La France défie la décision de la CEDH maintenant le droit de boycotter Israël

Le gouvernement du président Emmanuel Macron défie un jugement historique de la Cour européenne des droits de l’homme qui protège le droit de boycotter Israël.

Ceci se passe au beau milieu d’une crise émergente des droits de l’homme en France, où le gouvernement mène une répression violente des dissensions et protestations et accroît encore sa répression à l’encontre de la population musulmane du pays.

Mai 2019. À Toulouse, un protestataire porte une affiche montrant le président Emmanuel Macron grimé en maréchal Pétain, le collaborateur des nazis qui dirigeait le régime fantoche de la France au cours de la Seconde Guerre mondiale. En France, chaque année, des milliers de personnes sont condamnées pour le vague délit de « mépris des édiles publics ». (Photo : Patrick Batard ABACA)

Ali Abunimah, 17 novembre 2020

En annulant en juin dernier les condamnations pénales à l’encontre de onze activistes des droits en France, la décision unanime de la cour européenne a porté un coup majeur aux efforts d’Israël en vue d’imposer le silence à ceux qui le critiquent.

La Cour a estimé que les condamnations à l’encontre des activistes pour avoir appelé les clients des magasins à boycotter les marchandises israéliennes violaient la garantie de la liberté d’expression figurant dans la Convention européenne des droits de l’homme.

Elle a ordonné que le gouvernement français paie à chacun des activistes quelque 8 000 USD de dommages et intérêts et qu’il leur rembourse leurs frais juridiques.

Selon deux spécialistes de la législation française, la décision de la Cour européenne aurait dû inciter le gouvernement français à annuler ses instructions aux procureurs, transmises pour la première fois en 2010, leur demandant de poursuivre sévèrement les partisans du mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) en faveur des droits palestiniens.

Mais, loin de respecter cette décision – qui constitue un précédent – de même que les droits politiques des citoyens français, le ministère de la Justice du gouvernement de Macron a adressé le mois dernier un mémorandum aux procureurs leur demandant de continuer à enquêter sur les activistes qui appellent à boycotter Israël.

Le mémorandum affirme que les actions « appelant au boycott des produits israéliens » peuvent toujours constituer un délit dans le cadre de la loi nationale sur la presse en ce sens qu’elle

« provoque une discrimination publique envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une nation ».

Un « but politique »

Selon les spécialistes du droit – en l’occurrence le magistrat Ghislain Poissonnier et le professeur de droit Nicolas Boeglin –, le nouveau mémorandum

« cherche manifestement à sauvegarder la pénalisation de style français des appels au boycott ».
« Il est clair que les autorités françaises refusent, en violation de la hiérarchie des normes, de se soumettre à la décision [de la Cour européenne des droits de l’homme] et à la législation européenne »,

ajoutent-ils.

Ils disent que le ministère français de la Justice essaie d’éluder la distinction manifeste, dans la décision de la Cour européenne, entre, d’une part, les appels « à s’abstenir de consommer des produits afin de défier la politique d’un État » et, d’autre part, « les appels à la violence contre les individus » ou « les remarques racistes et antisémites visant les Juifs en tant que collectif ethno-religieux ».

Le gouvernement français tente d’entretenir

« le flou à propos de la distinction entre l’appel à un boycott des produits israéliens et l’antisémitisme, sans spécifier clairement ce qui pourrait faire pencher la balance vers l’un ou vers l’autre »,

font encore remarquer Poissonnier et Boeglin.

Dans un même temps, le mémorandum du ministère de la Justice incite les procureurs à soumettre les activistes politiques à un niveau effrayant d’instruction et d’examen : Il prétend que « le caractère antisémite d’un appel au boycott pourrait résulter directement des propos, gestes et écrits des accusés » et qu’il peut également « se déduire de leur contexte ».

La ministère de la Justice

« ne dissimule nullement son but politique consistant à réprimer à tout prix les appels au boycott des produits israéliens lancés dans le cadre du mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions »,

concluent Poissonnier et Boeglin.

Une répression violente

Alors que le France a longtemps mené une campagne de répression visant les partisans des droits palestiniens, la répression autoritaire appliquée par le gouvernement de Macron s’étend quasiment à toute forme de dissession.

La violence du gouvernement français à l’encontre de son propre peuple met en évidence l’une de ses nombreuses valeurs partagées avec Israël.

En septembre, le Comité de protection des journalistes a déclaré que « la France et Israël se distinguent par le recours aux munitions dangereuses » qu’ils utilisent pour s’en prendre aux manifestants et aux journalistes qui les couvrent.

L’ironie, c’est que Macron se veut un champion de la liberté d’expression, insistant sur le fait que montrer des caricatures honteuses déshumanisant et dénigrant les convictions religieuses des musulmans n’est pas seulement admissible, mais aussi nécessaire afin de prouver cet engagement en faveur de la liberté.

En fait, Macron mène une guerre contre les citoyens musulmans de France, utilisant la liberté d’expression comme une couverture afin de masquer l’animosité de l’État français à l’égard des musulmans et la désignation raciste de ces derniers comme boucs émissaires dans les affaires de terrorisme.

La semaine dernière, Amnesty International a publié une déclaration intitutlée « La France n’est pas la championne de la liberté d’expression comme elle le prétend » – et c’est à tout le moins un euphémisme.

« Des milliers de personnes sont condamnées chaque année pour leur « mépris des édiles publics », un délit vaguement défini dont les autorités judiciaires se sont servies massivement pour réduire au silence la dissension pacifique »,

affirme Amnesty.

Ceci comprenait, en 2019, la condamnation de deux hommes « après qu’ils eurent brûlé une effigie du président Macron au cours d’une manifestation pacifique ».

Lors d’un autre incident inquiétant mentionné par Amnesty,

« la police française avait interviewé quatre enfants de 10 ans peudant des heures, les soupçonnant d »’apologie du terrorisme » » après que ces enfants, apparemment, avaient remis en question le choix du professeur français assassiné, Samuel Paty, de montrer des caricatures dénigrant le prophète Mahomet.

En attendant, le gouvernement français se sert de l’indignation soulevée par les récents attentats violents comme d’un prétexte pour obliger certaines organisations de la société civile musulmane et associations de défense des droits civiques à mettre la clé sous le paillasson suite à de vagues accusations selon lesquelles elles feraient la promotion du « séparatisme ».

Alors que les musulmans constituent une importante cible de la répression, le gouvernement de Macron a essayé d’éradiquer les protestations et dissenssions contre sa politique intérieure émanant du mouvement des Gilets jaunes et des activistes climatiques.

« Des milliers de manifestants pacifiques ont été frappés dans la répression draconienne des manifestations par la France, répression au cours de laquelle on a assisté à l’abus de la part des autorités de la législation sur les amendes, les arrestations arbitraires et la poursuite de personnes qui n’ont pourtant commis aucun acte violent »,

publiait encore un rapport d’Amnesty en septembre.

En 2018 et 2019, plus de 40 000 personnes, dont des manifestants, ont été condamnées sur base de lois très vagues pour des activités qui « ne devraient en aucun cas constituer un délit », explique encore Amnesty.

Les actions de Macron feraient pâlir d’envie toutes ces « dictatures » dont les gouvernements occidentaux nous disent qu’il convient de les vilipender, alors que ces mêmes gouvernements se dépeignent comme des champions de la liberté et des droits de l’homme.


Publié le 17 novembre 2020 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

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L’UE soutient la guerre de la France contre l’Islam

Ali Abunimah, cofondateur de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country: A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse.

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