JVP Union : « Notre combat pour la liberté est indissociable du mouvement des travailleurs »

Jewish Voice for Peace (Voix juive pour la paix) est devenue la première organisation à se muer en syndicat (JVP Union) au sein du mouvement de solidarité avec la Palestine actif aux Etats-Unis.

Amira al-Thawra

Logo de JVP Union. (Photo : JVP Union)

Logo de JVP Union. (Photo : JVP Union)

« La cause palestinienne n’est pas la cause des seuls Palestiniens, mais aussi de chaque révolutionnaire quel qu’il soit, la cause des masses exploitées et opprimées de notre époque. » Ghassan Kanafani, marxiste, écrivain et révolutionnaire palestinien

Mercredi, mes collègues de travail et moi-même, nous nous sommes organisés avec succès en un syndicat au sein de Jewish Voice for Peace (JVP), la plus grande organisation juive antisioniste des Etats-Unis.

Nous sommes la première organisation à se muer en syndicat au sein du mouvement de solidarité avec la Palestine actif aux Etats-Unis et la toute dernière addition à la vague de syndicalisation du secteur non marchand dans ce pays.

Nous sommes désormais les membres fiers de la Washington-Baltimore News Guild (Guilde de l’information), l’un des secteurs des Communication Workers of America (Travailleurs de la communication en Amérique).

En tant que Palestinienne qui a dirigé le combat en vue d’organiser ce syndicat depuis que j’ai rallié l’équipe voici trois ans, le pouvoir de cette victoire me touche personnellement de façon particulière.

J’étais la première organisatrice de terrain palestinienne à être embauchée dans une organisation juive de solidarité – à prédominance blanche – avec la Palestine, et mon expérience a constitué en même temps un défi et un enrichissement profonds.

J’ai été traitée avec énormément de respect et de dignité par l’équipe au sein de laquelle nombreux sont ceux qui sont mes camarades les plus chers. Mais, du fait que le racisme est un problème systémique, il a fréquemment structuré mes interactions avec les Juifs blancs bien-pensants rencontrés au cours de mon travail d’organisation sur le terrain.

De telles interactions ne sont pas l’apanage de JVP, ni de ce mouvement, mais elles reflètent la suprématie blanche qui envahit tous les aspects de nos existences au sein de cette société. N’empêche que ces dynamiques étaient exaspérantes et déshumanisantes, au point que la seule façon dont j’ai pu poursuivre mon travail pour le mouvement de libération de la Palestine à JVP a été d’organiser moi-même mon cadre de travail. 

Vu l’escalade du combat au cours des huit derniers mois, mes collègues de travail et moi-même – presque tous des Palestiniens et des Juifs de couleur – avons versé notre sang, notre sueur et nos larmes dans la recherche, la mise en stratégie et la mise sur pied des relations qui allaient plus tard fusionner en un syndicat.

Un grand nombre d’entre nous ont été entraînés dans ce travail non seulement parce que nous sommes des socialistes, des anarchistes et des gens de gauche antisionistes, mais aussi pour la même raison qui a poussé les travailleurs à s’organiser sur leurs lieux de travail tout au long de l’histoire : nos conditions matérielles.

A l’instar des autres travailleurs progressistes du non-marchand, nous voulons aborder le racisme « libéral » qui fait surface (de façon prévisible, mais non inévitable) au sein des organisations à majorité blanche, la culture du sacrifice, du « faites-le-pour-la-cause » génératrice de burn-out ; et cet opaque processus décisionnel, du sommet vers la base, dans les questions de budget, de charge de travail, des responsabilités dans la fonction, et dans la façon dont nous devons nous y prendre dans nos mouvements en faveur de la justice.

Depuis lors, chaque jour, nous avons travaillé pour faire de JVP une organisation plus juste sur le plan racial – plus spécialement une organisation plus responsable vis-à-vis des Palestiniens (qui devraient être la toute première priorité de toute organisation qui prétend être en solidarité avec notre peuple).

J’ai fait partie d’un petit groupe qui concentrait les efforts en vue de diriger une transformation de la justice raciale au sein de JVP. Moi-même et un autre organisateur palestinien de l’équipe avons créé un processus afin de JVP puisse formellement examiner et améliorer ses politique et ses priorités en relation avec les organisations palestiniennes qui étaient nos partenaires.

J’ai également combattu collectivement avec une autre équipe BIPOC (= Black, Indigenous, People of Colour) afin d’obtenir de meilleures conditions de travail et protections pour les organisateurs de couleur. Finalement, mes camarades et moi-même avons reconnu que nous avions besoin de quelque chose censé consolider et institutionnaliser nos efforts dans le long terme : un syndicat.

Nous nous sommes constitués en syndicat parce que tout le monde – qu’il s’agisse d’un travailleur en milieu hospitalier, d’un charpentier ou d’un travailleur du non-marchand – mérite la dignité à l’emploi, et tous les travailleurs ont besoin d’avoir un syndicat.

Nous nous sommes constitués en syndicat parce que les Palestiniens et les Juifs antisionistes de couleur mènent un même combat – pas seulement au niveau externe, via le travail que nous effectuons dans le monde, mais aussi au niveau interne, via la façon dont nous entretenons des relations mutuelles au sein de notre propre organisation.

Nous nous sommes constitués en syndicat afin de nous insérer à la fois dans la riche histoire du combat des travailleurs socialistes juifs et dans le mouvement palestinien de libération.

Nous nous sommes constitués en syndicat parce que la Palestine est une question concernant le travail.

Nous nous sommes constitués en syndicat parce que la libération commence chez soi (et sur le lieu de travail) et qu’elle ne peut avoir lieu sans qu’il y ait des travailleurs en première ligne.

En tant que Palestiniens, nous avons une longue route à parcourir pour atteindre la liberté. Notre combat pour la liberté doit comprendre – et travailler en coalition avec – le mouvement ouvrier, et vice-versa.

Le mouvement ouvrier a subi une répression brutale ces quelques dernières décennies et il continue à être la cible d’attaques incessantes. Pour que le mouvement connaisse le succès, il doit être antiraciste, anti-impérialiste et propalestinien. (Le syndicat United Electrical, Radio & Machine Workers of America (UE – Travailleurs de l’électricité, de la radio et de la mécanique) a déjà adopté une position forte en tant que tout premier syndicat national des travailleurs aux Etats-Unis à soutenir BDS).

De même, le mouvement de solidarité avec la Palestine ne pourra connaître le succès si nous ne donnons pas la priorité à la lutte des travailleurs, y compris notre propre combat. Nous devons bâtir des relations avec d’autres travailleurs et avec des syndicats progressistes de travailleurs – rejoindre les travailleurs aux piquets de grève, combattre les oppresseurs communs et faire campagne pour désinvestir de l’apartheid israélien et de l’impérialisme mondial, et investir dans l’amélioration du sort des travailleurs dans ce pays.

Le mouvement ouvrier et le mouvement de solidarité avec la Palestine ont la même vision partagée et c’est à nous qu’il incombe de concrétiser cette vision ensemble, depuis les Etats-Unis jusqu’à la Palestine.

Une affiche du Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP) qui dit : « Premier Mai – L’unité des organisations de la classe ouvrière garantit la continuité de la révolution. » (Image : Archives du Palestine Poster Project)


Publié le 7 août 2020 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal

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