Un agent des renseignements israéliens a bel et bien interrogé le journaliste palestinien Muath Hamed en Espagne

Madrid (QNN) – Les autorités espagnoles ont confirmé que le journaliste palestinien Muath Hamed avait été interrogé sur ses activités journalistiques par un agent des renseignements israéliens.

Dans une réponse officielle adressée au Parlement espagnol, les autorités espagnoles ont confirmé que Muath Hamed, un journaliste palestinien de la chaîne Al-Araby TV (Qatar) et du site d’infos Al-Araby al-Jadeed, avait été interrogé par un agent des renseignements israéliens dans un bureau de la sécurité espagnole.

Toutefois, les autorités ont prétendu que de plus amples informations n’avaient pu être révélées, du fait que cette matière tombe sous le coup de la « Loi sur les secrets officiels » et qu’elle pourrait par conséquent compromettre la sécurité du pays.

Début février, des agents de la Garde civile espagnole avaient convoqué Hamed en vue d’un entretien sur son statut de réfugié, a déclaré le journaliste, qui s’est adressé au Comité de protection des journalistes (CPJ) via un lien de messagerie.

Cependant, le 11 février, quand Hamed est arrivé au quartier général de la Garde civile à Madrid en vue de cette rencontre, un agent l’a confié à la garde de quelqu’un qui a déclaré au journaliste qu’il était un agent des renseignements israéliens, a expliqué Hamed au CPJ ainsi qu’au site local d’informations Publico et à ses employeurs.

L’agent des renseignements supposé a interrogé Hamed, a expliqué ce dernier au CPJ, sur les sources du compte rendu qu’il avait effectué le 30 décembre 2019 pour Al-Araby al-Jadeed, à propos des sociétés et organisations écrans utilisées par le Mossad, le service israélien des renseignements, pour payer des informateurs en Europe de l’Est.

Il avait alors été libéré sans condition, avait-il ajouté.

Aujourd’hui, Daniel Campos de Diego, le directeur de la communication du ministère espagnol de l‘Intérieur, a expliqué au CPJ via un lien de messagerie que le ministère n’avait aucune connaissance de la rencontre entre Hamed et un agent israélien présumé, en dehors des allégations du journaliste publiées dans la presse.

Quand on lui a demandé si le ministère de l’Intérieur examinait l’affaire, Campos de Diego a déclaré qu’il était difficile d’enquêter sur de telles allégations, du fait qu’il n’y avait pas de rapport officiel. Il a également expliqué au CPJ qu’il ne savait pas si l’Espagne et Israël avait conclu l’un ou l’autre accord permettant aux renseignements israéliens d’interroger des demandeurs d’asile.  

Le CPJ a adressé des courriels à la Garde civile espagnole, à l’ambassade d’Israël en Espagne et au Mossad israélien pour leur demander des commentaires, mais ces courriels sont restés sans réponse.

« Nous sommes profondément dérangés par l’idée que les forces de la sécurité espagnole soient manœuvrées en sous-main pour convoquer un journaliste en vue d’un entretien informel puis de le faire interroger sur son travail et sur ses sources confidentielles par un agent d’un service de renseignement étranger »,

a déclaré la coordinatrice des programmes du CPJ pour l’Europe et l’Asie centrale, Gulnoza Said.

« Qu’il s’agisse de tenter d’intimider le journaliste, de lui faire avouer ses sources ou de le recruter comme informateur, de tels efforts constitueraient une violation manifeste du droit de Muath Hamed d’exercer sa profession de journaliste. Les autorités espagnoles devraient organiser une enquête sur les allégations de Hamed. »

Hamed est demandeur d’asile en Espagne depuis avril 2019, suite à son arrestation dans les territoires palestiniens et son emprisonnement par les autorités israéliennes en raison de ses activités politiques, a-t-il fait savoir au CPJ, disant qu’il possédait une « carte rouge » permettant aux demandeurs d’asile de travailler six mois après l’introduction de leur demande d’asile.

En décembre 2020, des agents de la Garde civile espagnole identifiés sous les noms ou pseudonymes de « Javier » et « Nicolas » ont eu un entretien informel avec le journaliste à propos de son travail dans les territoires palestiniens et de son existence en Espagne, a-t-il dit, ajoutant qu’il ne connaissait les noms d’aucun de ces agents.

En février, Javier avait appelé Hamed en lui demandant d’apporter un document de la Croix-Rouge confirmant qu’il avait été détenu en prison en Israël entre avril 2004 et juillet 2005.

Quand il était arrivé au quartier général de la Garde civile à Madrid, Javier avait rencontré Hamed et l’avait introduit auprès d’un homme répondant au nom d’Omar, dont Javier avait dit qu’il était un agent des renseignements belges. Dans des déclarations adressées au site d’infos espagnol Publico, Hamed expliqua que, lors de son arrivée au bâtiment, on ne lui avait pas demandé de s’identifier et que son nom n’avait pas été consigné comme à l’accoutumée à l’entrée du bâtiment.

« Javier a déclaré qu’Omar était d’origine palestinienne, mais il avait un fort accent israélien. Quand j’ai répondu en hébreu, Omar a ri et Javier n’a pas su comment réagir », a expliqué Hamed au CPJ. « Javier est sorti de la pièce en disant qu’il allait chercher de l’eau et il m’a laissé seul dans la pièce avec Omar, qui a admis qu’il travaillait pour Israël. »

Omar a dit à Hamed qu’il travaillait pour les renseignements israéliens et qu’il voulait en savoir davantage sur ses sources dans son récit de 2019, ajouta le journaliste. Après avoir questionné Hamed pendant une dizaine de minutes, Omar avait posé des questions sur les sources de Hamed en Turquie, sur sa connaissance des organisations et groupes palestiniens en Turquie et en Europe et sur les efforts en vue de récolter des fonds, et il l’avait également interrogé sur ses dettes personnelles et sur sa situation financière, a encore expliqué encore Hamed au CPJ.

« La chose la plus embarrassante, c’est qu’il a demandé en les nommant des sources que j’avais gardées secrètes et dont j’avais protégé les identités par des pseudonymes dans mes articles »,

déclara Hamed.

« Il connaissait leurs vrais noms et cela me porte à croire qu’ils ont piraté mon téléphone cellulaire. »

Après l’interrogatoire, Omar a déclaré à Hamed qu’il serait joignable via Javier. Hamed a dit qu’il avait tenté de donner à Javier le document de la Croix-Rouge qu’on lui avait demandé d’apporter, mais que Javier ne l’avait pas pris.

Hamed a expliqué au CPJ qu’il soupçonnait que son téléphone ait pu être piraté en janvier, ajoutant qu’il avait reçu un appel bizarre par Skype de la part d’un numéro inconnu et que, depuis lors, son téléphone avait réagi de façon bizarre.  

« Depuis cet appel, j’ai dû recharger la batterie jusque cinq fois par jour, le téléphone ralentissait et on aurait dit que quelque chose chargeait en permanence, il était si chaud que je pouvais à peine le toucher et, chaque fois que je parlais, il y avait un bruit constant en arrière-fond »,

a encore dit Hamed au CPJ, ajoutant qu’il avait envoyé un courriel à l’organisation pour les droits digitaux Citizen Lab lui demandant d’examiner son téléphone, et qu’il attendait la réponse.

Selon Publico, il n’est pas rare que les forces de la sécurité espagnole convoquent des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile pour des entretiens informels. Cependant, comme le veut la loi espagnole, les questions d’immigration et d’asile sont traitées par la police nationale et non par la Garde civile.

Hamed a dit au CPJ qu’il avait trouvé bizarres ces convocations originales, parce qu’il avait déjà fourni les documents nécessaires de la Croix-Rouge aux autorités espagnoles quand il avait introduit sa demande d’asile en 2019.

« Je comprends pourquoi les forces de la sécurité espagnole veulent discuter de mon passé. J’ai été en détention administrative en Israël en raison de me activités politiques et du fait que j’étais membre du conseil des étudiants, et je suis ouvert à toute discussion à ce propos. Je n’ai rien à cacher »,

a encore dit Hamed.


Publié le 9 juillet 2021 sur Quds News Network
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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