Dans la matinée de mardi, d’impressionnantes forces de police israéliennes ont effectué un raid dans le quartier palestinien de Bayarat Shannir, à Lydd (Lod, en hébreu), une ville située dans les limites actuelles d’Israël.
Armés jusqu’aux dents et accompagnés de bulldozers, des centaines de policiers ont fait irruption dans le quartier et en ont bouclé tous les accès. À 10 heures du matin, la police a démoli la maison de Hana al-Naqib, une mère de quatre enfants, en disant qu’elle avait été bâtie sans permis.
Hana et ses enfants, âgés de 7, 8, 14 et 15 ans, ont été expulsés de force de leur maison nouvellement construite, de même que leurs voisins venus les soutenir.
Daoud, le fils aîné de Hana, a l’habitude d’être éveillé par sa mère, chaque matin à 7 heures, pour aller à l’école. Mardi, toutefois, ce sont des policiers, les armes pointées sur son visage, qui l’ont sorti de sa chambre. Au lieu d’aller à l’école, Daoud et les trois autres enfants ont été jetés dehors dans le froid, en compagnie de leur mère.
Ceci a eu lieu moins de quinze jours après la démolition partielle de la maison d’une autre famille palestinienne de Lydd. Les bulldozers israéliens avaient détruit certaines parties de la maison d’Ahmad Dabbour le 1er février, mais la démolition avait été suspendue après que l’avocat de la famille avait fait remarquer un vice juridique dans l’ordre de démolition.
Située à quelque quinze kilomètres au sud-est de Tel-Aviv, la ville palestinienne historique de Lydd a été le site de l’un des pires épisodes de la Nakba, le nettoyage ethnique de la Palestine par Israël, en 1948.
En juillet de cette année, quelque 50.000 Palestiniens avaient été expulsés par les milices sionistes et chassés vers la Cisjordanie. Beaucoup étaient morts d’épuisement et de déshydratation en cours de route.
Un double crime
Les démolitions actuelles de maisons palestiniennes à Lydd font partie intégrante de la guerre du maire de droite Yair Revivo contre les Palestiniens autochtones de la ville. Mais ceux qui semblent le plus systématiquement visés et paient le prix le plus fort sont souvent des femmes.
« Chaque démolition est un crime, mais détruire la maison d’une mère isolée et sans emploi, qui ne pourrait même pas se payer les services d’un bon avocat, c’est un double crime », explique la travailleuse sociale Samah Salaimeh. Elle est la directrice de Na’am, une organisation féministe qui travaille avec des femmes palestiniennes vivant dans les principales villes du territoire actuel d’Israël.
« On ne peut séparer le genre (différenciation entre sexes) de cette équation », dit-elle.
« Les femmes comme Hana sont la cible la plus facile des autorités israéliennes. Elles doivent faire face toutes seules à toute une armée de policiers, de bureaucrates et de juges et n’ont ni l’argent ni la possibilité d’avoir la moindre chance de victoire », a expliqué Salaimeh à The Electronic Intifada.
Salaimeh elle-même a d’abord été empêchée d’entrer à Bayarat Shannir pour accompagner Hana et ses enfants pendant la démolition, puisque la police bloquait les accès afin d’empêcher les actions de solidarité dans d’autres parties de la ville. Elle est finalement parvenue à se faufiler – et les scènes auxquelles elle a assisté étaient pénibles au-delà de toute description, a-t-elle ajouté.
« Pendant la démolition, les femmes et les hommes étaient séparés les uns des autres », a expliqué Salaimeh. « Hana et ses enfants, depuis une maison voisine, regardaient leur maison en train d’être transformée en décombres. Son fils Daoud s’est évanoui après n’avoir pu empêcher la démolition. Comment s’attendre à ce que ces enfants mènent une existence normale après avoir vécu de telles choses ? »
L’insécurité
La maison de Hana al-Naqib a été construite sur une terre qui était la propriété privée de son père et qui était renseignée comme la propriété privée de la famille dans le registre d’État d’Israël.
« Ma famille, mes voisins et d’autres personnes généreuses de la ville ont fourni l’argent pour m’aider à construire cette maison », a déclaré Hana en pleurs à The Electronic Intifada.
« Nous avons emménagé dedans il y a trois mois. C’était la première fois que les enfants pouvaient jouir d’un semblant de vie privée et de stabilité, d’avoir un endroit qu’ils pouvaient appeler leur maison. Mais, comme vous le voyez, notre bonheur a été de courte durée », a-t-elle ajouté.
Budour Youssef Hassan
Publié sur The Electronic Intifada le 11 février 2015.
Traduction site : Jean-Marie Flémal.
Budour Youssef Hassan est une anarchiste palestinienne. Elle est licenciée en droit et est installée à Jérusalem occupée. On peut la suivre sur Twitter : @Budour48.