Les funérailles qui ont scellé l’alliance inébranlable du Hezbollah

Les funérailles de Hassan Nasrallah à Beyrouth se sont muées en un puissant témoignage de l’esprit endurant de la résistance avec, pour honorer la mémoire du grand dirigeant disparu, ces millions de personnes rassemblées au beau milieu des dévastations laissées par l’agression israélienne au Sud-Liban et dans les faubourgs sud de Beyrouth. Malgré la destruction et les menaces permanentes, le défi résolu de la population l’a montré clairement : la résistance reste bien décidée.

Les funérailles qui ont scellé l'alliance inébranlable du Hezbollah. Une photo du stade de la Cité des Sports de Beyrouth lors de la cérémonie funéraire en l'honneur de Hassan Nasrallah et de Hashem Safieddine

Une photo du stade de la Cité des Sports de Beyrouth lors de la cérémonie funéraire en l’honneur de Hassan Nasrallah et de Hashem Safieddine


Pepe Escobar
, 25 février 2025


Beyrouth
– Il est aux alentours de 13 h 30, dimanche 23 février. À l’intérieur du grand stade de la Cité des Sports de Beyrouth, au moins 100 000 personnes vêtues de noir et drapées dans les drapeaux jaunes de la résistance présentent leurs respects au moment où les cercueils de Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, et de Hashem Safieddine se mettent à faire lentement le tour du stade.

Soudain, une formation triangulaire d’avions de combats israéliens F-15 et F-35 a percé les nuages et, en vrombissant, a rasé le stade aussi bas que possible pour des avions. Dans tout autre pays, en une occasion aussi triste, cela aurait constitué un hommage aérien à la cérémonie qui se déroulait au sol.

Mais nous sommes au Liban – une nation qui subit des pressions de la part des suspects habituels et dont l’armée nationale n’a pas le droit de se procurer des avions de combat de haute technologie ni des défenses aériennes dignes de ce nom. Et, ainsi donc, comme on pouvait s’y attendre, le show des avions israéliens constituait une provocation de plus, laquelle, incidemment, s’est retournée à l’instant contre ses perpétrateurs.

Tout le stade – plus le gros million de Libanais rassemblés tout autour – a hué les agents provocateurs en une cacophonie d’insultes et de remarques désobligeantes.

La moquerie prévalait sur la rage. Qu’allez-vous faire ? Nous bombarder tous en même temps – comme vous l’avez fait avec Sayyed Nasrallah le 27 septembre 2024 ? Nous sommes ici et nous sommes prêts. Allez-y, tas de lâches.

« Mort à Israël », scandaient-ils, tandis qu’une marée de poings pompaient l’air. « Labayka ya Nasrallah » (« À ton service, ô Nasrallah »), grondaient-ils à l’unisson.

Manifestement, les responsables n’avaient pas reçu le message parce que, moins d’une heure plus tard, le pathétique show de propagande aérienne recommençait et était de nouveau accueilli par des cris de dérision et de défi, plus forts encore, cette fois.

Incidemment, des ingénieurs libanais confirment que, lorsque l’aviation israélienne avait largué des dizaines de bombes synchronisées sur le QG souterrain du haut commandement du Hezbollah à Dahiye, un faubourg du sud de Beyrouth, cela n’avait pu être accompli qu’à l’aide du savoir-faire américain de haute technologie en matière de renseignement et de satellites.

La collecte des renseignements humains qui avaient facilité cette frappe massive n’avait pu se faire que par des troupes sur le terrain.

Les renseignements israéliens peuvent se vanter d’infiltrer – potentiellement – certains nœuds de la discipline interne du Hezbollah quasiment à toute épreuve ainsi que de posséder tout le matériel high-tech américain dont ils ont besoin pour tout organiser, depuis les provocations infantiles jusqu’à l’Enfer venu du ciel. Mais, quand il s’agit de l’essentiel – le combat réel – l’armée d’occupation israélienne n’est en fait qu’un ramassis de mauviettes.

Les maîtres de la destruction

Et cela nous mène à la dévastation insensée infligée par Israël au Sud-Liban lors de son « invasion » manquée. Pendant 66 jours, les troupes d’occupation ont désespérément tenté de pénétrer en profondeur dans le sud mais n’ont pas été en mesure de progresser sur plus de quelques kilomètres au-delà de la frontière, avant de devoir immédiatement battre en retraite vers leurs zones de sécurité.

Ce scénario quotidien de défaite a rendu furieux les dirigeants israéliens, qui ont tenté de combler cette carence en lançant sur tout le Liban des attaques aériennes disproportionnées et sans discernement. Les chiffres varient, mais au moins 4 800 Libanais – en majorité des civils – ont été tués dans les combats et lors des attaques de missiles dans le sud.

Sans le moindre gain tangible, mais avec la démoralisation massive des troupes israéliennes à la frontière libanaise, Tel-Aviv a littéralement supplié Washington de sceller un accord de cessez-le-feu avec le Hezbollah.

