Menaces sur nos droits fondamentaux ! Aujourd’hui, les Palestiniens, qui seront les suivants?

Une lettre ouverte, signée par 226 universitaires, chercheurs et étudiants d’universités néerlandophones et francophones, attire l’attention sur une grave menace qui pèse sur les droits fondamentaux en Belgique. Le retrait du statut de réfugié de Mohammed Khatib n’est pas un cas isolé, mais s’inscrit dans une tendance plus large de répression politique et d’intimidation.

 

Menaces sur nos droits fondamentaux ! Aujourd’hui, les Palestinien·nes, qui seront les suivant·es?

 

Le 7 août dernier, le CGRA (Commissariat Général aux Réfugiés et Apatrides) a révoqué le statut de réfugié de Mohammed Khatib. Réfugié palestinien né et ayant grandi dans le camp de Aïn-El-Helweh au Liban. Mohammed est basé à Bruxelles et il coordonne pour l’Europe, Samidoun, le réseau de solidarité avec les prisonnier·es palestinien·nes. Créé en 2011, ses membres fondateurs voulaient répondre au besoin de soutien des milliers de prisonnier·es politiques palestinien·nes détenu·es dans le système carcéral israélien. La chercheuse Hadil Louz définit Samidoun comme « une plateforme qui soutient les prisonnier·es politiques palestinien·nes, qui dénonce les conditions inhumaines de détention et qui défend leurs droits fondamentaux ». Une telle révocation de statut de réfugié politique constitue une grave menace sur les droits fondamentaux de tou·tes, ici, en Belgique.

Cette révocation a été requise par la précédente Secrétaire d’État aux Migrations et à l’Asile, Nicole de Moor, en avril 2024. À l’époque, ce projet extraordinaire de révocation du statut d’un réfugié reconnu avait suscité une forte réaction de la part de plus de 250 universitaires basé·es en Belgique, dénonçant publiquement ce dangereux précédant: « En tant qu’universitaires engagé·es pour la justice et le respect des droits humains, nous dénonçons vivement la possibilité de révoquer un statut de réfugié pour des raisons politiques ».

  Les circonstances actuelles sont encore plus difficiles que ce que nous pouvions anticiper en avril 2024. Aujourd’hui, alors que l’administration belge décide de priver un homme d’un droit fondamental qu’elle lui a attribué, le gouvernement Arizona prépare un projet de loi qui permettra à l’Exécutif d’interdire des organisations sans passer par aucune procédure judiciaire. L’adoption d’une telle loi ouvrirait la porte à des décisions arbitraires dépendantes de la volonté du gouvernement, et constituerait un dangereux précédant qui porterait gravement atteinte à notre régime des droits fondamentaux.

Depuis deux ans, différents mouvements et militant·es mènent une campagne acharnée pour mettre fin au génocide et à la colonisation en Palestine. Tandis que les autorités belges sont restées largement silencieuses et ont maintenu leurs relations diplomatiques et commerciales avec Israël, de nombreux·ses citoyen·nes ont pris part à des manifestations de grande ampleurs, à des occupations étudiantes dans les différentes universités belges, ainsi qu’à des pétitions et déclarations publiques d’universitaires appelant au boycott des universités israéliennes et à la suspension de l’accord d’association UE-Israël. Le mouvement poursuit son essor en réaction au génocide  en cours de la population palestinienne de Gaza et de Cisjordanie. Une immense mobilisation qui fait face à une répression policière et judiciaire, ainsi qu’à la diffamation et à la criminalisation de celles et ceux qui soutiennent le peuple palestinien. La révocation du statut de Mohammed Khatib s’inscrit dans cette tendance dangereuse qui vise à faire pression et à intimider les militant·es.

Aucune procédure judiciaire pour délit ou crime n’a jamais été engagée à l’encontre de Mohammed Khatib. Dès lors, nous nous questionnons sur les raisons qui ont motivé cette décision. Gert Vercauteren, directeur de l’Organe de coordination pour l’analyse de la Menace (OCAM), a récemment déclaré que Samidoun n’était pas une organisation terroriste et n’avait pas l’intention de mener des attaques dans notre pays. Bien qu’il considère le discours de Samidoun comme « radical », Gert Vercauteren estime que le mouvement n’agit pas en violation du code pénal. Dans le contexte d’une érosion des libertés civiles et d’une islamophobie croissantes, Samidoun est qualifiée d’organisation « controversée » aux Pays-Bas et au niveau de l’UE. Elle n’est interdite dans aucun État membre de l’UE, à l’exception de l’Allemagne. Il y a quelques mois, des ministres belges reconnaissaient eux-mêmes que Samidoun ne pouvait être accusée d’incitation au terrorisme.

