C’est délibérément qu’Israël est en train d’affamer Gaza

Entre le 18 mars, le jour où Israël a violé le prétendu cessez-le-feu et a relancé sa boucherie à grande échelle à Gaza, et cette semaine, près de 1.900 Palestiniens ont été tués et quelque 5.000 autres blessés.

 

23 avril. Des Palestiniens portent les corps d'enfants tués lors d'une frappe israélienne sur une école transformée en refuge à Gaza même. (Photo : Hadi Daoud / APA images)

23 avril. Des Palestiniens portent les corps d’enfants tués lors d’une frappe israélienne sur une école transformée en refuge à Gaza même. (Photo : Hadi Daoud / APA images)

 

Nora Barrows-Friedman, 25 avril 2025

 

Le texte qui suit est un condensé des informations communiquées lors du livestream du 24 avril. Vous pouvez voir l’émission au complet ici.

Israël a imposé plus de 50 jours de siège total à la bande de Gaza alors que son armée accélère le déplacement forcé des Palestiniens en les repoussant dans des zones de superficie de plus en plus restreinte.

Bombardements et frappes aériennes se succèdent sans arrêt, tuant des dizaines de personnes, dont beaucoup d’enfants, chaque jour qui passe.

Entre le 18 mars, le jour où Israël a violé le prétendu cessez-le-feu et a relancé sa boucherie à grande échelle à Gaza, et cette semaine, près de 1 900 Palestiniens ont été tués et quelque 5 000 autres blessés.

Ce chiffre inclut environ 600 enfants tués et plus ou moins 1 600 autres blessés en cinq semaines à peine.

Mardi 22 avril, l’armée israélienne a pilonné à coups d’obus l’hôpital des enfants al-Durra de Gaza tout en déclenchant un barrage d’attaques contre le quartier d’al-Tuffah.

Le ministre palestinien de la santé à Gaza a fait savoir que les frappes de l’aviation israélienne avaient également ciblé et détruit les panneaux solaires sur le toit de l’hôpital, rendant non fonctionnel ce qui subsistait de ses services de pédiatrie.

Mercredi, une autre attaque dans le même quartier de Gaza a ciblé l’école de Jaffa, qui avait été transformée en refuge pour familles déplacées.

Au moins 23 personnes ont été tuées et un plus grand nombre encore blessées quand les flammes des incendies ont englouti les tentes des gens dans la cour ainsi que des familles qui s’étaient réfugiées à l’intérieur du bâtiment.

Le journaliste Abdalqader Sabbah a rapporté que quatre classes avaient été ciblées dans le courant de la nuit et que, le matin, les gens s’étaient rassemblés parmi les décombres de la cour pour pleurer les enfants tués lors des attaques.

S’adressant à Al Jazeera, les survivants ont décrit des scènes d’une horreur absolue.

Un homme blessé a déclaré à l’agence :

« Mes trois cousins – trois enfants – ont péri. On les a sortis de là complètement carbonisés. »

Les travailleurs médicaux à l’hôpital Al-Shifa tout proche n’ont pu que stériliser les blessures : il n’y avait plus de pansements disponibles, a expliqué Al Jazeera.

Mercredi également, à Jabaliya, dans le nord de Gaza, les forces israéliennes ont attaqué un immeuble résidentiel et, quand les secouristes de la défense civile sont venus apporter des soins aux blessés, l’armée israélienne a de nouveau bombardé l’immeuble. C’est ce qu’on appelle une double frappe.

 

Mercredi également, à Jabaliya, dans le nord de Gaza, les forces israéliennes ont attaqué un immeuble résidentiel et, quand les secouristes de la défense civile sont venus apporter des soins aux blessés, l'armée israélienne a de nouveau bombardé l'immeuble

Les forces israéliennes ont continué de bombarder les tentes des personnes déplacées à al-Mawasi, dans les dunes de sable du sud de Gaza, une zone qu’un peu plus tôt au cours du génocide, Israël avait qualifiée de « zone sûre ».

Le 19 avril, une frappe israélienne avait déjà ciblé les tentes des familles déplacées à al-Mawasi.

Les forces israéliennes ont continué de bombarder les tentes des personnes déplacées à al-Mawasi, dans les dunes de sable du sud de Gaza

 

Quelques jours plus tard à peine, le 22 avril, au moins 10 Palestiniens ont été tués dans une autre frappe aérienne contre al-Mawasi.

Il y a une semaine, le 16 avril, une attaque israélienne contre al-Mawasi avait tué au moins 10 Palestiniens, dont des enfants, y compris un enfant handicapé qui se déplaçait en chaise roulante.

Catherine Russell, la directrice exécutive du fonds des enfants de l’ONU, l’UNICEF, a déclaré que « les images des enfants en train de brûler alors qu’ils s’étaient réfugiés dans des tentes de fortune nous secouent tous jusqu’au plus profond de nous-mêmes ».

Ces derniers jours, on a également signalé des attaques contre le camp de réfugiés d’al-Bureji et à Deir al-Balah, dans la partie centrale de Gaza.

 

« Des formes de génocide parmi les plus graves et les plus inhumaines »

À la suite de ces cinq semaines de siège humanitaire total par Israël contre Gaza, la faim et la situation médicale dégénèrent rapidement en catastrophe.

Selon Euro-Med Human Rights Monitor,

« les familles dans la bande de Gaza ont été obligées de réduire le nombre de leurs repas quotidiens, ce qui s’est traduit par une perte de poids notable parmi les habitants. Désormais, en l’absence quasi totale d’aliments frais et nutritifs, la plupart des gens comptent presque entièrement sur la livraison limitée dans l’enclave de nourriture en boîte, alors que de nombreux autres se retrouvent complètement dépendants des banques alimentaires pour leurs repas quotidiens ».

L’organisation des droits humains ajoute que ces banques alimentaires, toutefois,

« sont exposées aux attaques intensifiées de l’armée israélienne ces dernières semaines, empêchant de plus en plus les résidents de pouvoir couvrir ne serait-ce que leurs besoins les plus élémentaires en nourriture ».

« La famine imposée par Israël aux civils de la bande de Gaza constitue l’une des formes les plus graves et inhumaines de génocide, en même temps qu’une grave violation de la dignité humaine »,

a ajouté Euro-Med.

« Cela va bien au-delà du simple refus de nourriture, puisque cela vise également à démanteler la capacité de survie de la population en détruisant ses moyens de subsistance, en empêchant le passage de l’aide humanitaire, en ciblant les sources de production vivrière et en perturbant délibérément les chaînes d’approvisionnement essentielles. »

Jonathan Whittall, du Bureau de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires, a décrit la situation à Gaza comme une « privation intentionnelle » s’ajoutant au « démantèlement délibéré par Israël de la vie palestinienne ».

 

Le ciblage et la destruction des équipements lourds

Les 21 et 22 avril, en de multiples endroits autour de Gaza, Israël a ciblé et détruit des dizaines de véhicules de l’équipement lourd appartenant à la défense civile palestinienne.

 

Les 21 et 22 avril, en de multiples endroits autour de Gaza, Israël a ciblé et détruit des dizaines de véhicules de l'équipement lourd appartenant à la défense civile palestinienne.

 

Selon la municipalité de Jabaliya, dans le nord de Gaza, une frappe de l’aviation israélienne a détruit la totalité des neuf chargeuses sur pneus qui avaient été données et envoyées lors du cessez-le-feu de janvier, ainsi qu’un camion d’aspiration des eaux usées et un camion-citerne à eau d’une capacité de 5 mètres cubes.

En outre, un véhicule d’entretien de regard (trou d’homme), cinq véhicules de service, un chargeur Caterpillar de type 936, deux tracteurs, un camion compacteur à ordures, un camion-citerne de distribution solaire et un générateur mobile destiné au fonctionnement des puits d’eau ont tous subi des dégâts partiels, a ajouté la municipalité.

Tous ces services, y compris le dégagement des rues, l’enlèvement des déchets, l’entretien de l’égouttage et les services de l’eau ont été complètement suspendus, exacerbant ainsi la situation déjà pénible et augmentant le risque de maladie.

Le journaliste Abdalqader Sabbah a couvert ce qui s’est passé à Jabaliya et a fait remarquer que ces véhicules étaient également nécessaires pour dégager les victimes des décombres.

Il a déclaré qu’il s’agissait d’une autre façon encore pour Israël de tenter de démanteler tous les services humanitaires à l’intérieur de Gaza.

Le Hamas a condamné les attaques israéliennes contre ces véhicules en les qualifiant de « criminelles ».

« Le ciblage des sièges municipaux par l’aviation de l’occupation israélienne et le bombardement des équipements lourds destinés au sauvetage et à l’enlèvement des décombres, parmi lesquels les bulldozers et d’autres engins mécaniques, est une continuation criminelle de la guerre d’extermination »,

a dit le parti politique dans une déclaration.

« La destruction systématique des moyens de subsistance et des installations civiles dans la bande de Gaza ne parviendra pas à pousser notre peuple à se rendre aux plans de déplacement malveillants, pas plus qu’elle ne parviendra à le dissuader de se cramponner à sa terre, à sa détermination et à celle de ses fils au sein de la résistance courageuse résistance en vue d’affronter et de venir à bout de l’agression et de concrétiser nos droits légitimes à la liberté et à l’autodétermination. »

 

Les soldats israéliens abattent et tuent des enfants en Cisjordanie

Passant à la Cisjordanie occupée, Tamara Nassar, de The Electronic Intifada, a parlé du durcissement des restrictions de mouvement des Palestiniens, alors que les raids de l’armée israélienne dans les villes et camps de réfugiés palestiniens atteignent de nouveaux sommets de violence ces 18 derniers mois.

Entre-temps, le 23 avril, un enfant a été tué à al-Yamoun, à proximité de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie.

Defense for Children International – Palestine (DCI-P) a rapporté que des soldats israéliens avaient abattu et tué à balles réelles Mahmoud Methqal Ali Abu al-Haija, âgé de 12 ans.

Le garçon

« a été touché à l’abdomen au moment où les forces israéliennes ont ouvert le feu sans discernement à une distance d’environ 80 mètres »,

a déclaré DCI-P.

Le petit Al-Haija

« a été emmené vers un véhicule privé qui l’a transporté vers le Centre médical Al-Hadaf d’al-Yamoun, après quoi il a été transféré en ambulance à l’hôpital gouvernemental de Jénine, où son décès a été constaté à son arrivée ».

Al-Haija, qui accompagnait d’autres garçons et jeunes hommes,

« aurait jeté des pierres en direction des soldats israéliens déployés autour du cimetière alors que d’autres soldats perquisitionnaient un immeuble résidentiel tout proche »,

disent les informations collectées par DCI-P.

Depuis le 21 janvier, l’armée israélienne mène une opération militaire toujours en cours dans l’ensemble du gouvernorat de Jénine.

Le 17 avril, les forces israéliennes ont abattu et tué Jihad Adham Rebhi Adeli, un adolescent de 16 ans, au cours d’un raid et d’une invasion dans la ville d’Osarin, au sud de Naplouse.

Des ambulances palestiniennes ont tenté de rallier les lieux et d’apporter de l’aide, mais elles ont été bloquées par les forces israéliennes, selon les renseignements collectés par DCI-P. Les autorités israéliennes ont retenu le corps de l’adolescent.

En 2025, les forces israéliennes ont tué 23 enfants palestiniens en Cisjordanie, toujours selon les renseignements collectés par DCI-P.

 

Des militants marocains bloquent un navire de la Maersk

Dans les nouvelles concernant l’activisme international, il y a eu des protestations massives au Maroc dans le but de bloquer l’accostage et le déchargement de deux cargos de la Maersk en route vers Israël.

 

 

Selon la campagne Mask off Maersk (Démasquez la Maersk), que nous avons récemment accueillie dans le livestream et le podcast de The Electronic Intifada,

« les travailleurs portuaires marocains et la société civile locale ont adopté une position courageuse contre l’acheminement des cargaisons militaires américaines vers Israël, en bloquant les opérations sur le navire Nexoe Maersk, qui était censé charger des pièces d’avions de combat F-35 au port méditerranéen de Tanger ».

Ces composantes d’avions de combat

« sont, paraît-il, destinées à la base aérienne de Nevatim, en Israël, un site clé pour l’entretien des F-35 au moment où les bombardements contre Gaza s’intensifient ».

 

 

À Casablanca, des militants de la campagne disent que

« les protestations massives ont retardé l’accostage du Nexoe Maersk pendant près de 39 heures. Des protestations se sont également fait entendre dans des ports français, à Tanger, en Espagne et le long de la côte est américaine, dans le cadre de cette campagne #MaskOffMaersk ».

Des dizaines de dockers du port de Tanger

« ont refusé de s’occuper du navire malgré le risque de représailles de la part de leur employeur, et un docker au moins a démissionné en guise de protestation ».

Les principaux syndicats ouvriers marocains ont lancé des appels au niveau national afin de boycotter les navires transportant des armes liées à la guerre israélienne contre Gaza.

La campagne Mask off Maersk dit :

« Malgré le fait que, dans le passé, la Maersk avait déjà exercé des représailles contres les travailleurs marocains qui avaient refusé de charger ou de décharger des navires et, en dépit de la lourde répression exercée actuellement par la compagnie, les travailleurs sont restés fermes contre cette complicité de la compagnie. »

« Nous invitons la solidarité internationale et les organisations à soutenir le courageux peuple et les travailleurs marocains qui ont adopté une position de principe contre l’afflux d’équipement militaire via leurs ports afin de faciliter le génocide. »

 

Mise en exergue de la résilience

Enfin, selon notre habitude, nous avons voulu mettre en évidence les gens qui exprimaient leur joie, leur détermination et leur résilience un peu partout en Palestine.

Le 17 avril, notre contributeur Abubaker Abed avait publié dans les médias sociaux une déclaration personnelle et une vidéo à propos de sa décision de quitter Gaza pour un traitement médical et en vue de compléter sa formation universitaire.

Il est aujourd’hui sain et sauf en Irlande, où il compte poursuivre ses études et s’occuper de sa santé.

 

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Publié le 25 avril 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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