Hedy Epstein, survivante de l’Holocauste et militante pour la justice

 

Survivante de l’Holocauste, Hedy Epstein, 91 ans, est décédée à son domicile de Saint-Louis, dans le Missouri, aux États-Unis, ce 26 mai 2016. Universellement connue, respectée et admirée comme avocate des droits de l’homme et des droits civiques, Hedy était entourée d’amis qui s’occupaient d’elle avec beaucoup d’amour.

Hedy Epstein (Photo : Humans of St. Louis/Lindy Drew)

Née le 15 août 1924, dans le Land de Bade-Wurtemberg en Allemagne, son engagement de toute une vie pour les droits de l’homme a pris former à la suite des expériences horribles qu’elle et sa famille ont subies sous la répression du régime nazi.

Incapables de se procurer des documents de voyages pour eux-mêmes, les parents de Hedy, Hugo et Ella (Eichel) Wachenheimer, firent quand même en sorte que Hedy, 14 ans à l’époque, pût quitter l’Allemagne avec un convoi d’enfants. Hedy a déclaré un jour que ses parents lui avaient donné la vie une seconde fois lorsqu’ils l’avaient envoyée en Angleterre, où elle avait pu vivre chez des étrangers au grand cœur. La quasi-totalité des proches de Hedy (ses parents, grands-parents, la plupart de ses tantes, oncles et cousins) ne survécurent pas à l’Holocauste. Hedy séjourna en Angleterre jusqu’en 1945, puis retourna en Allemagne pour travailler au sein du Service civil des États-Unis. Elle collabora ensuite, en 1946, aux recherches relatives au procès des médecins, à Nuremberg, en tant qu’analyste d’enquête.

Hedy immigra aux États-Unis en 1948. Avec son mari, elles s’installa à Saint-Louis au début des années 1960 et, peu après, elle alla travailler comme bénévole à Freedom of Residence (Liberté de résidence), pour la Commission du Grand Saint-Louis, une organisation non marchande favorisant l’intégration par le logement et militant pour plus de souplesse dans les conditions d’accès au logement. Pendant de longues années, Hedy travailla comme bénévole et membre du comité de direction pour finalement devenir directrice exécutive de l’organisation au milieu des années 1970.

Au cours des années 1980, Hedy assura des tâches d’assistante juridique pour Chackes and Hoare, un bureau d’avocats qui défendait des personnes victimes de discrimination dans l’emploi. En tant que militante de l’égalité et des droits de l’homme, Hedy a pris position contre la guerre au Vietnam, les bombardements au Cambodge et la politique anormalement restrictive des services de l’immigration américaine. Elle a pris la parole et agi pour soutenir les boat people haïtiens ainsi que les droits de la femme à la reproduction et, à la suite du massacre de Sabra et Chatila, en 1982, Hedy a entamé son travail courageux et visionnaire en faveur de la paix et de la justice en Israël et en Palestine.

Durant ses dernières années, Hedy a continué à plaider en faveur d’un monde plus pacifique et, en 2002, elle a été membre fondatrice de la St. Louis Instead of War Coalition (Coalition de Saint-Louis « pour autre chose que » la guerre). Une grande partie de son militantisme ultérieur s’est concentré sur les efforts visant à mettre un terme à l’occupation israélienne de la Palestine. Elle a également fondé le comité de Saint-Louis des Femmes en noir et a cofondé le Comité de Saint-Louis de solidarité avec la Palestine, de même que le comité de Saint-Louis de Voix juive pour la paix. Elle s’est rendue en Cisjordanie de nombreuses fois, tout d’abord comme bénévole au sein du Mouvement de solidarité internationale non violente et, plusieurs fois également, comme témoin afin de plaider en faveur des droits de l’homme des Palestiniens. Elle a tenté à plusieurs reprises de se rendre à Gaza comme passagère de la Flottille de la liberté, y compris comme passagère du l’Audacity of Hope, et une fois également avec la Marche de la liberté pour Gaza. Hedy a pris la parole devant de nombreux groupes et organisations à travers l’Europe et elle est retournée très souvent en Allemagne et, entre autres, dans son village natal de Kippenheim.

hedy_epstein_arre_te_e-4fec9Trois jours avant son 90e anniversaire, Hedy a été arrêtée pour « refus de circuler ». Elle tentait d’entrer dans le bureau de Saint-Louis du gouverneur du Missouri, Jay Nixon, afin de réclamer une désescalade dans les tactiques de la police et de la Garde nationale qui avaient recouru à la violence en réponse aux protestations qu’avait suscitées la mort par balles de l’adolescent désarmé Michael Brown, à Ferguson, dans le Missouri.

Hedy était membre du Musée de l’Holocauste de Saint-Louis et du bureau des conférenciers du Centre d’apprentissage et elle a présenté d’innombrables exposés dans les écoles ou lors d’événements communautaires. En tant que principale conférencière de la Missouri Scholars Academy, (Académie des érudits du Missouri) elle a partagé pendant plus de vingt ans ses expériences de l’Holocauste avec des milliers de jeunes du Missouri. Elle terminait chacun de ses exposés par trois requêtes : Souvenez-vous du passé, ne haïssez pas et ne soyez pas un témoin passif. Au fil des années, Hedy s’est vu décerner de nombreux honneurs et récompenses pour ses services toujours empreints d’une grande empathie et son infatigable quête de justice.

Hedy laisse derrière elle un fils, Howard (Terry) Epstein, et deux petites-filles, Courtney et Kelly. Elle a été très aimée et elle manquera profondément à d’innombrables amis à Saint-Louis et dans le monde entier.

Hedy partageait souvent sa philosophie du service en ces termes : « Si nous n’essayons pas de faire la différence, si nous n’élevons pas la voix, si nous n’essayons pas de remédier aux mauvaises choses que nous voyons, nous en devenons les complices. Je ne veux pas être coupable de n’avoir pas fait de mon mieux pour faire la différence. »

Hedy a toujours fait de son mieux et la différence qu’elle a faite est manifeste dans l’engagement et la passion des personnes qui ont été appelées à poursuivre son œuvre. Ses amis et admirateurs honorent et saluent son profond dévouement, toute sa vie durant, à la cause du tikkoun olam (en hébreu, littéralement : « réparation du monde »), la juste remise en ordre du monde et la promesse de se souvenir, de rester humain et de ne jamais être un témoin passif.


Publié le 26 mai 2016 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal

 
Hedy pendant la grève de la faim

Nous étions plusieurs membres de la Plate-forme Charleroi-Palestine à avoir connu Hedy, lors de la « Gaza Freedom March » au Caire en décembre 2010. Juste avant notre départ, nous apprenons que Moubarak ne permet pas notre passage à Gaza. Mais nous apprenons également qu’une femme juive de 85 ans n’accepte pas cette interdiction et qu’elle a entamé une grève de la faim. Nous voilà partis au Caire, 60 Belges, rejoignant 1.400 autres « internationaux ». Pendant 7 jours nous avons manifesté dans la ville, « We want to go to Gaza », avec Hedy. Une femme inoubliable, une expérience inoubliable, tellement bien décrite dans le long poème de Jean-Pierre Griez. MDL.

 
Devant l’ambassade d’Israël le 1 janvier 2010
 
Hedy pendant le meeting de clôture, place Tahrir

On peut aussi voir Hedy dans cette magnifique vidéo, réalisée par Europalestine :

 


Gaza Freedom March par belkacem_93
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