La police britannique saisit le matériel électronique du journaliste Asa Winstanley, lors d’un raid

Jeudi, la police antiterroriste britannique a effectué un raid au domicile d’Asa Winstanley (*), rédacteur adjoint de The Electronic Intifada, et a saisi une bonne partie de son matériel informatique.

 

Asa Winstanley.

Asa Winstanley. (Photo : R. Witts Photography)

 

Ali Abunimah, 17 octobre 2024

Un peu avant 6 heures du matin, une dizaine d’agents sont arrivés au domicile d’Asa Winstanley, dans le nord de Londres, et lui ont présenté des mandats et d’autres papiers qui les autorisaient à perquisitionner sa maison et son véhicule à la recherche de matériel et de documents.

Une lettre adressée à Winstanley par le « commandement du contre-terrorisme » des Services de la Police métropolitaine indique que les autorités sont « au courant de votre profession » en tant que journaliste mais que, « néanmoins, la police enquête sur de possibles délits » repris sous les sections 1 et 2 de la Loi de 2006 sur le terrorisme. Ces dispositions énoncent l’infraction présumée d’« encouragement au terrorisme ».

Un officier qui dirigeait le raid de jeudi a informé Winstanley que l’enquête était liée aux messages du journaliste dans les médias sociaux. Nos tentatives en vue de joindre les Services de la Police métropolitaine se sont avérées sans succès.

Bien que son équipement informatique et autre ait été saisi, Winstanley n’a pas été arrêté et n’a été accusé d’aucun délit.

Asa Winstanley est actif sur plusieurs plates-formes de médias sociaux et il a plus de 100 000 fans sur X (Twitter), où il partage fréquemment des articles, des avis d’autres personnes et ses propres commentaires sur les crimes d’Israël contre le peuple palestinien, sur le soutien du gouvernement britannique à ces crimes et sur la résistance palestinienne à l’occupation, l’apartheid et le génocide israéliens.

Les dispositions plutôt vagues concernant l’« encouragement au terrorisme » violeraient manifestement le Premier Amendement de la Constitution des États-Unis garantissant la liberté d’expression, mais le Royaume-Uni ne dispose pas de protections constitutionnelles similaires de la liberté d’expression.

La législation draconienne « restreint toute une gamme de libertés », estime le professeur de droit de l’Université d’Édimbourg, Andrew Cornford, y compris

« la liberté de discuter ouvertement de sujets controversés et celle de partager des opinions morales, politiques et religieuses ».

Human Rights Watch a invité le gouvernement britannique à abroger les dispositions répressives de la Loi sur le terrorisme (2006), faisant remarquer que

« la définition de l’encouragement au délit de terrorisme est trop large, qu’elle soulève de sérieuses inquiétudes à propos de l’atteinte injustifiée à la liberté d’expression ».

En août, le Service des poursuites judiciaires de la Couronne britannique a publié une mise en garde conseillant au public britannique de « réfléchir avant de poster un message » et menaçant de poursuivre toute personne qu’il estimait coupable de ce qu’il catalogue de « violence en ligne ».

 

« Le journalisme n’est pas un crime »

Le raid de la police au domicile de Winstanley et la saisie de ses appareils constituent le dernier recours en date des autorités britannique à la législation répressive du « contre-terrorisme » afin de sanctionner des journalistes et activistes impliqués dans des reportages ou des protestations contre les crimes d’Israël, y compris le génocide actuellement en cours à Gaza.

En décembre, Winstanley avait écrit un article pour The Electronic Intifada sur la façon dont la police britannique du contre-terrorisme avait arrêté Mick Napier et Tony Greenstein, deux éminents activistes, pour avoir exprimé leur soutien au droit palestinien de résister à Israël – un droit d’ailleurs repris dans la législation internationale.

Parmi les conditions de sa libération sous caution, Greenstein, un écrivain et un contributeur de The Electronic Intifada, a reçu l’ordre de

« ne rien poster sur X (anciennement Twitter) à propos de l’actuel conflit à Gaza ».

À la mi-août, le journaliste britannique Richard Medhurst a été arrêté à son arrivée à l’aéroport de Heathrow, incarcéré dans le cadre de la Loi contre le terrorisme (2000) et son téléphone ainsi que les appareils d’enregistrement utilisés pour sa profession ont été saisis.

« L’arrestation et la détention de Richard Medhurst pendant près de 24 heures en recourant à la législation contre le terrorisme sont profondément inquiétantes et elles auront probablement un effet dissuasif sur les journalistes du Royaume-Uni et du monde entier qui craindront d’être arrêtés par les autorités britanniques, tout simplement parce qu’ils font leur travail »,

ont expliqué Michelle Stanistreet, secrétaire générale de l’Union nationale des journalistes (NUJ – Royaume-Uni), et Anthony Bellanger, secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), à l’époque dans une déclaration commune.

« Tant la NUJ que la FIJ sont choquées par le recours accru à la législation sur le terrorisme de cette façon par la police britannique, »

ont ajouté Stanistreet et Bellanger.

« Le journalisme n’est pas un crime. Les pouvoirs contenus dans la législation antiterroriste doivent être déployés proportionnellement – et pas utilisés contre les journalistes de façon à étouffer inévitablement la liberté de la presse. »

N’empêche qu’un peu plus tard, en août, la police britannique du contre-terrorisme a perquisitionné le domicile de Sarah Wilkinson, une activiste de la solidarité avec la Palestine suivie par un large public. L’opération était en rapport avec la teneur des messages que Wilkinson publiait en ligne.

La lettre remise par la police à Winstanley explique que la perquisition de son domicile s’inscrit dans la cadre de l’« opération Continuité » (Incessantness). Le choix du terme indique peut-être qu’il s’agit d’une vaste et incessante répression des critiques à l’encontre des crimes israéliens, qui sont soutenus par la Grande-Bretagne.

Le plus récent des articles d’investigation d’Asa Winstanley, « Comment Israël a tué des centaines de ses ressortissants le 7 octobre », rassemble une année entière de reportages de The Electronic Intifada ainsi que des informations nouvelles détaillant le recours par Israël à la directive Hannibal – une ordonnance secrète qui permet aux forces israéliennes de tuer leurs propres concitoyens plutôt que de permettre qu’ils soient capturés par l’ennemi.

Asa Winstanley est l’auteur de Weaponising Anti-Semitism: How the Israel Lobby Brought Down Jeremy Corbyn (L’instrumentalisation de l’antisémitisme : Comment le lobby pro-israélien a fait tomber JC), un livre qui constitue l’aboutissement de plusieurs années de reportage sur le Parti travailliste britannique alors qu’il était dans l’opposition.

Depuis 2019, le Parti travailliste a lancé une enquête et a exprimé des menaces juridiques, apparemment en représailles contre les articles de Winstanley.

Aujourd’hui que le Labour est le parti au pouvoir au Royaume-Uni, il a le potentiel d’utiliser l’appareil de l’État contre ceux qu’il considère comme ses propres ennemis politiques – ou ceux d’Israël.

La perquisition au domicile de Winstanley a manifestement pour objet de l’intimider et de le réduire au silence, lui et d’autres journalistes et activistes.

En ce qui concerne The Electronic Intifada, elle n’aura toutefois que l’effet contraire. Notre collègue Asa Winstanley peut compter sur notre soutien total et notre solidarité et nous, en tant que publication, continuerons de suivre avec énergie tous les faits révélant la complicité britannique dans les crimes d’Israël.

*****

Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

Publié le 12 février 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

*****

(*) Asa Winstanley est un journaliste freelance installé à Londres et qui a vécu en Palestine occupée, où il a réalisé des reportages. Son premier ouvrage : Corporate Complicity in Israel’s Occupation (La complicité des sociétés dans l’occupation israélienne) a été publié chez Pluto Press. Sa rubrique Palestine is Still the Issue (La Palestine constitue toujours la question) est publiée chaque mois. Son site Internet est le suivant : www.winstanleys.org

*****

Vous trouvez les articles d’Asa Winstanly, publiés sur ce site : ICI.

 

Vous aimerez aussi...