Fils de réfugiés – Qui est Abu Warda ? – Un profil
Mohammed Attiya Abu Warda, également connu en tant qu’Abu Warda, partage un long passé avec la Résistance palestinienne.
Robert Inlakesh, 31 janvier 2025
En tant que fils de réfugiés né en plein conflit et initialement attiré dans le parti du Fatak, Abu Warda allait devenir commandant des Brigades Izz ad-Din al-Qassam du Hamas et se voir infliger la troisième sentence la plus lourde jamais reçue par un prisonnier palestinien.
Aujourd’hui, le voici libéré dans le cadre de l’échange de captifs en cours entre le Hamas et Israël.
Du camp de réfugiés au combat dans la Résistance
Né le 17 janvier 1976, Mohammed Attiya Abu Warda, également appelé Abu Hamza, a été élevé dans le camp de réfugiés de Fawwar, à Dura, près de la ville d’al-Khalil (Hébron), en Cisjordanie occupée.
Sa famille avait été déplacée du village d’Iraq al-Manshiyya, ethniquement nettoyé en 1948, et forcée de se réfugier dans ce qui allait devenir la Cisjordanie.
La libération d’Abu Warda a été accueillie avec indignation par une grande partie du public israélien, qui le connaît comme l’homme se trouvant derrière toute une série d’attentats à la bombe qui ont tué 45 Israéliens. Toutefois, son histoire a bien davantage de profondeur que celle d’un simple commandant militaire.
« J’ai grandi dans les ruelles étroites du camp peuplé de tout son monde »,
déclarait Abu Warda dans un article publié en 2016 dans le journal Dunya al-Watan.
Après avoir rallié très jeune le mouvement Fatah et s’être immergé dans son symbolisme, il décrivait comment sa mère l’avait élevé en lui faisant mémoriser les versets du Coran et en encourageant son éducation religieuse. Son adoration envers le Fatah, partagée par une bonne partie des jeunes du camp de réfugiés, allait bien vite se muer en un mécanisme d’adaptation à la violence affrontée quotidiennement.
Abu Warda se rappelait que, dans ses jeunes années, lui et ses amis
« s’étaient mis à porter des pierres dans leurs sacs afin d’affronter la brutalité de l’armée stationnée au bord du camp, à proximité de ses points de concentration ».
« Nous avons grandi avec ces pierres, avec les balles de l’armée israélienne et les slogans que mes petites mains griffonnaient sur les murs, tout en portant l’écharpe du Mouvement de libération de la Palestine – le Fatah – jusqu’au moment où l’on m’a surnommé ‘le petit cheikh du Fatah’ »,
avait-il poursuivi.
Il avait achevé son éducation primaire et secondaire dans les écoles de l‘UNRWA, puis s’était inscrit à l’école de la charia à al-Khalil, où il avait étudié pour obtenir le tawjihi (examen d’entrée à l’université, NdT) avec une note de 83 %. Cela l’avait amené à étudier la physique à l’Université de Bethléem et à l’Université al-Quds à Abu Dis (une petite ville palestinienne du gouvernorat de Jérusalem, NdT).
La prison à vie, la torture et la libération
Abu Warda a d’abord été arrêté en 1992, à l’âge de 15 ans seulement et alors qu’il était toujours aligné sur le mouvement nationaliste laïc du Fatah. Il était accusé d’avoir tagué des slogans nationalistes et, présumait-on, d’avoir lancé des pierres.
Après avoir passé trois mois en détention militaire et subi des violences physiques, il a déclaré qu’il avait décidé de reprendre « la même voie après sa libération, mais selon une vision nouvelle ». La poursuite de ses études l’a ensuite conduit au collège Dar Al-Mu’allimin, à Ramallah, où il été diplômé de l’enseignement secondaire.
À l’époque où il était au collège Dar Al-Mu’allimin College, Abu Warda a entamé son engagement envers le Hamas, qui faisait partie du Bloc islamique du mouvement étudiant entre 1993 et 1996. Afin de payer ses frais de scolarité et les activités du mouvement étudiant, il a travaillé dans la construction et assumé d’autres boulots manuels à Ramallah.
En 1996, Abu Warda a travaillé avec les Brigades Qassam Brigades (l’aile armée du Hamas) afin de préparer trois attentats à la bombe contre Israël en représailles pour l’assassinat de Yahya Ayyash. Ayyash était le principal fabricant de bombes des Brigades Qassam Brigades et cela lui avait valu le surnom de « premier ingénieur ». Abu Warda a contribué à préparer les attentats à la bombe sous la supervision de Hassan Salameh alors qu’il n’avait que 19 ans.
L’arrestation par l’AP
Après cela, Abu Warda a de nouveau été arrêté mais, cette fois, par les forces sécuritaires de l’Autorité palestinienne (AP), qui l’a soumis à des tortures sans précédent. L’AP l’accusait, lui et d’autres membres du Hamas, d’être responsables de la chute du Parti travailliste israélien et donc de l’effondrement du processus d’Oslo censé mener à la solution à deux États.
Ce point de vue ne prenait pas en considération le fait que c’était un extrémiste de la droite israélienne qui avait assassiné l’ancien Premier ministre travailliste israélien Yitzhak Rabin et que la campagne du Likoud avait déjà gagné du terrain bien avant les attentats à la bombe.
N’empêche que l’AP a quand même condamné Abu Warda à la prison à vie et il a passé six années dans ses prisons, jusqu’au moment où a éclaté la Deuxième Intifada, ce qui a forcé l’AP à le libérer temporairement en 2001.
Cette même année, il a tenté de participer à davantage d’activités militaires au sein des Brigades Qassam, après être retourné chez lui, au camp de réfugiés de Fawwar, mais il était arrêté un peu plus tard par les services de la sécurité préventive de l’AP.
Une fois de plus, il devait subir une parodie de procès et était condamné à la prison à vie, épousant même sa femme en détention, en 2002. Puis il s’évadait brièvement de prison suite à une perte de contrôle de l’AP de la prison où il était détenu lors d’une invasion israélienne d’Al-Khalil en avril de la même année. En tout, il n’a été à même de vivre que pendant deux mois avec sa femme, jusqu’au moment où les forces d’occupation israéliennes l’ont arrêté.
48 condamnations à vie
Abu Warda a été transféré vers un centre d’interrogatoire et de torture de la ville occupée d’Asqalan (Ashkelon). Le processus a duré 40 jours, avant qu’il ne soit condamné par un tribunal militaire israélien – où le taux de condamnation est de 99,9 % – à 48 fois la perpétuité.
Il était en détention depuis deux mois quand il a appris la nouvelle que sa femme était enceinte de son fils, qu’ils ont appelé Hamza. Abu Warda n’a pas eu l’autorisation de voir son fils avant qu’il n’ait un an et demi, après quoi on ne lui a autorisé que très rarement des visites.
Durant le temps qu’il a passé en détention militaire, il a connu diverses grèves de la faim en compagnie de ses compagnons prisonniers, dont la plus célèbre a été celle de 2012 qu’il a aidé à diriger et organiser. Les grèves de la faim avaient été lancées pour protester contre le traitement cruel et illégal des prisonniers palestiniens dans les prisons militaires israéliennes et où de nombreux prisonniers sont détenus sans la moindre accusation. Parmi eux figurent des femmes et des enfants.
Sa libération lui permettra de voir son fils pour la première fois en dehors d’une prison et ce sera également pour lui l’occasion de retrouver sa femme. Abu Warda est considéré comme l’un des plus importants prisonniers palestiniens en raison de son passé et de son engagement militaire.
Il a été soumis à des arrestations illégales et à des violences physiques alors qu’il était encore mineur et il a également grandi dans les conditions pénibles d’un camp de réfugiés et parmi les souvenirs permanents de sa famille victime du nettoyage ethnique de ses terres.
C’est ce qui l’a poussé vers le militantisme, au cours d’une vie de prison et de torture, et c’est cela qui en a fait un symbole, parmi les prisonniers palestiniens et plus spécifiquement au sein du mouvement du Hamas.
*****
Publié le 31 janvier 2025 sur The Palestine Chronicle
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
*****
Lisez également : Mohammed Abu Warda – qui purge 48 peines de prison à perpétuité – entre dans sa 22e année dans les prisons sionistes