En décrivant Bruxelles comme un « trou à rats » en raison de son importante population musulmane, Trump s’en prenait à mes amis et voisins. Trump attaquait des personnes comme ce charmant Syrien que je vois presque chaque jour; sa fille est dans la même classe que la mienne.
En fait, ce Syrien que je connais a été la dernière personne que j’ai vue lorsque j’ai quitté l’école mardi matin. Très peu de temps après, je recevais un message de ma femme me parlant des explosions. Elle était arrivée sans encombre à son travail, Dieu merci. En cours de route, elle était passée par la station de métro Maelbeek, quelques minutes à peine avant qu’une bombe n’y explose.
Nous ne connaissons pas encore les identités de toutes les victimes. Toutefois, elles appartenaient à toute une diversité d’ethnies et de nationalités. Elles parlaient des langues différentes. Certaines étaient sans doute croyantes, d’autres pas.
En bref, elles représentaient la chose que je préfère de loin dans ma ville d’adoption : son multiculturalisme.
La première réaction de Donald Trump aux attaques a été de tenter de justifier son commentaire au sujet du « trou à rats ». Une fois de plus, il a fait étalage de son sectarisme. Le candidat à la présidence ne loupera aucune occasion d’attiser la peur.
Un trou à rats ?
Il ne devrait pas être nécessaire d’expliquer ceci en détail, mais je le ferai quand même. Les musulmans de Bruxelles contribuent massivement à l’esprit multiculturel de la ville. Ils contribuent à rendre Bruxelles très vivant et convivial, à en faire tout à fait l’antithèse d’un trou à rats. Les hommes qui ont perpétré les attentats de cette semaine ne bénéficiaient d’aucun mandat de leur communauté. Insister, comme les gens fanatiques le font, pour que les musulmans prouvent leur horreur vis-à-vis de ces crimes, est une profonde marque d’ignorance.
Malheureusement, la communauté musulmane souffre, à cause de cette ignorance. Quand il est apparu que les attentats de Paris en novembre dernier avaient été préparés à Bruxelles, d’importants effectifs de policiers et de militaires ont été déployés dans les rues de cette ville. J’ai assisté à des incidents où des jeunes hommes ont été harcelés par la police, ces derniers mois. Il n’y avait aucune indication que ces jeunes aient fait quelque chose de répréhensible. D’après ce que j’ai vu, on ne les a importunés que parce qu’ils étaient musulmans.
L’habituelle réponse à ce genre d’atrocités, ce sont les pamphlets que les comités d’experts publient sur la façon d’aborder la « radicalisation ». Les analystes de ces groupes d’experts s’en prennent rarement aux causes du terrorisme et ne cherchent pas plus à le comprendre (et, comme Frank Barat l’a écrit dans un nouvel article, comprendre n’est jamais la même chose qu’excuser). Accepter que l’impérialisme puisse être incriminé, a tout du tabou, pour ces analystes, dont beaucoup ont leurs « recherches » financées par de grosses sociétés et des gouvernements occidentaux.
Le droit à la colère
Les habitants de Bruxelles ont tout à fait le droit d’être en colère à propos de ce qui s’est passé cette semaine. Nous devrions certainement exiger que les autorités mettent tout en œuvre pour arrêter les suspects. Mais nous ne devrions pas accepter que les musulmans puissent être brimés et stigmatisés.
Dirigeons plutôt notre colère contre le petit nombre de personnes qui ont mis le Moyen-Orient à feu et à sang. Le terrorisme de l’État islamique est une conséquence directe de la guerre déclarée à l’Irak en 2003. S’il n’y avait eu cette invasion illégale, il n’y aurait pas eu d’attentat à Bruxelles mardi, ni non plus à Istanbul samedi ou à Bagdad le mois dernier.
Deux hommes, finalement, ont été responsables de l’invasion et de la destruction de l’Irak : George W. Bush, à l’époque président des États-Unis, et Tony Blair, à la même époque Premier ministre britannique. Pourquoi sont-ils toujours en liberté ?
La plupart des messages adressés aux gens de Bruxelles cette semaine sont venus du fond du cœur et ont été appréciés. Quelques-uns, toutefois, étaient cyniques. Un de ces messages étaient méprisant. Il venait d’Israël.
Le gouvernement israélien, comme un seul homme, a prétendu qu’il « était avec Bruxelles ». En tant qu’habitant de Bruxelles, je refuse cette solidarité.
Ofir Akunis, le ministre israélien de la Science, a tenté de jouer à la politique. Il a suggéré que les attentats ont eu lieu parce que, plutôt que de combattre le terrorisme, l’Europe était trop occupée à coller des étiquettes sur les marchandises en provenance des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée.
Ses commentaires sont trop ineptes pour mériter qu’on les réfute. Et, en outre, l’étiquetage auquel il fait allusion est une initiative lancée par l’élite politique. Bien des citoyens européens ordinaires sont allés au-delà de cette exigence d’étiquettes : ils sont trop occupés à boycotter tous les produits israéliens et à faire campagne contre les entreprises qui cherchent à tirer profit de l’occupation.
Et nous resterons très occupés. L’hommage le plus adéquat aux victimes de la violence est de s’en prendre à ses causes profondes. Cela signifie combattre l’impérialisme, le sectarisme et l’inégalité. Cela signifie défendre le multiculturalisme, une belle et noble idée qu’Israël a rejetée.
Publié le 23 mars 2016 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal.
David Cronin est l’auteur de Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a écrit des articles pour de nombreuses publications, dont The Guardian, The Wall Street Journal Europe, European Voice, the Inter Press Service, The Irish Times and The Sunday Tribune. En tant qu’activiste politique, il a tenté d’appliquer un état d’ « arrestation citoyenne » à Tony Blair et Avigdor Lieberman pour crimes contre l’humanité.
D’autres articles de David Cronin, où parlant de lui, publiés sur ce site