Inévitablement, cela a préparé le terrain à la véritable spécialité bien souvent testée d’une armée de lâches : la vengeance.

Rien ne prépare qui que ce soit au spectacle des vestiges des destructions insensées perpétrées par les Israéliens dans des endroits soigneusement choisis du Sud-Liban – de Maroun al-Ras à Odaisseh –, la majeure partie de ce carnage ayant été orchestrée après la conclusion de l’accord de cessez-le-feu.

Maroun al-Ras se trouve au sommet d’une colline qui surmonte stratégiquement la Palestine. Celle-ci se trouve au fond, à l’arrière-plan. C’est aujourd’hui un exemple classique de la façon dont Israël détruit totalement un village afin de ne pas le préserver.

Maroun al-Ras, qui fait partie de l’union des municipalités de Qalaa, réunissait en gros quelque 600 unités de logement et comptait entre 2 500 et 3 000 habitants. Lors du cessez-le-feu, les Israéliens – qui manquaient de la compétence nécessaire pour l’occuper au cours de la guerre – sont revenus et ont tout détruit, allant du piégeage par explosifs des maisons au nivellement des routes et à l’arrachage des arbres.

Quand on déambule dans les terres en friche qui restent de Maroun al-Ras, on se croirait dans une réincarnation de l’Allée de la Désolation : une sorte de microcosme de Gaza, tout aussi invivable. Mais la résistance est partout – depuis les drapeaux du Hezbollah et les innombrables photos des martyrs locaux dûment honorés jusqu’aux premiers bulldozers entamant le déblayage des débris.

 

Les funérailles d'Hassan Nasrallah qui ont scellé l'alliance inébranlable du Hezbollah. Photo : Les destructions à Maroun al-Ras

Les destructions à Maroun al-Ras

 

Odaisseh, juste à la frontière avec la Palestine, est un cas tout aussi horrible. Une fois encore, l’armée israélienne a été incapable de s’emparer de la ville après deux mois de combats acharnés contre le Hezbollah. Et, une nouvelle fois, le cessez-le-feu a été utilisé en vue d’une opération de vengeance. Aujourd’hui, Odaisseh, se retrouve littéralement rasé jusqu’au sol.

 

Dans aucun de ces cas, il n’y a eu la moindre mention dans les médias des pays de l’OTAN, ni la moindre condamnation, ni, à plus forte raison, la moindre action de la part des Nations unies.

Au contraire de Maroun al-Ras, où l’on voit dans le lointain la Palestine occupée, au sommet de la colline (l’avant-plan étant constitué de terres libanaises volées), les limites d’Odaisseh se trouvent juste en face d’un check-point des forces d’invasion et d’occupation. Un groupe d’occupants israéliens ont pointé leurs armes sur nous, pendant notre visite. Mais le groupe le plus significatif, ç’a été ceux qui, apeurés, hasardaient des regards de derrière un mur.

 

Les funérailles d'Hassan Nasrallah qui ont scellé l'alliance inébranlable du Hezbollah. Photo : Destructions à Odaisseh

Destructions à Odaisseh

 

Tel-Aviv, comme c’était à prévoir, continue de violer le cessez-le-feu qu’il a imploré : En tant qu’envahisseurs, ses soldats continuent d’occuper des positions sur cinq sommets de collines du Sud-Liban et son aviation s’obstine à mener des frappes à travers le pays.

Perçues comme les éléments d’une mosaïque, la provocation aérienne de dimanche ainsi que la destruction insensée des villages du Sud-Liban dépeignent ce qui, au mieux, devrait être interprété comme une machine à tuer vengeresse se faisant passer pour un État-nation.

Mais la résistance, incarnée désormais par le souvenir et l’exemple de Sayyed Nasrallah, n’a tout simplement pas l’intention de se laisser intimider. Ce n’est pas un hasard s’il est vénéré – et continue de l’être – dans la totalité du monde arabe, dans les terres de l’Islam et dans la majeure partie de la planète.

Et, dans ce cas, que dire si le président et le Premier ministre du Liban n’ont pas assisté à la cérémonie funéraire ce dimanche ? Ce sont de vulgaires marionnettes.

Ce qui compte, c’est ce qui a été scellé par cette cérémonie funéraire exceptionnellement émouvante :

« Nous sommes l’alliance ! »

Le cri de ralliement de la résistance ne sera tout simplement pas effacé.

Dans son dernier discours, le 19 septembre 2024, le lendemain de l’attaque terroriste israélienne contre les bipeurs et talkie-walkies des membres du Hezbollah, et huit jours à peine avant son assassinat à l’aide de 85 bombes américaines d’une tonne, Nasrallah avait quasiment dépeint la totalité d’un avenir inévitable :

« L’heure de reconnaissance viendra, mais nous serons les seuls à définir sa nature, sa portée, son emplacement et son exécution – dans le cercle le plus étroit possible. Car nous sommes au cœur de la bataille la plus précise, la plus sensible, la plus profonde et la plus décisive. »

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Publié le 25 février 2025 sur The Craddle
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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