Liban : pour le PCL, il faut créer un État civil, laïque et démocratique
Hanna Gharib, secrétaire du Parti Communiste Libanais : »Il faut créer un État civil, laïque et démocratique »
Entretien avec Hanna Gharib, Secrétaire général du Parti communiste libanais réalisé par Pierre Barbancey.
Quelle est la situation, quatre semaines après l’explosion ?
Hanna Gharib : Pendant ces six années, il y a eu quatre gouvernements différents et deux parlements. Personne n’a accordé d’importance au transfert de ces substances chimiques du port de Beyrouth vers une zone non peuplée. Cette classe politique a tué les gens et a fait exploser le pays. Ils n’ont arrêté que des fonctionnaires, au lieu de s’en prendre aux vrais responsables. Personne ne veut assumer la responsabilité. Pourtant, il s’agit bien de corruption.
Le 8 août, une grande manifestation s’est déroulée. Nous étions avec ceux qui demandaient la fin du régime confessionnel, d’en finir avec l’élite au pouvoir, et qui se sont trouvés face aux forces de sécurité.
Mais nous étions également avec ceux qui s’insurgeaient contre les interventions extérieures, comme l’ingérence du président français, Emmanuel Macron.
Avec le soutien des États-Unis, celui-ci a proposé la formation d’un gouvernement d’union nationale. Ces trente dernières années, la France a soutenu tous les gouvernements libanais, pas seulement politiquement, mais également financièrement. Autant d’argent qui a fini dans les poches de ceux qui gouvernent.
Pourquoi Emmanuel Macron se rend-il au Liban ce lundi ?
Hanna Gharib : Macron cherche à ce que la France retrouve une position forte au Moyen-Orient. Parce qu’il sait que bien d’autres forces internationales interviennent dans la région. Il faut évoquer le rôle des Américains, mais aussi des Iraniens. Maintenant, il y a la Turquie, qui s’agite beaucoup au Liban.
Avec les forces de la révolution du 17 octobre, nous lui préparons un bel accueil pour lui dire que nous sommes contre ses plans pour le Liban, que nous sommes contre un gouvernement d’union nationale qui permettrait aux mêmes de rester en place. Et, comme lorsqu’il est venu, le 6 août, nous exigerons de nouveau la libération du militant communiste Georges Ibrahim Abdallah, emprisonné en France depuis trente-six ans et qui est libérable depuis 1999.
Quelles sont les propositions, notamment de la part des forces issues ou qui ont participé aux manifestations du 17 octobre ?
Hanna Gharib : Nous proposons d’abord la création d’un gouvernement qui permette d’aller vers une nouvelle ère. Celui-ci devrait être constitué de personnalités non membres de ces partis confessionnels au pouvoir et hors de l’élite politique.
Un gouvernement qui puisse avoir des prérogatives législatives pour une période limitée. Qu’une nouvelle loi électorale soit édictée qui ne tienne plus compte des confessions et que le Liban soit considéré comme une seule circonscription dans le cadre d’un scrutin à la proportionnelle. Il convient également d’avoir un organe judiciaire réellement indépendant. Il faut que les juges puissent arrêter les véritables responsables.
Et que, au lieu d’un État confessionnel, soit créé un État civil, laïque et démocratique. De plus, il faut réfléchir à la mise en place d’une économie productive et non plus basée sur les importations, ce qui permettrait de créer des emplois. L’émigration augmente, tout comme le chômage et le nombre de cas de Covid-19, mais le pouvoir d’achat diminue.
Ces questions avancent-elles parmi les forces du changement ? Qui discute ?
Hanna Gharib : Depuis le début du mouvement du 17 octobre, nous avons fait des propositions autour de la construction d’un nouvel État civil, laïque, démocratique. Il s’agit pour chacun de se positionner : qui est contre un État confessionnel et qui est pour ? Qui est pour un État de la justice sociale et qui est contre ? Qui considère Israël comme ennemi et qui ne le considère pas ?
Nous avons rencontré beaucoup d’obstacles, mais il y a des avancées. Nous avons ainsi pu organiser une « réunion du changement » avec cinq partis non confessionnels et des personnalités spécialisées en sociologie, en économie, d’anciens ministres, des journalistes…
Il y a aussi une union de plusieurs forces, rassemblant notamment une cinquantaine de groupes de jeunes qui organisent des actions dans la rue auxquelles nous participons. Nous accordons aussi une place particulière aux questions sociales et donc aux relations avec les syndicats. Notre but est d’aider à ce que toutes ces forces, disparates mais ayant le même but, se regroupent.
Enfin, avec Charbel Nahas du mouvement Citoyennes et citoyens pour le changement, et le député nassérien Oussama Saad, nous travaillons à la mise en place d’une force porteuse d’un programme alternatif, qui serait celui du gouvernement non confessionnel et doté de pouvoirs législatifs que nous voulons mettre en place.
Il nous faut maintenant être plus précis sur les organisations et les personnalités qui en feraient partie, afin d’en faire l’annonce publique.
Ce qui serait une grande avancée pour le mouvement révolutionnaire, puisque cette proposition serait face à celle des partis confessionnels qui essaient de se mettre d’accord rapidement pour garder le pouvoir.
Entretien réalisé le 2 septembre 2020 par Pierre Barbancey et publié dans l’Humanité