Dix-neuf ans après que les accords d’Oslo ont été officiellement signés le 13 septembre 1993, il est plus manifeste que jamais que ces accords ont bloqué les droits palestiniens à la liberté, au retour et à l’autodétermination. Les protestations actuelles mettent particulièrement en évidence ce fardeau désastreux pour les Palestiniens.
Les protestations se propagent rapidement dans les villes de Cisjordanie avec, entre autres, des grèves générales pour protester contre les prix élevés. Ces protestations ont d’abord été orchestrées par le Fatah et dirigées contre Salam Fayyad, le Premier ministre palestinien, en lui faisant porter la faute de la crise économique et de l’augmentation des prix. Les protestations ont été perçues comme une occasion de se dispenser des services de M. Fayyad et de détourner la colère du peuple du reste de l’Autorité palestinienne, de même que de bien faire sentir aux pays donateurs la nécessité de leur aide financière.
Mais, peu de temps après, d’autres voix encore ont rallié les protestations pour s’en prendre à un problème de base : les accords d’Oslo et leur corollaire économique, le protocole de Paris.
Le président Mahmoud Abbas a réclamé une révision du protocole de Paris signé avec Israël en 1994. Il s’agit d’une tactique destinée à calmer la rue, et d’une nouvelle excuse pour continuer à négocier éternellement avec Israël. Il est naïf de s’attendre à ce qu’Israël accepte la requête, à moins qu’en tant que colonisateur, il n’y trouve un intérêt manifeste.
Il semble improbable que la déclaration de M. Abbas désamorce les protestations, puisque les Palestiniens n’attendent strictement rien de leurs occupants. Si les protestations se poursuivent, croissent en nombre et s’en prennent à l’occupation et aux accords d’Oslo, il va être temps de mettre en avant une vision alternative.
Les accords d’Oslo ont eu des conséquences à long terme et désastreuses : ils ont abouti à l’instauration de l’Autorité palestinienne – dépourvue souveraineté – à Gaza et en Cisjordanie ; ils ont crée un processus interminable de négociations et de coordination sécuritaire ; ils ont renforcé la dépendance économique complète vis-à-vis d’Israël et de l’aide des donateurs ; et ils ont divisé le peuple palestinien en une myriade de cantons en Cisjordanie et à Gaza, sans oublier les Palestiniens vivant dans la Palestine historique et dans la diaspora.
Depuis la signature des accords d’Oslo, l’OLP, le seul représentant légitime des Palestiniens, a perdu son mandat au profit de l’Autorité palestinienne. Un pas crucial en avant serait de restituer le processus aux mains du peuple, via des élections directes au Conseil national palestinien, élections au cours desquelles la totalité des 11 millions de Palestiniens – ceux des frontières de 1948 et les réfugiés, ainsi que ceux des territoires occupés en 1967 – pourraient voter pour une direction qui développerait une nouvelle stratégie de résistance.
Ceci permettrait à l’OLP, dirigée par le Conseil national, de décider du rôle de l’Autorité palestinienne et non l’inverse. Le slogan réclamant le démantèlement de l’AP est facile, mais il demeure irréaliste et irréalisable dans un futur proche. Ce qui pourrait être modifié, c’est le mandat qui établit le rôle de l’AP : les accords d’Oslo.
Oslo a garanti une occupation profitable à Israël. Ce dernier est ainsi excusé de toute responsabilité dans les services civils dans les territoires occupés, alors qu’il tire profit des ressources palestiniennes telles que les terres, l’eau et la main-d’œuvre. La coordination sécuritaire a garanti que les sous-traitants de l’AP « protègent » les Israéliens de toute forme de résistance palestinienne. Mais l’AP n’a absolument pas la capacité de protéger les Palestiniens des attaques terroristes des colons, des raids militaires israéliens ou de l’oppression en général.
En outre, le processus interminable des négociations a donné à Israël un blanc seing lui permettant de poursuivre ses pratiques illégales en toute impunité, tout en ne réalisant absolument rien au profit des Palestiniens.
Le protocole de Paris a assuré à Israël le plein contrôle de l’économie palestinienne, y compris les importations, les exportations, les taxes et les prix. Le protocole, combiné à la politique incompétente de l’AP qui n’est pas parvenue à développer l’industrie et l’agriculture locales, a accru la dépendance vis-à-vis de l’aide étrangère.
Dans la plupart des cas, les États qui ont accordé du soutien financier aux institutions et organisations palestiniennes ont imposé leurs propres agendas. L’une des méthodes consiste à associer l’aide à des pressions politiques, telle que la décision du Congrès américain de couper cette aide afin de dissuader les efforts en vue de soumettre la question de la création d’un État palestinien aux Nations unies en septembre 2011.
Une autre aide a ignoré les buts palestiniens à long terme consistant à s’opposer à la politique israélienne du nettoyage ethnique. Par exemple, les projets d’aide au développement se concentraient sur l’acceptation de soumettre la zone A (18 pour 100 de la Cisjordanie) aux plans israéliens de domination de la zone C, qui représente environ 61 pour 100 de la Cisjordanie.
Annuler les accords d’Oslo permettrait de suggérer des alternatives structurelles pour le combat palestinien. Ce ne serait pas facile et cela signifierait la fixation d’un agenda différent que ceux prévus par Israël, la communauté internationale et une grande partie du monde arabe.
Cette vision doit inclure les choses suivantes : l’unité des Palestiniens – qu’ils vivent ou pas à l’intérieur des territoires occupés en 1967 – sous l’OLP. Il est nécessaire que la vieille direction se mette sur la touche et que s’ouvre enfin une voie vers un esprit nouveau.
Assurer la loi et l’ordre et développer une économie auto-dépendante dans les territoires occupés sont deux choses essentielles. Nous devrions être inspirés par la Première Intifada.
Ni les pays donateurs ni Israël ne veulent risquer le risque de « nous affamer complètement ». La communauté internationale nous écoutera si nous nous montrons forts, ce qui requiert une stratégie de résistance populaire sur le terrain. La résistance nécessité moralité, efficience et soutien international, principalement par le biais du mouvement « boycott, désinvestissement et sanctions » contre Israël.
Quant à la solution à deux États, l’un des piliers des accords d’Oslo, le monde finira par comprendre qu’elle est morte dès que les dirigeants palestiniens cesseront de s’y cramponner. Et, alors, le monde sera forcé au moins de prêter l’oreille au peuple palestinien.
Article publié sur The National le 12 septembre 2012
Traduction pour ce site : Jean-Marie Flémal
Abir Kopty est une ancienne conseillère municipale, membre de la municipalité de Nazareth, et elle a également été porte-parole du Mossawa, un centre de promotion au profit des citoyens palestiniens en Israël.
Sur Twitter : @AbirKopty
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