Les restrictions aux libertés fondamentales et aux droits des Palestinien·nes et de ceux et celles qui les soutiennent sont particulièrement inquiétantes et choquantes. C’est encore plus préoccupant lorsque le Ministre de la Défense, Théo Francken, déclare que, selon lui, tou·tes les membres de Samidoun devraient se voir retirer leur statut ou nationalité. Il s’agirait là d’une autre mesure exceptionnelle et inacceptable qui restreindrait encore les droits de toutes et tous.

En tant qu’universitaires engagé·es pour la justice et fermement attaché·es aux droits fondamentaux, nous dénonçons cette gouvernance d’exception ainsi que la banalisation des violations des droits humains fondamentaux guarantis par la Constitution belge. Nous refusons d’accepter la répression politique de mouvements sociaux qui luttent pour la justice et l’égalité. Se mobiliser et soutenir la Palestine, lutter contre un régime colonial et génocidaire ne constitue pas un crime. Le droit à la liberté d’expression et d’association, le droit de lutter pour l’auto-détermination sont garantis par plusieurs textes légaux internationaux ratifiés par la Belgique. Comme l’a réaffirmé l’avis consultatif de la Cour internationale de justice, la résolution des Nations unies sur l’autodétermination « réaffirme expressément que la réalisation universelle du droit de tous les peuples, y compris ceux qui sont sous domination coloniale ou étrangère, à l’autodétermination est une condition fondamentale pour la garantie et le respect effectifs des droits de l’homme et pour la préservation et la promotion de ces droits ». 

Nous estimons que ces droits doivent être fermement protégés en Belgique, en particulier lorsqu’il s’agit, d’une part, de dénoncer les crimes contre l’humanité et le génocide, qui sont désormais reconnus au niveau international et bien documentés. D’autre part, lorsque le gouvernement belge n’a pris aucune mesure concrète pour mettre fin à la famine massive, au nettoyage ethnique et au génocide en cours à Gaza et en Cisjordanie. Alors que les partenaires de la coalition se rejettent mutuellement la responsabilité de cette inaction honteuse et de leur incapacité à respecter les obligations de la Belgique en vertu du droit international et de la Convention pour la Prévention et la Répression du Crime de Génocide, ces mêmes partenaires s’accordent sans difficultés pour réduire au silence les militant·es palestinien·nes en Belgique.

L’obligation de la Belgique envers le droit international n’est pas « à la carte ». Les droits des réfugié·es sont inaliénables car ils constituent le cadre de protection pour les personnes dont les droits fondamentaux à une vie décente ne peuvent être garantis autrement.

Compte tenu de ce qui précède, nous exigeons que le gouvernement belge :

– rétablisse le statut de réfugié de Mohammed Khatib ; 

– respecte ses obligations nationales en matière de droits fondamentaux, y compris ceux de tous les réfugié·es palestinien·nes ;

– honore ses obligations internationales de protéger le peuple palestinien, victime de crimes de guerre et d’un génocide continu ;

– cesse d’intimider et de criminaliser les militant·es et les organisations qui soutiennent la lutte palestinienne, conformément aux droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution belge;

– se conforme aux obligations de la Belgique en vertu du droit international et de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
 

Premier·es signataires : Leila Mouhib, ULB/UMONS, Nouria Ouali, ULB ; Itamar Shachar, UHasselt, Nadia Fadil, KULeuven ; Omar Jabary Salamanca, ULB ; Astrid Jamar, UAntwerpen ; Dounia Bourabain, UHasselt ; Gert Van Hecken, UAntwerpen ; Fadia Panosetti, ULB ; Thies Gehrmann, UAntwerpen ; Carla Nagels, ULB ; Elodie VERLINDEN, ULB ; Helge Daniëls, KU Leuven ; Roland Elsa, Unamur ; Paul Lazzarotto, ULB ; Serge Gutwirth, VUB ; Jenneke Christiaens, VUB ; Lucie Hild, Uclouvain ; Said El Majdoub, AP University College ; Nele Aernouts, VUB ; Barbara Van Dyck, ULB ; Suzan Gibril, ULB ; Thomas Van Riet, KU Leuven ; Brunilda Pali, University of Amsterdam ; Sajjad Ali, Karakorum International University (KIU) ; Adriana Moreno, VUB ; Sigrid Vertommen, UGent ; Nicolas Moens, UCLouvain ; Lieven De Cauter, KULeuven ; Santiago Kadeyan, ULB ; Nidae El Mohammadi, ULB ; Roschanack Shaery Yazdi, University of Antwerp ; Hannah Oorts, VUB ; Serena D’Agostino, University of Antwerp ; Ilke Adam, VUB ; Koen Bogaert, Ghent University ; Ruben Janze Lindberg, University of Ghent ; Stephanie De Maesschalck, Ghent University ; Jan Orbie, Ghent University ; Abdelfattah Touzri, HE2B-Condorcet ; Sarah Katz-Lavigne, University of Antwerp ; Richard Toppo, UAntwerpen ; France Hubert, ULB ; Tomaso Ferrando, University of Antwerp ; Charly Fillon, ULB ; Zoé Van Herstraeten, ULB ; Isabelle Stengers, ULB ; Mona Aviat, ULB ; Stefaan De Neve, Ghent University ; Emilie Gossye, VUB ; Noam Vandevelde, ULB ; Yiorgos Vassalos, ULB ; Elena Tadros, ULB ; Beyza Elif Dinçer, UHasselt/ULiège ; Philippe Meers, Universiteit Antwerpen ; Paul de Marneffe, UCLouvain ; Denis Lucile, UCLouvain Saint-Louis Bruxelles ; Luis Andrade, UCLouvain ; Matteo Gagliolo, ULB ; Lena Imeraj, VUB ; Joanna Beeckmans, UHasselt ; Nissaf Sghaier, UCLouvain (Bruxelles) ; Véronique Clette-Gakuba, ULB ; Inas Rahou, University of Antwerp ; Wenke Smets, UAntwerpen ; Matt Tips, KULeuven ; Stijn Wittouck, University of Antwerp ; Sarah Ahannach, University of Antwerp ; Deborah Brosteaux, ULB ; Corentin Debailleul, ULB ; Stan Cornil, UAntwerpen ; Sandra Condori, University of Antwerp ; Aurélie Van delm, KULeuven ; Benedikte Zitouni, UCLouvain Saint-Louis ; Alice Clarebout, ULiège ; Marie Ruyffelaere, ULB ; Judith Ryckewaert, KULeuven ; Hanne Hellin, UGent ; Andrea Lani, KULeuven ; Nasrollah Bettioui, VUB ; Emanuele Politi, KULeuven ; Marijke Verpoorten, UAntwerp ; Seba Qussini, KULeuven ; Benoit Burquel, ULB ; Mathias Loutsch, UCLouvain ; Wim Grevendonk, KULeuven ; Luka Hendrickx, Universiteit Antwerpen ; Merlo Caroline, ULB ; Gaétan Herold, Universiteit Gent ; Francisco Cifuentes Garcia, KULeuven ; Maristela do Nascimento Rocha, KU Leuven ; Filip De Boeck, KULeuven ; Marta Wódz, KULeuven ; Nele Famaey, KULeuven ; Harco Willems, KULeuven ; Milena Belloni, University of Antwerp ; Arne Mertens, UAntwerpen ; Guido Vanham, University of Antwerp ; Peter Van Roy, Ghent University ; Miriam Azzouz Bouchnafa, KULeuven ; Anita Khachaturova, ULB ; Alexis Zimmer, ULiège ; Benson Ogunjimi, University of Antwerp ; Moritz Schnor, ULB ; Miriam Marichal, VUB ; Elsa Tytgat, UGent ; Matthias De Groof, UAntwerpen ; Heleen Verheyden, KU Leuven ; Samier Khaled, KU Leuven ; Jan Van den Bergh, UHasselt ; Lucas Remue, UGent ; Imane Achouche, ULiège ; Kristel Maasen, ULB ; Gaëtan Cassiers, UCLouvain ; Tijs Buggenhout, KU Leuven ; Rachel Vlacic, VUB ; Sien Dalemans, VUB ; Anna Vermeulen, KU Leuven ; Hind Ayhir, University Ghent ; Steven De Keyser, KULeuven ; Constance de Lannoy, ULB ; Roman Vannieuwenhuyse, Universiteit Gent ; Elke Van Dam, UGent ; Kahn Faassen, KU Leuven ; Eleni Van der Hallen, UAntwerpen ; Vincent Dupont, KULeuven ; Nathan Vanheusden, UGhent ; Jade de Cock, ULB ; Isadora Reis Rodrigues, KU Leuven ; Mahlu Mertens, Antwerp University ; Zainab Hajou, Universiteit Antwerpen ; Maud Martens, Ghent University ; Rossella Marino, UGent ; Bas Beaujean, KU Leuven ; Joëlle Petit, ULB ; Frans Daems, University of Antwerp ; Morgane Senden, UCLouvain ; Carine Defoort, KU Leuven ; Karen Van Godtsenhoven, Ghent University ; Leon Adriaensen, Ghent University ; Sara Cosemans, KU Leuven ; Josephine Gambade, ULB ; Hannah Vielfont, UAntwerpen ; Giuliano Izzo, Ghent University ; Marte Beldé, Ghent University ; Pauline Adam, ULB ; Febe Vanleeuw, KULeuven ; Tanneke Van de Walle, UGent ; Vasco F. Stévenne, ULB ; Dorien Mollen, KU Leuven ; Ilian Steenhout, UGent ; Hilde Heynen, KU Leuven ; Sabine De Jaegere, KULeuven ; Elly McCausland, Ghent University ; Huub van Baar, KU Leuven ; Zainab Zomlot, VUB ; Coline Prévost, ULB ; Lena Swartzentruber, VUB ; Astrid Devos, UGent ; Nissa Van Nuffel, UGent ; Farah Koolenbrander, KU Leuven ; Michiel De Wilde, KU Leuven ; Melina Ghasseminejad, UAntwerpen ; Roemer Spreij, KU Leuven ; Jean-Marie Frère, ULiège ; Jenthe Blockx, UAntwerpen ; John Latham-Sprinkle, VUB ; Joke Struyf, UA ; Lise Cottin, ULB ; Irma Emmery, Ghent University ; Marc David, UAntwerpen ; Art Waeterschoot, KU Leuven ; Femke Lootens, Ghent University ; Anna Lena Niessen, UAntwerpen ; Serena D’Agostino, University of Antwerp ; Anna Cluckers, VUB ; Klara Van Vlaenderen, UGent ; Simon Pedano, KU Leuven ; Elke Verhaeghe, UGent ; Hichem Sahli, VUB ; Emma Gobiet, VUB ; Lara Sels, KU Leuven ; Archisman Ghosh, Ghent University ; Vincent Perrot, VUB ; Thomas Clarijs, VUB ; Vanda Bajs, UCLouvain ; Camille Brasseur, UCLouvain ; Eliott Ducarme, ULB ; Aisha Gerhardt, KU Leuven ; Esther Philippen, UCOS ; Sam Cloosen, KUleuven ; Noa Ortiz Amaya, ULB ; Vincent Bellinkx, University of Antwerp ; Chloé Salmon, ULB ; Devanshi Saxena, University of Antwerp ; Lisa De Witte, UGent ; Karel Blondeel, Ugent ; Lisa Van Amstel, VUB ; Katrien Toch, UAntwerpen ; Aida Fadioui, UAntwerpen ; Elias Degruyter, Ghent University ; Gerben Menschaert, UGent ; Noa Van den Wyngaert, KULeuven ; Janne Lamberts, VUB ; Mengnan Wu, VUB ; Kato Vanwinkelen, KULeuven ; Ajsela Masovic, UNU ; Nourhan Abdelrahman, VUB ; Anna Luo, VUB ; Meesha Katyal, KU Leuven ; Simon Andriessen, KULeuven ; Malak Malak, VUB ; Guy Lebeer, ULB ; Jessica Callebaut, VUB ; Esteban Martinez, ULB ; Adam Bayoudh, University of Antwerp ; Jomme Desair, UGent ; Morane Stevens, KU Leuven ; Lucas Kins, ULB ; Aly Talen, UAntwerpen ; Zita Luna De Clerck, VUB ; Daou Véronique Joiris, ULB ; Raïssa Grieten, KU Leuven ; Jeremy Herremans, VUB ; Damir Ferizovic, KU Leuven ; Ayman Morsy, VUB ; Ester De Boeck, Ghent University ; Marwane Guennif.

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Publié le 12 septembre 2025 sur Le Soir

 

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