Un tribunal israélien ajourne l’appel contre les expulsions de Sheikh Jarrah

Les familles palestiniennes rejettent la proposition du tribunal israélien de rester dans les habitations en tant que « locataires protégés », mais pour autant qu’elles reconnaissent que ces habitations sont des propriétés israéliennes.

Les résidents palestiniens du quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est occupée, font le signe de la victoire avant de l’audience en appel à propos des expulsions forcées. (Photo : Maya Alleruzzo / AP)

La Cour suprême israélienne a ajourné l’appel de quatre familles palestiniennes contre leur expulsion forcée du quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est occupée, alors que les familles disent qu’elles ont rejeté une proposition du tribunal de rester dans leurs habitations en tant que « locataires protégés », à condition toutefois de reconnaître que leurs habitations sont des propriétés israéliennes.

Les cas examinés ce lundi impliquaient quatre familles palestiniennes, représentant un total de quelque 70 personnes.

De simples tribunaux israéliens avaient approuvé l’expulsion des quatre familles en vue de faire de la place pour des colons juifs. Elles avaient décrété que ces maisons avaient été construites sur des terrains possédés par des juifs déjà avant la création d’Israël en 1948.

Mais, en examinant un dernier appel de la part des résidents, le tribunal avait suggéré un arrangement qui leur conférerait un statut de « locataires protégés », à condition de reconnaître que les maisons étaient des propriétés israéliennes et de payer un loyer annuel symbolique. Les résidents avaient toutefois refusé ce marché. Le juge Isaac Amit a demandé plus de renseignements sur l’affaire et a déclaré : « Nous rendrons notre décision publique plus tard », mais sans fixer de date.

Faisant son rapport depuis le tribunal de Jérusalem-Est, Hoda Abdel-Hamid, d’Al Jazeera, a déclaré que le juge avait proposé aux familles palestiniennes l’option de signer un document déclarant que le terrain appartenait aux colons juifs.  

« En retour, ils ont la location garantie de cette maison pour les trois générations à venir », a expliqué Abdel-Hamid.

« Ils nous ont imposé une énorme pression afin de dégager un accord avec les colons israéliens prévoyant que nous serions locataires des organisations de colons »,

a expliqué Muhammad al-Kurd, de l’une des quatre familles palestiniennes au cœur de l’affaire. « Naturellement, la chose a été rejetée », a-t-il ajouté.

Sami Ershied, un avocat représentant les familles palestiniennes, a également expliqué à Al Jazeera que la proposition était inacceptable.

« Jusqu’à présent, nous n’avons pas encore entendu une offre qui soit suffisamment équitable et qui préserve les droits des résidents. Par conséquent, nous n’avons pas dégagé le moindre compromis »,

a déclaré Ershied. Pourtant, a-t-il dit, l’audience a été « un bon pas vers l’avant ».

« Les juges ont indiqué qu’ils voulaient nous inviter à une deuxième audience. Ils n’ont pas encore rejeté notre appel et c’est un bon signe »,

a-t-il ajouté.

« Nous espérons que les juges continueront d’écouter nos arguments et de prendre en considération tous les nouveaux détails que nous leur avons soumis et qu’à la fin de la journée, ils concluront l’affaire en faveur des résidents de Sheikh Jarrah »,

a-t-il encore dit.

Ershied a ajouté que le tribunal décidera de la date de la prochaine audience, et que cette date serait une question de quelques semaines ou quelques mois.

Une longue bataille juridique

Il avait été prévu que la Cour suprême prenne une décision en mai, mais elle avait reporté cette décision après que l’attorney général avait requis plus de temps pour considérer les affaires.

Les menaces d’expulsion avaient alimenté les protestations, qui avaient été confrontées en avril et mai à une répression sévère de la part des forces sécuritaires israéliennes. Elles constituent également un test pour la nouvelle coalition gouvernementale israélienne, qui comprend trois partis favorables aux colonies ainsi qu’un petit parti représentant les citoyens palestiniens d’Israël. Par souci d’unité, le gouvernement a tenté de mettre de côté les questions palestiniennes et ce, afin d’éviter les divisions internes.

Des semaines de troubles – mis en évidence par des tactiques policières israéliennes à la main lourde contre les résidents et les manifestants qui les soutenaient – ont attiré l’attention internationale avant les 11 jours de bombardements israéliens sur la bande de Gaza assiégée, en mai.

Un cessez-le-feu a pris effet le 21 mai, mais la campagne de longue haleine des colons juifs en vue d’expulser des dizaines de familles palestiniennes s’est poursuivie. Les colons ont mené une campagne de plusieurs décennies pour expulser les familles des quartiers palestiniens densément peuplés situés juste en dehors des murs de la Vieille Ville, dans ce qui constitue l’une des parties les plus sensibles de Jérusalem-Est occupée.

 

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Les colons ont prétendu que les maisons avaient été construites sur des terres appartenant déjà à des juifs avant la guerre de 1948, à l’époque de la création d’Israël. La loi israélienne permet aux juifs de revendiquer ces propriétés, un droit qui par contre est refusé aux Palestiniens, qui ont perdu terres et maisons au cours du même conflit.

La Jordanie a contrôlé Jérusalem-Est de 1948 à 1967. Les familles, devenues des réfugiés au cours de la guerre de 1948, ont dit que les autorités jordaniennes leur avaient proposé leurs maisons en échange d’un renoncement à leur statut de réfugiés.

En 1967, Israël a occupé Jérusalem-Est, de même que la Cisjordanie et Gaza, et l’a annexée au cours d’une démarche qui n’a pas été reconnue au niveau international. La solution à deux États proposée par les accords d’Oslo de 1993 envisageait les trois régions en tant que composantes d’un État palestinien.

En 1972, des groupes de colons ont dit aux familles qu’elles se trouvaient illégalement sur des terres qui étaient propriété juive. Ce fut le début d’une longue bataille juridique qui, ces derniers mois, culmina avec des ordonnances d’expulsion contre 36 familles de Sheikh Jarrah et de deux autres quartiers de Jérusalem-est occupée.

Des organisations de défense des droits ont expliqué que d’autres familles sont tout aussi vulnérables, estimant que plus d’un millier de Palestiniens risquent de se faire expulser.

« Quoi que décide le juge aussi bien pour les colons que pour les familles palestiniennes, cela va donner le ton de ce qui va se passer prochainement »,

a conclu Abdel-Hamid.

Sources : Al Jazeera et agences de presse


Publié le 2 août 2021 sur Al Jazeera
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Lisez également : Ici, à Jérusalem, nous, les Palestiniens, luttons toujours pour nos maisons

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