M. Magnette : pourquoi êtes-vous allé voir un ministre de ce gouvernement extrémiste ?

De nombreux Carolos ont participé à une campagne pour promouvoir BDS, mais leur bourgmestre n'a pas entendu leur message. Photo : Plate-forme Charleroi-Palestine

De nombreux Carolos ont participé à une campagne pour promouvoir BDS, mais leur bourgmestre, M. Magnette, n’a pas entendu leur message. Photo : Plate-forme Charleroi-Palestine

Faisant fi de la campagne BDS, lancée et dirigée par 160 organisations de la société civile palestinienne, vous vous êtes rendu en Israël, M. Magnette, au début du mois pour faire des affaires. Vous avez rencontré un des membres du gouvernement le plus raciste et le plus extrême de l’histoire d’Israël. Yuval Steinitz est l’actuel ministre du Transport, de l’Energie et de l’Eau. Trois matières dans lesquelles l’apartheid est le plus criant, aussi bien en Palestine occupée que pour les Palestiniens d’Israël.

 

Steinitz a été Ministre des Finances et Ministre des Affaires Stratégiques dans les gouvernements précédents.

Cet ancien militaire de la fameuse brigade Golani, était connu dès son entrée dans le nouveau gouvernement, pour sa déclaration : « Nous n’accepterons pas la division de Jérusalem ni l’abandon de la Vallée du Jourdain. » En ce qui concerne le Golan, territoire syrien annexé en toute illégalité : Steinitz y permet les multiplications des forages pétroliers.

Ce personnage qui traite l‘UE et Mahmoud Abbas  d’ »antisémites », n’hésite pas de comparer le Hamas avec l’Etat Islamique : « Comme Daesh qui souhaite débarrasser la région des infidèles, le Hamas et le Jihad islamique veulent laver la « Palestine » des Juifs. »

Steinitz, en 2014 lorsqu’il était ministre des Affaires stratégiques, a exigé un budget de 100 millions de shekels (près de 21 millions d’euros) pour la mise en place d’un plan contre BDS censé inclure du matériel de relations publiques et des campagnes juridiques et médiatiques agressives contre les organisations appuyant le boycott.

Interpellé par trois députés, le 9 mai, à la Commission des affaires générales et des relations internationales du Parlement wallon sur votre mission de travail en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés, vous n’avez pas dit un seul mot du contenu de cette rencontre. Pas de transparence à ce sujet. (Parlement wallon, C.R.A.C. N° 156(2015-2016)3e session de la 10e législature)

Vous qualifiez le gouvernement israélien de « néo-conservateurs, de nationalistes religieux »

N’est-ce pas un peu léger ? Quelques jours seulement après votre départ, un chef militaire israélien a comparé Israël à l’Allemagne des années 1930. Maintenant que Nethanyahou a réintégré Avigdor Liebermann dans son gouvernement, même le criminel de guerre Ehud Barak estime qu’Israël est « infecté par les germes du fascisme ».

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Sawsan Daoud Ali Mansour, exécuté le 24 mai 2016

Trouvez-vous vraiment que les ministres d’un gouvernement dont l’armée a exécuté 200 jeunes gens dans la rue (la peine de mort sans arrestation, sans procès) depuis le mois d’octobre, soient fréquentables ? Un gouvernement qui menace les porte-parole du mouvement BDS, un mouvement tout à fait pacifique, d’« éliminations ciblées » ? Un gouvernement qui maintient le blocus cruel de Gaza, qui traite ses propres citoyens palestiniens de citoyens de seconde zone, qui pratique le nettoyage ethnique en Cisjordanie, à Jérusalem et en Israël même ?

Pourquoi n’avez-vous pas essayé de rencontrer M. Omar Barghouti, qui réside à Acre ? Omar Barghouti est le cofondateur du mouvement BDS, il est personnellement ciblé par ce gouvernement et il est d’ailleurs empêché de voyager depuis deux semaines.

Vous êtes allé en Palestine occupée, pourquoi n’avez-vous pas essayé de rencontrer des membres du BNC, une très large coalition palestinienne que dirige la campagne BDS au niveau mondiale ? Ils vous auraient dit, Monsieur Magnette, que le temps est venu d’isoler ce régime, que le temps est venu de prendre des sanctions. Cinquante ans d’occupation : ce n’est pas tolérable ! L’apartheid n’est pas tolérable !

Les députés Ruddy Warnier (PTB) et Hélène Rijckmans (Ecolo) vous ont rappelé cette campagne BDS. Vous répondez que votre politique (maintenir vos contacts officiels en Israël et faire des affaires) est plus utile.

Parlons-en, de ces affaires. Vous dites : « Dans tous les contacts économiques ou scientifiques, on fait extrêmement attention à ce qu’il n’y ait aucun lien avec les colonisations ; les sociétés que j’ai visitées ont été screenées dans les moindres détails. De même, on a veillé à ce qu’il n’y ait aucun lien avec toutes les matières liées à la sécurité. »

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Sawsan Daoud Ali Mansour, exécutée à l’âge de 17 ans

Mais Monsieur Magnette, vous devez quand même savoir que toute l’économie israélienne est liée à la colonisation, au militaire, à la sécurité. Et, de toute façon, comme le disait Omar Barghouti l’année dernière à Bruxelles : « Si la colonisation perdure, c’est notamment grâce au soutien de l’économie israélienne par les entreprises européennes. »

Vous êtes allé voir l’Institut Weizmann. Pourquoi n’écoutez-vous pas la voix des 468 personnalités et professeurs d’université belges qui appellent au boycott académique ?

Ou celle des étudiants de la FEF qui, déjà en 2013, appelaient à un gel des accords de coopération, d’enseignement et de recherche existant avec les universités de Jérusalem, de Tel-Aviv, de Technion, ainsi qu’avec les institutions Weizmann et ICTAF, jusqu’à une prise de position officielle des autorités académiques concernées en faveur du respect des droits fondamentaux du peuple palestinien ?

Est-ce que votre « screening » n’a pas fait état de ce que l’entreprise Yeda, la branche commerciale de l’Institut, est une entreprise de transfert technologique qui commercialise les produits de la recherche à des fins notamment militaires ?

Faire du «business » en Palestine occupée ?

Vous dites que vous avez rencontré de jeunes entrepreneurs palestiniens dynamiques. Mais vous ne répondez pas à la question pertinente de Mme Rijckmans : « Peut-on s’imaginer un travail efficace avec les entreprises palestiniennes sans qu’elles resteraient captives de cette économie d’occupation ?… »

Nous vous conseillons la lecture, Monsieur Magnette, de cette étude de Julien Salingue sur la « (dé)structuration totale de l’économie palestinienne sous occupation militaire », sur « son dé-développement ». Pour aider réellement la Palestine, Monsieur Magnette, il faut mettre fin à l’occupation. Cinquante ans, ça suffit.

Vous avez vu le Mur à Bethléem, le camp d’Aida. Je suis certaine que cela vous a marqué. Vous avez également visité les projets de coopération, rencontré les stagiaires de Condorcet, la Bethlehem Arab Society for Rehabilitation.

Pourquoi ne pas vous engagez davantage dans une politique d’échanges avec la société civile palestinienne, comme le fait la province du Hainaut, un exemple en la matière ? Elle a signé un accord de coopération avec le gouvernorat de Bethléem et, dans ce cadre, de nombreux projets culturels, sportifs, touristiques ont vu le jour. De vrais gestes de solidarité et des échanges, qui font mieux comprendre ici le caractère cruel de l’occupation et la nécessité d’en finir.

Enfin, permettez-moi de vous dire, Monsieur Magnette, pourquoi vous accrocher à un « processus de paix » bidon, qui n’a amené que plus d’apartheid encore, plus de colonisation, plus de nettoyage ethnique.


MDL pour la Plate-forme Charleroi-Palestine

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