Abla Sa’adat sur le sort des prisonniers palestiniens

Abla Sa’adat, épouse du secrétaire général du FPLP, Ahmad Sa’adat (emprisonné depuis 11 ans) et active sur le terrain pour tous les prisonniers palestiniens, était à Bruxelles ce 15 décembre. Invitée à une conférence organisée par la Communauté palestinienne de Belgique, son intervention était à la fois interpellante et émouvante.

Abla Sa'adat

Abla Sa’adat

Abla a d’abord montré une vidéo sur l’emprisonnement des enfants palestiniens. Cette vidéo a été réalisée avec la collaboration de Salah Hamouri. Salah, franco-palestinien, a connu la prison israélienne, a été libéré lors de l’échange des prisonniers palestiniens avec le soldat israélien Gilad Shalit. Il a fait des études de droit, est devenu avocat et défenseur des prisonniers palestiniens au sein de l’association Addameer. Il a de nouveau été arrêté sous le régime de la détention administrative. Une importante campagne de solidarité se développe maintenant pour la libération de Salah, principalement en France.

Dans son intervention, Abla tire l’attention sur la détention préventive, l’emprisonnement des enfants, les parlementaires arrêtés et emprisonnés ainsi que sur les conditions de détention.

Ci-dessous, quelques extraits de ses propos.

La détention préventive : un danger permanent pour tous les Palestiniens

Sur le nombre total de prisonniers (un chiffre qui varie, selon les arrestations/libérations), il y a pour l’instant 500 prisonniers qui se trouvent sous le régime de la « détention administrative ». Ce régime permet d’arrêter n’importe qui, n’importe quand, sans jugement, sans procès, de six mois en six mois. Il y a des Palestiniens qui ont passé 10 ans en détention administrative : on les arrête pour 6 mois, 1 an… on les relâche, on les arrête de nouveau pour 6 mois, 1 an, 2 ans… Khalida Jarrar, parlementaire palestinienne, connaît ce sort. Elle avait déjà été arrêtée, puis libérée, puis de nouveau arrêtée… Elle devrait sortir à la fin de ce mois, on l’espère, mais rien n’est certain.

La détention administrative est illégale et injuste. Il faut absolument y mettre un terme. Les Israéliens s’appuient pour l’appliquer sur une loi qui date du mandat britannique. C’est un danger permanent pour l’ensemble des Palestiniens.

L’emprisonnement des enfants palestiniens

Il y a actuellement 400 jeunes et enfants de moins de 18 ans dans les prisons israéliennes, parmi lesquels 8 jeunes filles. L’emprisonnement des enfants fait souffrir les familles. Ces enfants sont torturés psychologiquement dès leur entrée dans la « bosta », la jeep israélienne, ils continuent également de l’être une fois en prison. On a pu voir sur vidéo l’interrogatoire de l’enfant Ahmad Manasraha, qui crie sa peine face à ceux qui l’interrogent. Son cas n’est pas unique.

En plus, il arrive qu’on exige des familles qu’elles paient pour la libération de leur enfant. Une famille d’un enfant de 16 ans a dû payer un million de shekels (250 000 €) !

En fait, tout cela fait partie d’une volonté politique, chez les autorités israéliennes, de pousser les familles palestiniennes à quitter Jérusalem.

La rupture entre les prisonniers et leur famille

Le droit de visite des prisonniers n’est pas respecté. Sur les 7000 prisonniers, seuls 2000 reçoivent de la visite. Il y a une rupture totale entre les prisonniers et leur famille. Les parents des prisonniers meurent, leurs enfants grandissent sans qu’ils les voient. Il y a des Palestiniens qui ont été arrêtés quand ils étaient jeunes. Quand ils sortent à l’âge de 50, 60 ans, c’est une autre personne qui sort.

Les visites aux prisonniers nous prennent beaucoup de temps. J’habite Jérusalem. Pour aller voir Ahmad et passer les checkpoints, je dois partir à 3 h et demi du matin et je rentre à 16 h. Je ne peux voir mon mari que 45 minutes. Je ne le vois pas directement, mais à travers une barrière en verre. On se parle avec un téléphone. Parfois on entend mal, car beaucoup de personnes parlent en même temps. Parfois la conversation est brutalement coupée, car on est arrivé à la fin des 45 minutes. C’est difficile, mais c’est extrêmement important d’aller le voir.

J’ai quatre enfants. Trois enfants ont une carte d’identité de la Cisjordanie. Ils n’ont vu leur père qu’une seule fois en 11 années. Mon fils Yasar a pu m’accompagner jusqu’à l’âge de 16 ans. Puis il a dû attendre jusqu’à ses 23 ans pour pouvoir visiter son père de nouveau. Il se fait que j’étais à l’étranger et que Yasar s’est rendu seul à la prison. Ahmad a été prévenu qu’il avait une visite, mais il ne savait pas qui allait venir. Il m’a cherchée en vain. Puis il a vu qu’un jeune homme attendait devant une fenêtre. Il a demandé qui il était. Il n’avait pas reconnu son fils…

La même chose est arrivée à un prisonnier qui est resté 30 ans en prison. Pour être près de son père, son fils a fait une action pour provoquer son arrestation. C’était le seul moyen de voir son père. Une fois en prison, il a demandé d’être envoyé dans la prison où son père se trouvait. Dans la cour, il a couru vers son père pour l’embrasser, le père n’a pas reconnu le fils…

Mon mari Ahmad n’a pas encore vu ses petits-enfants. Parce que pour la troisième génération, il n’y a pas de droit de visite. C’était différent dans les années 1970 et 1980. On se rend compte que, plus l’occupation se poursuit, plus les occupants inventent des méthodes pour faire un maximum de mal aux prisonniers et à leurs familles.

Les parlementaires emprisonnés

Il y a actuellement 13 parlementaires élus dans les prisons israéliennes, parmi lesquels Ahmad Sa’adat, Marwan Barghouti, Aziz Dweik, le président du parlement palestinien (qui a maintenant 77 ans)… Dans tout autre pays, les parlementaires bénéficient d’une immunité parlementaire. Israël ne respecte pas ce droit. La communauté internationale était présente en tant qu’observatrice lors des élections. Il faut qu’elle réagisse. Nous devons mener une campagne pour la libération des dirigeants du peuple palestinien, pour qu’ils puissent continuer de jouer leur rôle de responsables.

MDL, 17/12/2017

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