Le bébé d’Anhar al-Deek doit naître incessamment dans une prison israélienne

MISE A JOUR vendredi 3 septembre 2021 : Grâce à la mobilisation internationale, la mère de famille palestinienne Anhar al-Deek a été libérée de la prison de Damon pour être assignée à résidence dans sa maison familiale à Kafr Nima, près de Ramallah.

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Le 26 août dernier, des Palestiniens se sont rassemblés en face du QG de la Croix-Rouge, à Gaza, en guise de soutien à Anhar al-Deek. (Photo : Youssef Abu Watfa APA images)

Tamara Nassar, 1er septembre 2021

Anhar al-Deek, 25 ans, a été arrêtée par les forces israéliennes en mars dernier. Elle était enceinte de quatre mois. Aujourd’hui, à l’approche de son terme, elle va devoir accoucher de son bébé par césarienne.

Israël a rejeté la requête de sa famille afin que soit sa mère, soit son mari soit à ses côtés au moment de la naissance.

« Vous savez qu’une césarienne ressemble à une sortie de prison. Imaginez ce que ce sera en prison, alors que je suis enchaînée et toute seule ! »,

a écrit Anhar al-Deek dans un message adressé depuis la prison de Damon, près de Haïfa. 

“Je ne sais pas comment je serai à même de m’occuper de lui et de le protéger de leurs voix effrayantes »,

a-t-elle ajouté.

« Même si j’ai de la force, je peux toujours m’évanouir face à ce qu’ils peuvent me faire à moi ainsi qu’aux autres détenues. » 

Son avocate, Hanan al-Khatib, a expliqué dans le quotidien al-Quds al-Arabi que le docteur de la prison israélienne allait fixer la date de l’accouchement, un peu avant le 10 septembre, et que l’opération aurait lieu en dehors des normes de santé adéquates.

La famille d’Anhar Al-Deek et son avocate disent qu’elle souffre d’une sévère dépression post-partum et qu’elle était déjà sous traitement auprès d’un médecin palestinien.

En effet, Anhar Al-Deek avait déjà donné le jour à une petite fille quelques mois avant de se retrouver de nouveau enceinte.

Le docteur israélien de la prison prétend toutefois qu’Anhar al-Deek est mentalement en bonne condition.

« Il est bien connu que le médecin de la prison applique l’agenda de l’État occupant, d’autant plus que la détenue est en possession de documents attestant qu’elle était en traitement chez un psychiatre palestinien afin son dernier accouchement et avant son emprisonnement »,

a expliqué l’avocate al-Khatib dans al-Quds al-Arabi.

Les autorités israéliennes de l’occupation accusent Anhar al-Deck d’avoir tenté, en mars dernier, de poignarder une femme colon dans l’avant-poste colonial israélien de Sde Ephraim, en Cisjordanie occupée.

Elle a été accusée « de tentative aggravée d’agression et de possession d’un couteau », selon le quotidien israélien Haaretz. Mais Anhar al-Deek n’a toujours pas été jugée ou condamnée pour le moindre délit.

L’armée israélienne prétend d’Anhar al-Deek a pénétré dans la colonie et qu’elle a tenté de poignarder une femme colon. Quand elle s’est retrouvée en face d’un autre colon armé d’un fusil, prétend encore l’armée, elle a laissé choir son couteau et a été arrêtée par les forces d’occupation israéliennes.

L’avocate Hanan  Al-Khatib a expliqué à al-Quds al-Arabi que l’incident avait eu lieu au moment où sa cliente traversait une période particulièrement difficile de sa dépression post-partum, avec des « pensées particulièrement sombres » qui l’avaient poussée à s’emparer d’un couteau et à se rendre à la colonie « sans être pleinement consciente » de ce qu’elle faisait.

Mercredi, suite à un appel de la commission de l’Autorité palestinienne en faveur des prisonniers afin de relâcher Anhar al-Deek sous caution, un tribunal israélien a reporté sa décision à samedi prochain.

 

Accoucher tout en étant enchaînée

Anhar al-Deek n’est pas la seule Palestinienne à être forcée d’accoucher dans une prison israélienne. L’organisation Addameer, qui défend les droits des prisonniers, a répertorié plusieurs cas semblables.

L’organisation affirme que les femmes enceintes ne reçoivent que très peu, voire pas du tout de soins prénataux ou postnataux, pas plus qu’elles ne bénéficient d’un traitement spécial quand il s’agit de couvrir des besoins diététiques, de fournir un espace de vie ou d’assurer un transfert à l’hôpital.

Les femmes sont généralement entravées aux mains et aux pieds lors de leur transfert dans un hôpital, et on le les autorise à se mouvoir que sous surveillance.

Elles sont attachées à leur lit jusqu’au moment de l’accouchement et sont de nouveau attachées quelques minutes après que l’accouchement a eu lieu, affirme Addameer.

Certains rapports disent que les Palestiniennes restent menottées pendant toute la phase d’accouchement.

Aux États-Unis, le fait d’entraver les prisonnières qui accouchent a longtemps été une pratique commune. Mais, aujourd’hui, on la considère largement comme cruelle et inhumaine et, ces dernières années, un mouvement a voulu la faire interdire.

Après la naissance, Anhar al-Deek devra choisir : Elle pourra garder son bébé avec elle en prison pendant les deux premières années, ou envoyer son bébé en dehors de la prison. Quel que soit son choix, elle sera séparée de force de l’un de ses enfants, ou des deux, ou sa famille sera séparée du nouveau bébé.

L’avocate Al-Khatib dit que les Israéliennes donnent le jour à un bébé sont souvent libérées pour vivre en résidence surveillée.

L’avocate insiste auprès des organisations internationales des droits de l’homme et des organisations féminines afin qu’elles exercent des pressions sur Israël pour qu’Anhar al-Deek soit relâchée ou, sinon, qu’au moins un membre de sa famille soit avec elle au moment où elle accouchera.

Les autorités carcérales israéliennes sont particulièrement cruelles envers les mères palestiniennes ; à l’heure actuelle, elles en détiennent onze.

Les Services pénitentiaires israéliens ont rejeté de nombreux appels en faveur de libération temporaire de la députée palestinienne Khalida Jarrar afin qu’elle puisse assister aux funérailles de sa fille.

Suha Jarrar, 31 ans, avait été retrouvée morte le 11 juillet dans son appartement dans la ville de Ramallah, en Cisjordanie occupée.

 

Mourir en prison

La cruauté d’Israël envers ceux et celles qui naissent ou celles qui donnent naissance dans ses prisons s’étend également à ceux et celles qui y décèdent.

Israël retient actuellement les corps de sept Palestiniens morts dans ses prisons, a déclaré le 27 août l’organisation des droits humains Al Mezan, dont le siège est à Gaza.

Les Palestiniens commémorent cette date comme journée nationale en vue de réclamer les corps retenus par les autorités israéliennes et de révéler ainsi le sort des gens qui sont portés manquants.

Cette politique empêche les familles d’enterrer et de pleurer leurs êtres chers comme le veut la tradition.

En 2019, la Cour suprême israélienne a approuvé la rétention des corps des Palestiniens tués en tant que monnaie d’échange dans les négociations avec le Hamas.

La « pratique consistant à retenir les corps équivaut à une politique de punition collective », prétend Al-Haq, une organisation palestinienne des droits humains.

Le recours par Israël à la punition collective constitue une violation de l’article 33 de la Quatrième Convention de Genève et est donc un crime de guerre.

Depuis 2015, Israël retient les corps de 325 Palestiniens, dont 26 sont de Gaza, a déclaré Al Mezan.

Israël garde secrets les noms des Palestiniens morts et ne fournit même pas d’attestations d’autopsie ou de certificats de décès.

Al Mezan dit qu’il s’agit d’une violation des articles 129 et 130 de la Quatrième Convention de Genève.

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Ali Abunimah a contribué à ce reportage.


Publié le 1er septembre 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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