Hamas et maintiennent leur position selon laquelle le Hamas est une organisation terroriste. Pensez-vous qu’il existe un avenir pour le Hamas en tant qu’acteur politique et en tant que membre de la direction du peuple palestinien ? Et dans quelle mesure les événements de l’année dernière ont-ils influencé cette possibilité ?
Mousa Abu Marzouk. Le Hamas existe toujours et l’armée d’occupation israélienne n’a pas réussi à éliminer le mouvement. Cependant, elle a exploité l’objectif d’élimination du Hamas pour tuer des civils et détruire Gaza.
Nous considérons l’administration américaine comme un partenaire clé dans la guerre contre notre peuple. M. Biden a personnellement dirigé le conseil de guerre, et M. Blinken a formé un mur de protection politique pour M. Netanyahu, faisant pression pour empêcher la nourriture et l’eau d’atteindre la population de Gaza.
En outre, les bombes qui tombent sur la tête des enfants, des femmes et des personnes âgées sont de fabrication américaine.
Ce qui compte pour nous, c’est l’acceptation du peuple palestinien. Nous tirons notre légitimité du peuple palestinien, et non de l’administration américaine ou de parties extérieures. Nous défendons notre peuple pour son indépendance, sa liberté et sa dignité, afin qu’il ne soit redevable à personne.
À l’heure où nous parlons, les bombardements israéliens sur le Liban se poursuivent et le nombre de morts ne cesse d’augmenter. Malgré les enjeux pour le Hezbollah et le Liban, le « front de soutien » s’est engagé à poursuivre son combat contre Israël jusqu’à la fin du génocide. Entre-temps, d’autres groupes, comme Ansar Allah au Yémen, ont utilisé leurs modestes capacités militaires et leurs propres moyens pour faire pression sur Israël afin qu’il mette fin aux massacres. Pensez-vous que le Hezbollah et l’« axe de la résistance » au sens large ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour soutenir les Palestiniens ? Ou pensez-vous qu’ils auraient pu intervenir plus tôt contre le génocide ?
Mousa Abu Marzak. Nous avons été et continuons d’être victimes d’un génocide perpétré par un groupe dont les ancêtres ont été victimes d’un génocide perpétré par les Européens, en particulier les Allemands, au cours de la Seconde Guerre mondiale. C’est profondément ironique, car notre peuple ne leur a pas fait de mal. Ceux qui ont été victimes d’un génocide devraient s’y opposer, et non le pratiquer sur les faibles.
Dans cette guerre, nous remercions tous ceux qui nous ont soutenus, à quelque niveau que ce soit. Les fronts de soutien ont adopté une position héroïque en affrontant l’occupation et en défendant le peuple palestinien. Aujourd’hui, le Liban est également attaqué en raison de sa position humanitaire et morale.
La discussion ne devrait pas porter sur la question de savoir si les fronts de soutien auraient pu faire plus, mais plutôt sur ceux qui assistent au génocide de notre peuple et qui restent silencieux ou y participent.
Ce sont eux qui devraient revoir leur humanité et leurs valeurs, sachant que le mal israélien finira par les atteindre tous.
Nombreux sont ceux qui ont émis l’hypothèse que l’Iran et l’« axe de la résistance », qui affirment ne pas avoir eu connaissance de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa », n’étaient pas satisfaits du moment choisi pour l’attaque du 7 octobre, car l’« axe » n’était pas prêt à s’engager dans ce combat. Cela semble être le cas, étant donné que le « front de soutien » du Hezbollah a été relativement discret, ce qui indique que Hasan Nasrallah ne voulait pas provoquer sur le Liban une plus grande destruction.
Pourquoi le Hamas a-t-il choisi de mener son opération à ce moment-là ? L’opération « Déluge d’Al-Aqsa » était-elle un moyen de forcer l’« axe de la résistance » à s’engager plus pleinement en faveur de la cause palestinienne ?
Mousa Abu Marzak. L’opération « Déluge d’Al-Aqsa » est liée à la cause palestinienne et est une décision prise par la résistance palestinienne elle-même. Elle ne vise personne d’autre que l’occupation israélienne.
Nous voyons sous nos yeux le gouvernement israélien extrémiste adopter une politique de liquidation du conflit, et nous craignions la liquidation de la cause palestinienne, car les colonies s’étendent rapidement, Israël modifie le statu quo à Jérusalem et veut contrôler la mosquée Al-Aqsa et les lieux saints chrétiens et islamiques de la ville.
Le siège de Gaza dure depuis plus de 17 ans et les prisons ennemies comptent plusieurs milliers de prisonniers, dont certains sont détenus depuis plus de 40 ans.
La normalisation a commencé à atteindre les pays centraux de la région, c’est pourquoi nous avons agi pour changer cette réalité en ciblant la brigade militaire de l’armée qui impose le siège à Gaza.
Que nous apprend l’année écoulée sur l’avenir de la Palestine et de la région au sens large ? Quelle est la suite des événements ? Que va devenir Gaza ?
Mousa Abu Marzak. Nous nous trouvons dans une phase historique importante, et aujourd’hui, l’histoire est en train de se faire. Ce qui s’est passé avant le 7 octobre ne restera pas inchangé après.
C’est une période de naissance douloureuse et de transformation majeure, et ces changements ne resteront pas confinés à la Palestine, mais s’étendront à la région et même au système mondial.
C’est l’occasion pour chaque individu et chaque force d’avoir sa place dans ces transformations et d’être reconnu par l’histoire pour avoir été du bon côté, du côté des peuples opprimés.
Avez-vous un message à adresser à la communauté internationale et aux partisans de la libération de la Palestine dans le monde entier ?
Mousa Abu Marzak. Mon message à la communauté internationale est que l’une des motivations de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » était l’incapacité de la communauté internationale à empêcher l’occupation de liquider la cause palestinienne.
Notre opinion a été confirmée parce que la communauté internationale a assisté à notre extermination pendant un an et n’a rien fait de concret ou d’efficace pour l’empêcher.
Après un an de génocide, nous voyons encore Netanyahu s’exprimer à l’ONU. C’est pourquoi nous disons que votre silence sur Netanyahu en créera d’autres comme lui parmi vous, et lorsque cela se produira, la souffrance atteindra tout le monde. Il est encore temps pour vous de prendre des positions humaines et éthiques qui sont dans votre intérêt autant que dans le nôtre.
Aux personnes libres qui soutiennent la libération de la Palestine, le peuple palestinien observe vos actions et nous voyons que vous représentez une réelle menace pour l’occupation. Poursuivez votre lutte, continuez à dénoncer l’occupation, à mettre en lumière ses crimes et à faire pression sur elle et sur ceux qui la soutiennent.
Faites d’eux des parias où qu’ils aillent, et coupez les liens entre vos gouvernements et le gouvernement israélien. Faites en sorte que votre militantisme devienne plus efficace, car les enfants de Palestine ont besoin de votre action.
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Publié le 6 octobre 2024 sur Mondoweiss
Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah