Des soldats israéliens exultent après avoir abattu un protestataire
La violence routinière utilisée par les soldats et les colons israéliens contre les Palestiniens fait rarement l’objet des gros titres internationaux. Mais cette violence n’a rien d’anecdotique dans le cadre de l’occupation et des mesures de colonisation israéliennes. Au contraire, elle est délibérée.
Ali Abunimah, 17 février 2021
Cette vidéo montre les forces israéliennes d’occupation en train de manifester leur joie après qu’un sniper a blessé un Palestinien protestant contre un vol de terre par les colons dans le centre de la Cisjordanie occupée, le 27 novembre dernier.
La vidéo, publiée ce mois-ci par l’organisation des droits de l’homme B’Tselem, a été filmée par le photographe de presse Hisham Abu Shaqrah au moment où il se trouvait derrière une jeep de la police israélienne des frontières, près de la communauté d’Ein Samia.
Elle montre le sniper couché sur le sol et tirant ensuite une balle de calibre .22 dans la jambe d’un protestataire identifié par B’Tselem comme étant Y.B.
« J’ai entendu les hommes qui acclamaient le tireur et le félicitaient comme s’il avait fait quelque chose de génial »,
a expliqué Abu Shaqrah à B’Tselem.
« Ils avaient l’air heureux et ils riaient en lui donnant de petites tapes dans le dos. »
Un mépris flagrant pour la vie des Palestiniens
« Je n’ai jamais vu quelque chose de ce genre dans toute ma vie de journaliste »,
a ajouté Abu Shaqrah.
« Je n’ai jamais vu des soldats ou des policiers israéliens exulter comme cela. »
Mais les soldats israéliens ont déjà été surpris précédemment à applaudir et à se congratuler après avoir abattu et bombardé des Palestiniens.
« J’ai senti comme une décharge électrique me frapper durement dans la jambe gauche »,
a expliqué Y.B. à B’Tselem.
« Je ne pouvais plus m’appuyer sur ma jambe et je me suis mis à boiter sur la jambe gauche. »
Y.B. a été évacué par des secouristes et soigné dans un hôpital. Il va peut-être devoir subir une opération et garder longtemps sa blessure.
Selon B’Tselem, des incidents comme le fait d’avoir tiré sur Y.B. prouvent bien
« la politique de tir direct pratiquée depuis très longtemps par Israël en Cisjordanie et qui témoigne d’un mépris flagrant à l’égard des existences et du bien-être des Palestiniens ».
Israël prétend que les balles de calibre .22 tirées à partir des carabines Ruger de fabrication américaine sont moins mortelles que d’autres sortes de munitions réelles.
Mais, le 4 décembre, dans la même zone, les forces d’occupation ont quand même tué Ali Ayman Saleh Nasser, 15 ans, avec le même genre de projectile, alors qu’il observait une manifestation.
Défendre la terre
Le contexte des deux tirs était les protestations hebdomadaires des résidents contre les confiscations de terre par les colons israéliens.
Durant l’été 2019, les colons ont installé un nouvel avant-poste près d’Ein Semia, à l’est du village d’al-Mughayyir.
En novembre dernier, l’avant-poste des colons a été déplacé vers une zone où les résidents de la communauté bédouine de Ras al-Tin font paître leurs bêtes.
Les colons « ont attaqué et harcelé les fermiers et les bergers qui se trouvaient dans la zone et les ont chassés des terres », a rapporté B’Tselem.
De leur côté, les résidents locaux ont régulièrement manifesté contre l’avant-poste des colons.
Le jour où Y.B. s’est fait tirer dessus, une centaine de Palestiniens se sont mis en route en direction d’Ein Semia afin de protester. Comme ils se dirigeaient vers une route où des forces israéliennes étaient positionnées, ces dernières « leur ont lancé des grenades assourdissantes », rapporte encore B’Tselem.
D’autres soldats sont arrivés, se sont déployés le long des collines puis se sont mis à « lancer des grenades assourdissantes et à tirer des balles enrobées de caoutchouc contre les protestataires » et certains de ceux-ci ont riposter par des jets de pierres.
