L’Union africaine s’autodétruit en accordant à Israël un statut d’observateur

Avec l’entité sioniste impliquée dans l’Union africaine, nous pouvons nous attendre à ce que le continent soit encore plus déstabilisé qu’il ne l’est déjà

31 mai 2019, Johannesburg, Afrique du Sud. Manifestation appelant au boycott d’Israël. (Photo : Afro-Palestine Newswire Service)

Dr Mustapha Mheta, 23 juillet 2021

Le ministère israélien des Affaires étrangères israélien a annoncé hier qu’il avait récupéré son statut d’observateur au sein de l’Union africaine (UA). Jusqu’en 2002, l’État colonial avait été membre observateur de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), c’est-à-dire jusqu’à la dissolution de cette dernière et son remplacement par l’UA.

Qui a décidé de réadmettre Israël en tant qu’État observateur au sein de l’UA ? Nous connaissons très bien ces responsables parce que, dès leur accès au pouvoir dans le corps continental, ils ont pris certaines décisions très impopulaires qui ne bénéficient en rien à l’Afrique et à ses peuples. En lieu et place, ils nous ont vendus au plus offrant.

Un jour, ils seront dénoncés comme traîtres, parce que l’Afrique et ses États sont nés des luttes contre l’esclavage et le colonialisme : nous n’avons nul besoin de nous associer à des États coloniaux tels que l’entité sioniste. Dans le passé, nos rois et chefs nous ont vendus pour une cuiller à thé de sucre et un miroir étincelant. Aujourd’hui, nos dirigeants nous vendent de nouveau aux descendants des mêmes impérialistes portant le masque de la démocratie pour mieux dissimuler leurs intentions colonialistes.

Y a-t-il la moindre différence entre ces dirigeants africains modernes et ceux qui nous avaient vendus aux esclavagistes coloniaux ? Il n’y en a tout simplement pas. Ils sont les gens qui permettent aux impérialistes et aux sionistes d’avoir accès aux ressources naturelles de notre continent en échange de technologie d’espionnage et d’armes leur assurant une mainmise permanente sur le pouvoir.

Quand l’ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi activa la formation de l’Union africaine en 2002, il s’assura que l’État sioniste d’Israël reste sur la touche. Il ne se doutait guère que ses frères africains allaient le trahir un peu plus tard, lui et son héritage anticolonialiste.

Israël est un État raciste d’apartheid et, dans ce cas, pourquoi devrait-il avoir un statut d’observateur au sein de l’UA ? Avant qu’une telle réadmission soit même examinée, l’Union aurait dû exiger que l’État sioniste se soumette aux nombreuses résolutions de l’ONU le concernant et restées lettres mortes. C’était une occasion parfaite de mettre la pression sur Israël afin qu’il se retire de toutes les terres arabes qu’il occupe – aussi bien libanaises et syriennes que palestiniennes – et qu’il œuvre à faciliter l’indépendance de l’État de Palestine.

Il est nécessaire que l’UA ouvre les yeux sur ce dont Israël est capable. Cette semaine, précisément, le journal britannique The Guardian rapportait qu’une société israélienne avait développé et vendu son spyware (logiciel espion) Pegasus à un certain nombre de gouvernements, dont certains gouvernements africains, et qu’au moins quatorze dirigeants mondiaux (sans compter une myriade d’activistes, de journalistes et de militants de campagnes pour les droits humains), dont le président sud-africain Cyril Ramaphosa, étaient ciblés par cette technologie.

Et ce n’est qu’un exemple de ce que signifie être ami avec Israël. L’un des dirigeants africains dont on prétend qu’il a été impliqué dans ce genre de recours à la technologie Pegasus n’est autre que Paul Kagame, au Rwanda. C’est un ami notoire d’Israël et ses relations avec nombre de ses voisins africains sont tendues. Ces relations vont l’être encore plus, assurément, après les révélations concernant Pegasus.

Kagame est bien connu pour poursuivre ses opposants politiques où qu’ils puissent être et les faire assassiner. Ses relations avec le gouvernement sud-africain sont tendues pour cette raison même. Il a également des problèmes avec le président Yoweri Museveni de l’Ouganda, qui l’accuse d’espionnage en utilisant précisément ce même spyware Pegasus. Le gouvernement du Burundi se plaint lui aussi de Kagame pour ces mêmes agissements.

Récemment, le Rwanda a déployé ses troupes vers le nord du Mozambique et une violente guerre verbale sévit depuis lors au sein du parti FRELIMO au pouvoir à Maputo. Au vu de la situation engendrée par Pegasus, comment la Communauté sud-africaine de développement, dont le Mozambique fait partie, peut-elle avoir confiance dans les militaires rwandais engagés au sein de ses forces ? Cet arrangement pourrait tourner très mal. Il est impossible de combattre aux côtés de gens qui, en même temps, vous espionnent.  

Il est un fait que, où que se rende Israël en y étant bien accueilli, des problèmes de ce genre tendent à surgir. Des pays s’en trouvent déstabilisés et finissent par de dresser les uns contre les autres. Il s’agit de la vieille tactique coloniale du « diviser pour régner » consistant à opposer un camp à l’autre tout en prétendant être l’ami des deux.   

Cet octroi de statut d’observateur à Israël est la seconde bévue grave commise par l’UA ces derniers temps. La première avait consisté à permettre au Maroc de reprendre sa place au sein de l’Union avant qu’il ne retire ses forces du Sahara occidental occupé.

Avec l’entité sioniste impliquée dans l’UA, nous pouvons nous attendre à ce que le continent soit encore plus déstabilisé qu’il ne l’est déjà. L’Afrique ne peut tout simplement pas se permettre que cela se fasse. De toute urgence, l’UA doit revenir sur cette décision concernant le statut d’Israël, tant que ce dernier ne se soumettra pas aux résolutions de l’ONU concernant son retrait de tous les territoires occupés et qu’il ne facilitera pas l’indépendance de la Palestine. Si l’État d’occupation coloniale refuse d’obtempérer, les relations officielles entre Tel-Aviv et l’Union africaine devraient être radiées de l’agenda.


Publié le 23 juillet 2021 sur Middle East Monitor
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Le Dr Mustafa Mheta est chercheur et dirige la section africaine du Media Review Network (Réseau d’analyse des médias), à Johannesburg.

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