La Grande-Bretagne se tourne vers la législation «antiterroriste» pour réprimer Palestine Action

La semaine dernière, en Grande-Bretagne, des militants de la campagne de solidarité avec la Palestine ont bloqué pendant plusieurs heures une usine fabriquant des composantes destinées à des drones israéliens.

Le 18 janvier, trois activistes de Palestine Action ont été arrêtés en dehors de l’usine Elbit de Shenstone, dans les Midlands. C’était la troisième fois que l’usine était visée en cinq mois.

Des activistes de Palestine Action sont arrêtés par la police après avoir bloqué Elbit. (Photo : Palestine Action)

Des activistes de Palestine Action sont arrêtés par la police après avoir bloqué Elbit. (Photo : Palestine Action)

Asa Winstanley, 26 janvier 2021

De la peinture rouge symbolisant les morts palestiniens a également été répandue dans la cour d’entrée de l’usine.

Dans une vidéo de Palestine Action, une activiste dont le nom n’a pas été cité déclarait

« être ici aujourd’hui parce que la Grande-Bretagne est complice de la colonisation de la Palestine depuis plus de cent ans, avec la déclaration Balfour ».

Elbit est la première société privée d’armement d’Israël et elle commercialise ses armes en les présentant comme ayant été « testées au combat » sur les Palestiniens de Gaza. Elbit possède dix usines et bureaux au Royaume-Uni.

Palestine Action a vu le jour durant l’été dernier en vue d’entreprendre des actions directes et non violentes contre des sociétés complices ou directement impliquées dans l’occupation israélienne.

Le groupe est soutenu par une personnalité célèbre au moins : Roger Waters (Pink Floyd), lui aussi activiste de la solidarité avec la Palestine depuis plus de dix ans.

Mais les fondateurs du groupe affirment que la police réprime leur campagne.

Dans une interview réalisée par The Electronic Intifada, les cofondateurs Huda Ammori et Richard Barnard ont expliqué qu’ils avaient même été empêchés d’agir par l’Annexe 7 d’une scandaleuse loi « antiterroriste » britannique.

En novembre, les deux activistes avaient été interrogés pendant plusieurs heures et ensuite arrêtés, après avoir refusé de révéler les mots de passe de leurs ordinateurs.

Ils avaient été épinglés et mis sur le côté après être rentrés en Grande-Bretagne, au cours de ce qu’ils avaient initialement perçu comme un contrôle sécuritaire de routine. Mais l’ambiance avait rapidement changé quand on leur avait réclamé l’accès à leurs téléphones et ordinateurs.

« Ils avaient déclaré de but en blanc à Richard que c’était à cause de son activisme au sein de Palestine Action »,

a déclaré Huda Ammori.

L’Annexe 7 de la très sévère loi antiterroriste de 2000 supprime la quasi-totalité des droits applicables en cas d’arrestation.

Les personnes arrêtées peuvent être interrogées pendant des heures et le refus de répondre à des questions peut entraîner des inculpations. Le droit habituel de garder le silence est suspendu et les personnes arrêtées peuvent se voir refuser l’accès à un avocat.

Les deux activistes ont été amenés à répondre à certaines questions personnelles mais ont tenté de rester aussi vagues que possible sans contrevenir à la loi.

Ammori a été explicitement interrogée sur base de ses origines palestiniennes et irakiennes :

« Il a été beaucoup question de ce qu’étaient mes croyances religieuses, de savoir si j’étais chiite ou sunnite. Je crois qu’ils ont été désorientés quand je leur ai dit que mon père provenait d’un contexte sunnite et ma mère d’un milieu chiite . »

Ils m’ont même posé des questions sur le Parti travailliste :

« Je crois qu’ils m’ont demandé à un moment ce que je pensais de la suspension de Jeremy Corbyn. »

La répression

Le cofondateur Richard Barnard dit qu’il est également impliqué dans le groupe d’action pour le climat Extinction Rebellion (XR) depuis sa fondation et qu’il a été arrêté à plus de trente reprises.

XR a également été ciblé par la très sévère police « antiterroriste » britannique.

Mais Barnard déclare qu’il n’a jamais été bloqué à la moindre frontière, pendant tout le temps qu’il a été actif au sein de XR. Il dit que, pendant son interrogatoire, dans un local où il était séparé d’Ammori, on ne lui a jamais posé la moinde question sur son activisme environnemental, malgré le fait qu’il avait trois affaires actuellement en suspens.

XR et toute une série d’autres organisations de gauche – y compris la relativement conservatrice Palestine Solidarity Campaign – ont été repris sur un document « antiterroriste », a-t-on appris l’an dernier.

Après l’interrogatoire, ils ont été arrêtés pour avoir refusé de communiquer leurs mots de passe. Ils ont alors été emmenés dans un commissariat de police et incarcérés pendant plusieurs heures avant d’être libérés.

Les deux activistes disent qu’ils ont été retenus pendant 17 heures en tout.

Ils n’ont pas encore été accusés du moindre délit, mais les enquêtes restent ouvertes – c’est une tactique d’intimidation, affirment-ils.

« J’ai insisté en disant que ce que nous avions fait était une action directe non violente », comme les actions d’autres groupes comme Extinction Rebellion, a expliqué Ammori.

Depuis que le couple a été interrogé, d’autres activistes de Palestine Action ont été convoqués pour être interrogés à leur tour et on leur a confisqué leurs ordinateurs portables.

Plusieurs activistes attendent d’être jugés pour un sit-in organisé sur le toit de l’usine de Shenstone en septembre.

Mais, en 2015, la justice avait laissé tomber en toute dernière minute la seule affaire similaire en Grande-Bretagne et impliquant un site Elbit, après que les directeurs de la firme avaient décidé de revenir sur de précédents engagements afin de témoigner contre les neuf inculpés.

Ces activistes aussi bien que ceux de Palestine Action ont la même stratégie politique sur le plan juridique. En contribuant aux crimes de guerre israéliens, disent-ils, Elbit et ses filiales en Grande-Bretagne enfreignent les lois internationales.

Par conséquent, l’action directe non violente et le sabotage constituent des actions raisonnables et légales en vue d’empêcher des crimes de guerre plus graves encore.

Le groupe a également protesté devant le quartier général d’Elbit à Londres.

La cofondatrice Huda Ammori se montre intraitable : Le campagne se poursuivra.

« S’ils traînent tellement pour juger et harceler les activistes   c’est que l’establishment a peur de ce que les gens ordinaires peuvent faire en entreprenant des actions directes. »

En août dernier, le secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères, Dominic Raab, a rencontré des ministres israéliens à Jérusalem et a leur a promis de réprimer la campagne de Palestine Action.

Orit Farkash-Hacohen, à l’époque ministre des « Affaires stratégiques », s’est plainte de ce que

« la campagne de délégitimation contre Israël s’est propagée à travers l’Europe et le monde, y compris en Angleterre (…) Le week-end dernier encore, les bureaux d’une société israélienne de sécurité ont été vandalisés pour la quatrième fois au cours du seul mois. »

Selon les médias israéliens,

« Raab a répondu que lui et le gouvernement britannique s’étaient engagés à mettre un terme à ce genre d’événements ».

Le ministère des Affaires stratégiques est une institution israélienne a moitié secrète qui se charge de combattre le mouvement BDS, autrement dit la campagne mondiale dirigée par les Palestiniens en faveur du boycott, du désinvestissements et des sanctions contre Israël.

En décembre, le nouveau ministre israélien des Affaires stratégiques Michael Biton a licencié le directeur général du ministère et a déclaré qu’il pouvait tout aussi bien fermer ce dernier définitivement aussi.


Publié le 27 janvier 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

Lisez également : Pour la 3e fois, les activistes de Palestine Action paralysent l’usine Elbit dans les Midlands (G-B)

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Bon à savoir

La firme OIP Sensor Systems, une usine à proximité de la ville belge de Gand, est l’entière propriété d’Elbit.

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