Certains manifestants ont alors « bloqué la route à l’aide de pneus enflammés, empêchant ainsi la police d’avancer ». Y.B. faisait partie d’un groupe de protestataires jetant des pierres contre les agents israéliens positionnés à plus de cent mètres de là.
Les agressions, par la violence, contre les Palestiniens qui défendent leurs terres contre la colonisation israélienne sont systématiques.
Une autre vidéo filmée une semaine plus tôt dans la zone montre des soldats qui tirent une balle à embout de caoutchouc sur l’activiste palestinien Abdallah Abu Rahma, qui s’oppose aux implantations, au moment où il vient se porter au secours d’un aide médical qui vient de se faire menotter par les forces israéliennes d’occupation.
Les forces israéliennes venaient d’agresser et de molester les protestataires, dont un homme plus âgé.
Alors que ces balles à embout de caoutchouc peuvent sembler bénignes, elles provoquent des blessures extrêmement douloureuses et peuvent même tuer.
Et, le 18 décembre, toujours selon B’Tselem, un colon a ouvert le feu sur des protestataires à proximité de Ras al-Tin alors que d’autres colons les menaçaient avec leurs chiens. Les forces israéliennes d’occupation n’ont rien fait pour les faire cesser.
En lieu et place, comme le montre la vidéo ci-dessous, les soldats se sont joints aux colons pour attaquer les Palestiniens à l’aide de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes.
« Un milieu de vie insupportable »
La violence routinière utilisée par les soldats et les colons israéliens contre les Palestiniens fait rarement l’objet des gros titres internationaux.
Mais cette violence n’a rien d’anecdotique dans le cadre de l’occupation et des mesures de colonisation israéliennes. Au contraire, elle est délibérée.
« Toutes les parties responsables dans le choix, la mise en pratique et l’application de cette politique sont bien conscientes de ses résultats », fait remarquer B’Tselem.
« Les hauts responsables militaires l’approuvent, des conseillers juridiques l’entérinent, les soldats la mettent en pratique sur le terrain et le système de mise en place de la loi martiale la blanchit rapidement en y voyant un motif d’inquiétude et une matière à enquête alors qu’en fait il approuve pleinement ces actes. »
Une autre victime de cette violence planifiée est Harun Abu Aram, un Palestinien touché dans le cou par les forces israéliennes alors que, le jour du nouvel an, il tentait de les empêcher de s’emparer d’une génératrice utilisée par une famille vivant dans une grotte dans les collines au sud de Hébron.
Israël a enquêté brièvement sur l’affaire avant de se dégager rapidement de toute responsabilité.
Cette semaine, B’Tselem a rapporté qu’immédiatement après que Harun avait été touché, son père, Rasmi Abu Aram avait tenté de l’emmener à l’hôpital à bord d’une voiture privée conduite par un autre homme.
Mais, comme la voiture faisait demi-tour, un soldat avait tiré dans ses pneus. Harun avait dû être transféré dans une autre voiture pour être évacué.
Le 14 février, Harun Abu Aram était toujours à l’hôpital, sous un respirateur et il risque de rester paralysé.
Harun Abu 'Aram is currently in hospital and ventilated, and may remain fully paralyzed.https://t.co/0q7SF6Dasj pic.twitter.com/2ZrDjA65vZ
— B'Tselem בצלם بتسيلم (@btselem) February 16, 2021
Le harcèlement par Israël des résidents des collines au sud de Hébron, de même que les attaques contre les Palestiniens dans toute la Cisjordanie, « créent un milieu de vie insupportable », d’après B’Tselem.
Tout ceci
« vise à amener les résidents à quitter leurs maisons – comme si c’était de leur plein gré – afin de faciliter la tâche d’Israël dans l’accaparement de leurs terres ».
La colonisation d’implantation par Israël de la terre palestinienne occupée et toutes les violences qui l’accompagnent figurent au nombre des crimes de guerre dont les Palestiniens espèrent que la Cour pénale internationale les poursuivra après que, ce mois-ci, les juges ont préparé la voie à une enquête officielle.
Publié le 17 février 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal