Les attaques israéliennes se traduisent par une augmentation des malformations congénitales

Les treize mois d’offensive israélienne brutale contre Gaza ont entraîné une flambée des naissances prématurées et des malformations congénitales.

 

Un bébé prématuré reçoit des soins à l'hôpital al-Aqsa de Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza. Les treize mois d'offensive israélienne brutale contre Gaza ont entraîné une flambée des naissances prématurées et des malformations congénitales.

Un bébé prématuré reçoit des soins à l’hôpital al-Aqsa de Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza. (Photo : Omar Ashtawy / APA images)

 

Taghreed Ali, 10 novembre 2024

Samar Hamdan, qui, en avril, s’était enfuie de Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza, pour se réfugier à Deir al-Balah alors qu’elle était enceinte de quatre mois, a subi un choc profond quand sa fille Noor est née prématurément avec une malformation congénitale.

« Les médecins m’ont dit que ma fille avait de bonnes chances de survie, mais qu’elle passerait sa vie sans mains et sans pieds »,

a expliqué Samar Hamdan à The Electronic Intifada.

Des prothèses sont envisageables médicalement, à l’avenir, lui ont dit les médecins. Ils lui ont également dit que la cause probable des malformations congénitales de sa fille se situait dans les armes utilisées lors des bombardements israéliens, et plus spécifiquement le phosphore blanc.

« Dans mon troisième mois de grossesse, j’ai été exposée à des gaz émis par du phosphore blanc, qu’on avait déversé sur nous en grandes quantités dans le nord de Gaza »,

a déclaré Samar Hamdan.

« C’est l’une des raisons qui peuvent avoir entraîné les malformations congénitales, m’a dit le médecin traitant. »

Et d’ajouter que la violence génocidaire d’Israël, qui a délibérément ciblé le secteur de la santé de Gaza, l’a empêchée de bénéficier des contrôles habituels auxquels peuvent normalement s’attendre les femmes enceintes.

« Je n’ai pas pu subir d’échographies qui auraient permis de détecter ces malformations avant la naissance »,

dit-elle encore.

Le Dr Hatem Edhair, chef de l’unité néonatale du Complexe médical Nasser à Khan Younis, a expliqué à The Electronic Intifada que l’incessante offensive israélienne avait un effet des plus dramatiques sur les femmes enceintes de Gaza et leurs nouveau-nés.

« Plus de 170 cas de malformations congénitales chez les nouveau-nés ont été répertoriés au cours du dernier tiers de l’actuelle guerre d’Israël contre Gaza, et c’est une statistique particulièrement embarrassante »,

a-t-il dit à propos des cas enregistrés au seul hôpital Nasser, le plus important site médical du centre et du sud de Gaza.

L’utilisation par Israël d’armes internationalement prohibées – dont les bombes à sous-munitions et les bombes au phosphore – dans ses attaques contre la bande de Gaza a été répertoriée par l’organisation juridique Euro-Med Monitor.

 

Aucune issue

À l’hôpital al-Awda de Nuseirat, dans le nord de Gaza, une équipe médicale s’est battue durant de longs mois pour sauver la vie d’Ahmad al-Masri, un bébé venu au monde avec une malformation congénitale appelée hydrocéphalie (une accumulation de liquide dans le cerveau).

Ahmad était né prématurément à sept mois, pesant à peine 1 400 grammes. Sa mère, Safaa, avait ignoré la malformation de son bébé jusqu’au moment de sa naissance par césarienne après le début de son travail le 13 septembre. Son bébé était né deux jours plus tard.

« Les médecins m’ont informée que l’état de mon bébé était critique et que la plupart des bébés nés dans ces conditions ne survivaient pas, du fait qu’il n’y a pas de traitement pour ce genre de cas à Gaza »,

a-t-elle dit lors d’une interview en octobre.

En novembre, à la suite des attaques israéliennes contre l’hôpital al-Awda, Ahmad a quitté les lieux : Les médecins ont dit qu’ils ne pouvaient plus lui procurer les soins dont il avait besoin et que la situation à l’hôpital était trop dangereuse.

Safaa explique qu’elle espère désormais obtenir l’autorisation d’emmener son fils en Égypte. Mais il est seulement l’un des quelque 14 000 patients – estime-t-on – ayant besoin d’un traitement à l’extérieur de Gaza, qui est à tout le moins hermétiquement fermé depuis qu’Israël s’est emparé de Rafah au début du mois de mai et a mis à l’arrêt tout mouvement de personnes depuis Gaza.

« Mon enfant attend de pouvoir se rendre en Égypte pour un traitement, mais le seul passage à cette fin est fermé, et c’est une lourde menace pour la vie de mon enfant, du fait que son état empire de jour en jour »,

a conclu Safaa en détresse.

La Dre Wissal Abu Laban, une consultante en pédiatrie à l’hôpital al-Awda, a déclaré que le nombre de fausses couches et de malformations congénitales depuis l’entame par Israël de son génocide, l’an dernier, a connu « une augmentation notable ».

L’une des principales causes de ces malformations, a-t-elle ajouté,

« est l’inhalation de gaz toxiques provenant des bombes israéliennes, outre d’autres facteurs telles l’exposition à des rayons X et la prise de médicaments sans consultation médicale ».

Et, du fait que le secteur des soins de santé de Gaza est en ruine, il n’y a guère de possibilité de venir en aide à ces bébés.

« Vu le manque de ressources médicales à Gaza et la fermeture permanente des passages, bien des enfants nés avec des malformations congénitales meurent puisqu’ils n’ont pas la possibilité de voyager afin de se faire soigner »,

a ajouté la Dre Abu Laban.

 

Un secteur de la santé complètement dévasté

Safaa a expliqué que sa maison dans le quartier de Malbah, à Rafah, avait été bombardée tard dans la nuit en mars, et sans le moindre avertissement.

L’attaque l’avait laissée avec des brûlures dans les décombres et elle avait dû attendre trois heures avant qu’on ne la dégage.

« J’ai respiré des gaz émis par les missiles qui ont frappé la maison, au point de presque suffoquer »,

a-t-elle déclaré.

Selon The Lancet, un journal médical britannique, Gaza souffre d’une augmentation « stupéfiante » du nombre de naissances prématurées,

« souvent déclenchées par le stress chronique du déplacement, de la malnutrition et du traumatisme provoqué par les frappes aériennes »

« L’effondrement quasi total des infrastructures de soins de santé, associé au manque d’accès à des services médicaux essentiels, s’est traduit par une augmentation tragique des décès maternels et néonatals évitables »,

ont estimé les auteurs.

Le Dr Husam Abu Safieh, le directeur de l’hôpital Kamal Adwan de Beit Lahiya, dans le nord de Gaza, a déclaré qu’au cours des six derniers mois de la première année de la guerre à Gaza, son hôpital avait admis 30 cas de nouveau-nés présentant diverses malformations congénitales.

« Les malformations affectant les nouveau-nés varient. Poumons et crâne sous-développés, hydrocéphalie et malformations du système digestif »,

a-t-il expliqué lors d’une interview en août.

Le Dr Abu Safieh – dont le fils a été tué au moment où les troupes israéliennes ont assiégé l’hôpital le mois dernier, mais qui est déterminé à rester en place – attribue ces malformations au recours par Israël à des armes interdites lors de ses attaques, ainsi qu’au manque de soins de santé adéquats pour les femmes enceintes à la suite du long siège imposé au nord de Gaza, qui a été coupé complètement du reste du territoire depuis le début du mois d’octobre.

Sanaa Sidam, dont la maison à Jabaliya a été détruite lors d’un bombardement israélien, a été passablement ébranlée quand son fils Karim est né le 13 juillet, avec un poids de 2 300 grammes et des malformations cardiaques et pulmonaires congénitales.

Le bébé reçoit des soins médicaux à l’hôpital Kamal Adwan, mais son état est critique, ont déclaré les médecins à Sanaa.

« Pendant ma grossesse, j’ai été déplacée au moins sept fois. Chaque fois, il nous a fallu évacuer en toute hâte sous les bombardements israéliens continuels »,

a dit Sanaa Sidam.

« Il y a une peur répandue de fausse couche à domicile, parmi les femmes enceintes, en raison des bombardements intenses et du fait qu’elles sont dans l’impossibilité de rallier des centres médicaux. »

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Taghreed Ali est journaliste. Elle vit et travaille à Gaza.

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Publié le 10 novembre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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