Poème pour une grand-mère
Wasfiya Musa Suleibi – Un poème pour la grand-mère bien-aimée de mon mari (1937-2024)
Hebh Jamal
Quelle malédiction
que de vieillir
à Gaza !
Tu es née sans toit
sans que te reconnaisse la terre
qui garde tes ancêtres
Réfugiée
comme ils disent
Une adolescence
marquée par la guerre
(Ces Britanniques et certains étrangers
sont tous les mêmes pour moi)
Tu as décidé d’avoir des enfants
au nombre de six :
Ahmed, Majid, Khaled,
Walid, Hussein
et une fille :
Halima
Majid a été tué
Khaled jeté en prison
Ahmed est tombé malade
Halima a quitté Gaza
Et toi tu vis toujours
dans le camp de réfugiés
Cette fois pourtant
le camp a des murs
dressés au-dessus de ta tente
faits de béton avec des toits
en amiante
Ta famille a grandi
tu as eu beaucoup de petits-enfants
puis ils n’ont plus été que quelques-uns
Tu as survécu à de jeunes existences :
Ahlam, Hassan, Mohammed Khaled,
Majid Jr., Hala, Mohammed Hussein, Ahmed
sauf qu’aucun n’aurait voulu te dire
que tu avais survécu à de jeunes existences :
Tu avais le cœur trop fragile, disaient-ils
Tu as quitté ton premier camp de réfugiés
pour aller dans un autre camp de réfugiés
et cette fois
pour de bon
Et tes enfants ?
Finalement il a bien fallu
qu’ils te disent que
tu avais survécu
à de jeunes existences
1948
2024
La guerre en ce temps-là
La guerre aujourd’hui
La guerre à jamais
Ne vieillis pas à Gaza
Ne survis pas
à de jeunes existences
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Publié par Hebh Jamal sur X (anciennement Twitter)
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine