Débat sur les formes de résistance

Cette table ronde d’Al-Shabaka examine l’efficacité de diverses formes de résistance dans l’accomplissement de l’autodétermination de la Palestine.

Article publié le 11 avril 2011.

Photo via Al-Shabaka

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Au cours d’une série de réunions, les conseillers politiques d’Al-Shabaka ont discuté des nouvelles formes de lutte civile, du rôle des boycotts, du recours aux stratégies juridiques, des problèmes de la résistance armée et de l’échec des négociations en tant que stratégie ainsi qu’en tant qu’implications des plans en vue de proclamer un État. Au nombre des participants figuraient : Amjad Atallah, Sam Bahour, Rana Barakat, Mary Nazzal-Batayneh, Oroub el-Abed, Nadia Hijab, Victor Kashkoush, Anis Kassim, Osamah Khalil et Mouin Rabbani.

Explication du but

Toutes les formes de résistance peuvent être utilisées avec intelligence et à dessein. Ce qui fait défaut aujourd’hui, c’est une finalité palestinienne clairement définie rendant possible une évaluation de la forme de résistance qui sera la plus efficace. Si le but consiste à impacter des négociations en vue d’une solution à deux États, cela impliquera dans ce cas une certaine panoplie d’outils, tandis que, si le but est la solution à un seul État, une tout autre panoplie d’outils pourrait être nécessaire.

Un débat public est nécessaire autour des objectifs du choix opéré par le mouvement national palestinien à partir de tout un éventail de buts. Le premier est celui vers lequel a œuvré l’Autorité palestinienne (AP) : Deux États ethniques dans lesquels le droit au retour serait abandonné pour une large part. Le deuxième consisterait à examiner s’il existe un modèle à deux États permettent le droit au retour. Le troisième serait de discuter en faveur d’un État binational au sein duquel une représentation nationale palestinienne fusionnerait avec Israël dans l’une ou l’autre forme de consociationalisme (ou démocratie de concordance). Le quatrième serait de discuter en faveur d’un modèle à État unique, qui serait un modèle post-nationaliste s’il devait inclure Juifs et Palestiniens sur un pied d’égalité. Tous sont potentiellement viables, sauf le premier. La question est de savoir s’il existe autour de ces buts une convergence émotive au sein de la majorité des Palestiniens du monde entier – surtout s’ils croient qu’ils peuvent avoir le pouvoir de choisir eux-mêmes la direction du mouvement.  

 

Le potentiel et les limites de BDS (boycott, désinvestissement, sanctions)

Point. Pour l’instant, la seule possibilité existante n’est autre que BDS (boycott, désinvestissement, sanctions) – mais, au lieu que BDS soit perçu comme un outil destiné à mobiliser les gens vers un but bien précis, il est devenu lui-même la finalité de bien des gens : Servir l’agenda BDS devient le but et c’est une notion trompeuse qui va avoir un effet boomerang dans le futur.

Contrepoint. Oui, l’appel BDS en 2005 a retenti en proposant trois buts très clairs couvrant tous les segments du peuple palestinien, qu’il soit sous occupation, qu’il réside en Israël ou qu’il soit exilé dans la diaspora : la liberté, l’égalité et le droit au retour. En faisant cela, il fournit une définition d’une finalité qui va au-delà de la discussion stérile « un État contre deux États ». Sous certains aspects, l’importance des buts est plus grande que BDS en tant que stratégie, parce qu’ils fournissent une direction claire vers une finalité au moment où les gens finissent par ne plus savoir précisément ce pour quoi ils combattent. En outre, plus de 170 associations, syndicats et organisations ont signé l’appel BDS, qu’elles aient pensé à tout cela ou pas. Il est frustrant que l’appel BDS n’ait pas fait l’objet d’un « marketing » de ce genre.

Point. Un problème potentiel est que les trois buts soient présentés de telle façon qu’il serait malaisé de trouver un seul Palestinien qui n’y souscrirait pas, même parmi les gens les plus compromis au point de vue politique. Ainsi donc, bien qu’ils soient correctement présentés, ils constituent des principes plutôt qu’une finalité. Et un autre défi a trait aux signataires de l’appel BDS. Quelqu’un qui y regarderait de plus près pourrait demander : « Qui sont exactement les gens qui constituent votre société civile ? Comment celle-ci fonctionne-t-elle ? Ces gens ont-ils des élections ? Sont-ils représentatifs ou pas ? » Et c’est ainsi que la plate-forme BDS a besoin d’être « revalorisée », en quelque sorte, ou rénovée.

Contrepoint. Une clarification est nécessaire, ici : Il importe de comprendre que le document de 2005 constitue une approche basée sur les droits. En d’autres termes, en tant qu’outil ou stratégie, BDS ne traite pas délibérément d’une solution : Il y est question de soutien, de tactique et de stratégie mais, jamais, il n’a été supposé que BDS concernerait une finalité précise. Il importe également de comprendre le potentiel du Comité national BDS (BNC) qui a depuis été mis en place par certains des signataires de l’appel BDS, non pas comme une alternative à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), mais comme un mécanisme populaire. La structure et le fonctionnement du BNC ne sont pas encore très clairs à l’heure qu’il est, même pour ceux qui en font partie. Peut-il devenir une structure démocratique fonctionnant à plein rendement et susceptible de fournir un mécanisme populaire ?

Point. La question est de savoir si, depuis que nous nous impliquons à ce point dans BDS, nous ne nous sommes pas plongés dans une situation où nous ne nous sommes pas vraiment concentrés sur la façon de parvenir en fait à cette finalité.

Contrepoint. Si les buts de BDS définissent les principes d’un mouvement national, c’est une bonne chose. Un peuple dispersé physiquement a besoin de ce genre de lignes de démarcation, histoire de savoir quand il doit cesser la résistance et quand il doit la relancer. Toutefois, chacun des trois buts peut nécessiter une panoplie différente d’outils en vue de la résistance. Mettre fin à l’occupation peut être une piste avec de multiples moyens de résistance ; la façon dont les réfugiés ont besoin de se mobiliser est peut-être une piste absolument différente. Trop souvent, les Palestiniens ont tenté d’avoir une stratégie générique de résistance pour tous ces trois buts, au cours des diverses phases de leur histoire. Cela n’a pas fonctionné parce qu’aucun de ces buts n’a bénéficié de suffisamment d’efforts pour être durable, qu’il se fût agi de résistance armée ou de négociations utilisés comme forme de résistance, en admettant que la chose puisse se concevoir.

En un sens, le grand succès de la résistance palestinienne tout au long de l’histoire de la Palestine a été de ne pas être vaincue. Si vous pensez à l’histoire du colonialisme, il s’agit d’une victoire profonde.

Étant donné jusqu’où les Palestiniens ont été fragmentés ou disséminés dans de très petits cantons, la capacité de constituer un front uni est très importante – même si ce front uni signifie avoir une déclaration de principes simple et commune et de ne pas se retrouver embourbé dans les finalités.

 

L’efficacité de la résistance juridique

Certaines organisations palestiniennes, comme le Palestine Legal Aid Fund (Fonds d’aide juridique à la Palestine) sont impliquées dans la « résistance juridique », qui est semblable à BDS en ce sens qu’elle peut être utilisée dans le cadre d’un effort de soutien plus large. Il est probable que cette forme de résistance pourrait atteindre un public plus large que BDS parce que vous ne parlez pas en termes de boycott, mais plutôt de droits humains et de pouvoir de la loi – des étiquettes qui sont plus susceptibles de paraître acceptables aux yeux d’un public international. Qu’il s’agisse des colonies, de l’annexion de Jérusalem, des réfugiés ou des crimes de guerre, l’idée est finalement d’utiliser la loi de façon efficace aux niveau international et de contester les violations israéliennes dans chaque juridiction disponible.

L’Avis consultatif de la Cour internationale de justice (CIJ) de 2004 était très clair concernant les obligations de la tierce partie et c’est une opportunité majeure d’action juridique quand on considère ce que la communauté internationale fait vis-à-vis d’Israël. Par exemple, une cause qui avait attiré l’attention de la CIJ fut portée en justice contre le gouvernement du Royaume-Uni qui avait contesté des actions spécifiques et les relations d’ensemble, y compris la multiplication par quatre depuis 2004 du nombre de licences d’exportation d’armes fournies par le Royaume-Uni à Israël. Après le lancement de l’affaire, le gouvernement a entrepris un examen complet de toutes les licences d’exportation d’armes et a imposé des sanctions partielles aux composantes de certaines armes. L’exemple du Royaume-Uni peut être reproduit dans à peu près toutes les juridictions parce qu’il ne requiert pas d’un pays qu’il ait une loi de juridiction universelle.

 

La résistance armée est-elle révolue ?

Point. Historiquement, les deux branches du mouvement national palestinien se sont concentrées sur la résistance armée associée à des négociations, avec des négociations à la hausse et la résistance armée à la baisse. Ainsi donc, la résistance armée est-elle morte ? Peut-elle toujours être utilisée comme une option viable et, au cas contraire, quelles sont les implications ? Et comment doit-on s’engager avec les organisations qui croient encore que la résistance armée est la seule alternative ? Cela mène à d’autres questions comme, par exemple : Comment la résistance armée peut-elle être cadrer avec la résistance juridique, étant donné que la lutte palestinienne vise l’application des lois internationales ?  Bien qu’il y ait un droit de résistance armée de la part des peuples sous occupation, ce droit ne peut s’exercer d’une façon qui enfreint les lois internationales, par exemple, par le biais d’attaques sans discrimination contre des civils.

En tout cas, il n’y a pas beaucoup d’organisations qui croient encore dans la résistance armée en tant qu’option, en dehors du Djihad islamique à Gaza et de certains groupes scissionnistes de l’OLP installés au Liban. Le Hamas a eu tendance à adopter la stratégie de l’OLP, ce qui veut dire qu’il est disposé à négocier mais sans déposer les armes – bien qu’il ait également été forcé depuis à modérer cette position. 

Contrepoint. On peut prétendre que la lutte armée n’a jamais été une stratégie sérieuse et qu’elle ne le sera jamais. Les attaques des 40 ou 50 dernières années consistaient en une violence « ciblée » et rien de plus. Qu’il s’agisse du Hamas aujourd’hui ou des factions de l’OLP dans les années 1970 et 1980, la résistance armée n’a jamais été en soi une stratégie à grande échelle. La question est celle-ci : Comment allons-nous obtenir que les factions traditionnelles de l’OLP s’impliquent dans quelque programme de résistance, armée ou autre ? Elles sont absentes de toute action. Toutes les factions politiques, y compris le Fatah, se reposent sur leurs lauriers. Au vu des révolutions arabes, il est improbable qu’il y ait un changement durable sans une capacité qui soit organisée sur le terrain. Les Palestiniens avaient cette capacité organisationnelle, mais elle a été liquidée en vue du processus d’Oslo. Il est nécessaire de se concentrer sur la façon de s’organiser en prévision du long terme, avec ou sans les factions traditionnelles ou celles qui ont été générées par Oslo.

 

Les négociations constituent-elles une forme de résistance ?

Les négociations sont-elles la seule option disponible ? Et quid des démarches de l’AP afin d’obtenir des pays qu’ils reconnaissent un État palestinien et que celui-ci soit admis au sein des Nations unies ? Le fait est que, même à l’intérieur des territoires palestiniens occupés, la stratégie de l’AP n’a pas été discutée de façon significative. Il n’y a pas eu d’effort en vue de travailler à d’autres niveaux que la diplomatie, ne serait-ce que pour essayer de mobiliser les gens afin qu’ils servent l’agenda de l’AP. Les représentants du mouvement de solidarité internationale qui désirent savoir comment ils peuvent se rendre utiles en soutenant le plan de l’AP n’obtiennent pas la moindre réponse. Voilà à quel point l’AP est distante des gens et du mouvement de solidarité.

Si les États-Unis ou les Nations unies reconnaissent l’État, les formes de résistance disponibles vont changer considérablement – et pas pour le mieux. Par exemple, les soldats israéliens pourraient être remplacés par des soldats de l’AP formés par la Jordanie et par Israël, ou par une force de l’OTAN. Toute discussion autour de la forme de résistance devrait prendre en compte ces divers scénarios.

Puis il y a le modèle de ce que les gens appellent le « fayyadisme », une sorte d’agenda néolibéral qui tente de créer des contrefaits sur le terrain et qui se prépare à voir la Palestine se muer en État en septembre 2011. Ce n’est pas nécessairement le produit de négociations à la façon traditionnelle de l’OLP et de l’AP, mais c’est un genre différent de négociations. Il est nécessaire de jeter un solide coup d’œil sur le modèle néolibéral, y compris en ce qui concerne la construction de la nouvelle ville de Rawabi.

 

Résister à la fragmentation et à la non-représentation

Il importe d’aborder la fragmentation du système politique palestinien et la marginalisation de nombres sans cesse croissants de circonscriptions palestiniennes, tant électorales que géographiques. Diverses communautés palestiniennes traitent des problèmes différents. En Jordanie et au Liban, il y a des réfugiés palestiniens qui disent qu’ils resteraient plutôt où ils sont s’ils ne peuvent retourner dans la ville d’où ils proviennent et qui énumèrent les nombreux problèmes auxquels ils sont confrontés et qui n’ont aucun rapport avec le droit au retour. En Cisjordanie et à Gaza, Oslo a créé des intérêts spéciaux. Aux États-Unis, les communautés palestiniennes disent qu’elles entendent définir leurs propres problèmes. Oslo a débouché sur la désintégration de l’OLP et du peuple palestinien. Le défi consiste à relancer le corps politique et sa pertinence.

Point. Quand nous pensons à des formes de résistance, il vaut la peine de jeter un coup d’œil sur l’époque de transition où nous sommes en la comparant à la situation dans laquelle se trouvait le mouvement national en 1964, quand Gamal Abdel Nasser se tenait derrière l’OLP des origines et qu’il l’avait peuplée des vieilles familles de notables de Jérusalem qui étaient responsables de l’effondrement du mouvement national palestinien en 1948. Par la suite, une nouvelle forme de résistance se mit à se rassembler autour de la lutte armée et du nationalisme arabe. Nous dirigeons-nous désormais vers un paradigme différent de résistance au sein duquel les vieilles formes de direction disparaissent, certaines ayant été cooptées par l’AP et d’autres n’étant plus certaines de ce pour quoi elles luttent ? Y a-t-il une place à table pour elles ?

Contrepoint. Mais peut-on abandonner les factions politiques traditionnelles ? Les élections au conseil estudiantin de l’Université de Birzeit, par exemple, montrent à quel point ces partis politiques y sont enracinés – le Fatah, le Hamas et même le Front populaire. C’est également le cas dans les camps de réfugiés au Liban et en Jordanie. Le FPLP a probablement sa base la plus importante dans certains des camps du Liban. Ces partis pourraient être morts politiquement mais ils ne sont pas complètement morts et ce n’est pas quelque chose qui peut être ignoré localement.

Point. Il est toujours valable aujourd’hui, en utilisant le terme OLP, tel que nous le connaissons historiquement, au lieu du terme AP, de dire que la fin de l’occupation, l’égalité des droits pour les Palestiniens en Israël et les droits des réfugiés constituent l’ordre du jour. C’est presque comme une façon de prendre les trois buts de BDS et de créer une structure de gouvernance politique afin de les refléter. Face au mouvement unilatéral vers une structure étatique sans corps gouvernant, sans contrôles ni équilibres dans le système, mettre l’OLP en exergue ne veut pas dire qu’elle pourrait être le corps organisateur en vue de l’avenir, mais plutôt qu’elle est la seule organisation légitime aujourd’hui, même si elle non plus n’a pas de corps gouvernant qui lui soit propre.

En fait, une forme de résistance a besoin d’être opposée à la non-participation du peuple palestinien au processus de détermination de son avenir. Il n’y a pas aujourd’hui de Conseil législatif palestinien qui fonctionne – en effet, pas de représentation du peuple de quelque façon que ce soit. Les Palestiniens ont besoin d’un corps gouvernant pour discuter de stratégies, d’outils et de formes de résistance.

