La culture révolutionnaire : les idées

Des idées émergeaient d’un engagement dans des luttes concrètes et étaient mises en valeur dans des programmes politiques révolutionnaires.

La pensée révolutionnaire palestinienne reflétait un engagement intense vis-à-vis des idées et idéologies émanant d’autres révolutions dans le monde, tant actuelles que passées.

Dans les années 1960, les révolutionnaires palestiniens reçurent un soutien stratégique de la Chine, ce qui accrut grandement la force de leur propre vision anticoloniale. Dix ans plus tôt, dans les années 1950, la Jeunesse nationaliste arabe avait déjà trouvé son inspiration dans le modèle organisationnel élaboré par le pamphlet révolutionnaire du Chinois Liu Shaoqi, Comment être un bon communiste.

Étant donné le sentiment d’urgence très répandu après la Nakba, les sources d’inspiration révolutionnaire variaient et bien des gens les recherchaient, surtout du côté des jeunes. Ceci aboutit à la prolifération de nombreux petits groupes tout au long des années 1950 et 1960. Sur le document ci-joint, on peut voir un groupe de jeunes réfugiés palestiniens à Damas se documentant sur les Carbonari (le mouvement révolutionnaire clandestin en Italie, au 19e siècle) dans leur manuel scolaire, mouvement dont ils s’inspirèrent pour créer le groupe secret « Arabes de Palestine ».

Les révolutionnaires palestiniens commémoraient et discutaient les grandes dates internationales de la tradition révolutionnaire au sens élargi, comme le centenaire de la Commune de Paris (1871), mais ils célébraient également leur propre combat historique, et plus particulièrement la révolte de 1936-1939.

Ils puisaient également leur inspiration dans des modèles populaires et radicaux de lutte plus récentes.

Ils étudiaient aussi les révolutions qui avaient été menées à bien en Algérie, au Vietnam et à Cuba et ils y faisaient donc régulièrement référence. Une série importante publiée dans les années 1960, Expériences et études révolutionnaires, publiée par le Fatah, examinait de près l’histoire de ces luttes armées et mettait en exergue les facteurs qui avaient déterminé leur succès.

Les révolutionnaires palestiniens développaient et produisaient leur propre culture théorique, qui était volumineuse.

Dans les années 1950, des textes comme Avec le nationalisme arabe, l’un des plus importants ouvrages nationalistes arabes de la décennie, étaient très lus.

Dans les années 1960, on vit apparaître des tracts, tel La libération des pays occupés, qui proposait sa propre vision de ce qu’était une lutte anticoloniale menée à bien.

Dans les années 1970, des essais comme Les femmes et la résistance, d’Al-Hadaf, traitaient de questions sociales urgentes.

Et, fait très important, des idées émergeaient d’un engagement dans des luttes concrètes et étaient mises en valeur dans des programmes politiques révolutionnaires.

En 1968, la vision d’un État unique et démocratique telle que la proposait le Fatah répondait au nouvel environnement politique apparu dans le sillage de la bataille de Karameh. Et, de son côté, le fameux Programme en dix points du FDLP fut une retombée directe de la guerre de 1973.

Une bonne partie de ces débats étaient lancés par des mouvements et partis révolutionnaires particuliers, mais la discussion avait également lieu entre les mouvements, en particulier au sein du Centre de recherche sur la Palestine, dépendant de l’OLP.

Cette institution forma toute une génération de penseurs palestiniens et arabes, y compris un nombre important d’intellectuels publics, allant du poète palestinien Mahmoud Darwish au romancier libanais Elias Khoury, en passant par les intellectuels syriens Sadiq Jalal al-Azm et Burhan Ghalioun.

Leurs études étaient publiées dans le journal en langue arabe le plus en vue des années 1970, Shu’un Filasteenya. Le Centre de recherche organisait des rencontres et des discussions en table ronde au cours desquelles les questions stratégiques et intellectuelles du jour étaient débattues et décortiquées.


Karma Nabulsi est chargée de cours en politique au collège St Edmund Hall de l’université d’Oxford.

Avec son équipe elle a réalisé un cours en ligne sur la révolution palestinienne.

Le cours est disponible sur : The Palestinian Revolution

Le texte ci-dessus est le dixième chapitre de la partie
Apprendre la révolution

Traduction : Jean-Marie Flémal

Mise en page + quelques photos et liens supplémentaires : la rédaction de ce site

 

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