Contrepoint. L’éléphant dans la pièce et vers lequel on ne tourne jamais la tête, c’est le fait que l’AP dirige un peuple qui ne la suit en aucun cas. Les Palestiniens ne devraient-ils pas résister à l’AP aussi ? Ou devraient-ils tout simplement continuer comme si l’AP n’existait pas – elle suit sa voie et nous suivons la nôtre ? Le jugement de la CIJ est un exemple de jugement parmi les plus éminents dans le soutien d’un peuple dépossédé, mais aussi un exemple d’échec retentissant, parce que rien n’a été fait en vue d’un suivi. En effet, l’AP a activement œuvré contre les efforts juridiques en vue d’assurer un suivi au jugement de la CIJ, et contre tant d’autres initiatives juridiques, tel le rapport Goldstone, ou encore le recours à la Cour pénale internationale.

Comment remettre l’AP en question ? Voilà une question très importante. À certain point, les Palestiniens vont devoir dire carrément que cette direction ne les représente aucunement. Il y aura des coûts, y compris l’expulsion de la Palestine et une fragmentation encore accrue, mais la question, réellement, est de savoir quels sont les outils que l’on peut utiliser pour remettre l’AP en question, et quand on devrait les utiliser.

Point. Il y a deux aspects différents, dans l’AP. Il y a l’AP qui emploie des centaines de milliers de personnes en Cisjordanie et, dans des proportions moindres, à Gaza, et c’est une donnée extrêmement importante qui pose un obstacle à ceux qui veulent contester l’AP. Puis il y a l’AP qui représente l’occupation plus qu’elle ne représente les Palestiniens. Ainsi donc, que signifie combattre l’AP et l’OLP – en particulier, que signifie agir de la sorte au niveau international et sur le plan juridique ? L’OLP est-elle dotée de l’autorité, selon les lois internationales, pour signer le rejet des droits individuels comme le droit au retour et pour soulager Israël des revendications – particulièrement si les termes de la direction ont expiré sous les lois de l’OLP ou de l’AP ?

 

Résister aux rôles des donateurs

La question de l’AP et la façon de l’aborder sont manifestement liées à la question du rôle de la communauté des donateurs. La façon dont les donateurs interagissent avec le peuple palestinien est un domaine qui peut être abordé de façon très critique, tant selon la perspective des droits palestiniens sous les lois internationales qu’en termes de responsabilisation de l’AP dans les actions des donateurs.

Les donateurs dans les TPO se conduisent comme de vulgaires cowboys. Ils n’œuvrent dans aucun autre cadre que le leur même. Et ils ont été en mesure de coopter d’importants segments de la société civile parce que les Palestiniens ont besoin d’avoir de la nourriture sur leur table avant la fin de la journée. Ceci éloigne la mobilisation sociale en tant que l’un des outils de la résistance. Les donateurs sont un point faible que l’on peut aborder selon qu’on pousse l’AP dans une direction plus progressiste. Il faut résister à cette tendance de la communauté des donateurs à donner de l’aide plutôt que d’adopter des positions politiques correctes.

 

S’en prendre à la représentation diplomatique

Point. Le statut diplomatique a été accordé à l’OLP et à l’AP aussi bien par l’ONU que par la Ligue arabe après que les Palestiniens s’étaient battus pour la reconnaissance de l’OLP comme leur seule représentante légitime. Cette fonction de représentation est aujourd’hui utilisée et manipulée contre le peuple même qu’elle est censée représenter. Ainsi donc, que pourrait-on faire ou que conviendrait-il de faire ? Il est utile de faire contraster le rôle, d’une part, de l’OLP et de l’AP, et d’autre part, celui du Congrès national africain (ANC) en tant que coordinateurs du mouvement contre l’apartheid. L’ANC a permis au mouvement de se répandre, mais il a également interagi avec lui pour faire en sorte qu’il y ait un ensemble commun de buts.

Contrepoint. En ce qui concerne l’ANC, une analogie plus appropriée utilisée par bien des gens compare l’AP et les gouvernements des bantoustans. La difficulté qu’il y a de contester la reconnaissance internationale de l’OLP sous la forme de missions diplomatiques, c’est qu’on ne sait pas encore si on pourrait appeler un chat un chat ou si l’on scierait la branche sur laquelle on est assis.

Point. Le rôle diplomatique de l’OLP peut être un bon point de contact pour enfoncer un coin entre l’OLP et l’AP. Les chefs des missions diplomatiques sont censés être les représentants de l’OLP et non ceux de l’AP et, en théorie, ils ont des comptes à rendre au peuple palestinien. Personne ne peut vraiment expliquer clairement quel est le statut actuel des missions de l’OLP dans le monde et il pourrait être très utile de poser certaines questions bien précises. Par exemple, comment un corps diplomatique plus actif pourrait-il réellement exercer une résistance juridique ?  

Contrepoint. Le titre de Mahmoud Abbas est « président du comité exécutif de l’OLP » et, de ce fait, les gens de l’OLP pourraient prétendre que cela fait partie de leurs droits de désigner et de destituer ces hauts responsables. Et, naturellement, quand vous vous adressez à n’importe lequel de ces ambassadeurs, ils prétendent qu’ils représentent le peuple palestinien.

Mais peut-être y a-t-il moyen de le faire en examinant leurs mesures et en prétendant qu’ils se soustraient à leurs devoirs et à leurs responsabilités envers le peuple palestinien. On pourrait prétendre, par exemple, que depuis 2007, Riyad Mansour, l’ambassadeur aux Nations unies, a démontré très clairement par ses actions concernant Gaza qu’il n’était pas l’ambassadeur du peuple palestinien, mais qu’il était bien celui de l’AP.

Ceci nous ramène vraiment à la question du rôle de l’OLP. Quel a été ce rôle, historiquement, et qu’est-il devenu aujourd’hui ? Et qu’est-ce que cela implique ? Il existe une extrême confusion, parmi les Palestiniens, sur le statut de leurs institutions politiques ; il n’existe pas de fichier ou de dossier permettant de savoir qui est qui et qui exerce une fonction légitime en conformité avec la constitution. 

Point. Bien qu’Abbas se pare des deux titres, s’il fallait examiner les structures au jour le jour, nombre de questions sérieuses pourraient être soulevées. Par exemple, les ambassadeurs de l’OLP adressent-il des rapports à Riyad al-Maliki, le « ministre des Affaires étrangères » de l’AP ? Où reçoivent-ils leurs instructions ? Qui évalue leurs prestations ? D’où provient leur financement ? En théorie, le « ministre des Affaires étrangères » de l’AP ne devrait rien avoir à faire avec la représentation de l’OLP.

Il vaut la peine de faire remarquer que les missions des ambassades travaillent différemment selon les endroits où elles se trouvent. Celle de Paris ne travaille certainement pas de la même façon que celle d’Athènes ou celle de Washington actuellement. Les missions à l’étranger sont peut-être les seuls vestiges de l’OLP toujours en vie, toujours visibles pour le peuple palestinien, de sorte qu’elles peuvent être un point d’entrée pour faire valoir l’existence de l’OLP. Cela vaudrait la peine d’être vérifié même si tout ce qui a trait au protocole peut sembler tout à fait correct sur papier.

La réalité toute simple, c’est que si les Palestiniens veulent aller de l’avant, il faut qu’ils comprennent comment se déroulent les choses aujourd’hui. On n’a pas assez de détails sur la façon dont fonctionne l’actuel prétendu système de gouvernance aujourd’hui. Il est nécessaire de décortiquer l’OLP et de voir où se situe le chevauchement avec l’AP, ce qui contribuera à mieux comprendre comment aborder le problème de l’AP.

Auteurs : Sam Bahour, Rana Barakat, Mary Nazzal-Batayneh, Oroub el-Abed, Nadia Hijab, Victor Kashkoush, Anis Kassim, Osamah Khalil, Mouin Rabbani


Publié le 11 avril 2011 sur Al-Shabaka
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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