L’UE a participé à sept projets impliquant l’industrie nucléaire israélienne

Un accord portant sur la recherche nucléaire et unissant l’UE et Israël avait expiré en 2018,  mais il a toutefois été prolongé jusqu’en 2024.

Le QG du ministère israélien des Sciences est situé à proximité d’Ammunition Hill (la colline des Munitions) à Jérusalem-Est occupée. (Photo : Heidi Levine SIPA)

 David Cronin, 7 septembre 2021

Dans le plus grand silence, l’Union européenne a négocié un accord de coopération avec un ministère du gouvernement israélien cantonné à Jérusalem-Est occupée.

Alors que l’accord recevait un large soutien auprès de la bureaucratie bruxelloise, certains responsables ont prétendu qu’il ne pouvait être signé par une institution installée sur un territoire saisi pendant la guerre des Six-Jours, en 1967.

En 2018, le Centre commun de recherche (CCR – en anglais : Joint Research Centre ou JRC) de l’UE – qui gère tout un réseau de laboratoires – a entamé des pourparlers avec le ministère israélien des Sciences, de la Technologie et de l’Espace. L’objectif était d’en arriver à un accord qui favoriserait la collaboration dans « de multiples domaines d’intérêt commun », affirme un document interne de l’UE.

Le document (obtenu dans le cadre des réglementations gérant la liberté d’information), indique qu’un tel accord a été rédigé et mis en circulation en 2019 à l’intérieur de la Commission européenne, c’est-à-dire l’exécutif de l’UE.

La totalité des 11 départements de la Commission européenne consultés à propos de ce projet ont livré « un avis favorable », affirme le document – voir ci-dessous.

Toutefois, le service diplomatique de l’UE et les avocats à demeure ont introduit une requête « en vue de modifier la contrepartie israélienne ». Leur objection, explique le document, venait du fait que le ministère israélien des Sciences a son adresse officielle à la rue Clermont-Ganneau – près de la colline des Munitions, à Jérusalem-Est.

Faut-il féliciter ces diplomates et avocats parce qu’ils préconisent que soit opérée une distinction entre Israël et les territoires dont il s’est emparé en juin 1967 ? La réponse est brève : « Non ! »

Leurs préoccupations concernant l’emplacement d’un ministère dans une zone sous occupation militaire sont niées par leur désir général de prendre fait et cause pour Israël, l’État même qui se charge de cette occupation.

 

« Un potentiel non exploité »

De plus, il convient de souligner que les diplomates et avocats ne faisaient que s’opposer à la signature d’un contrat officiel avec le ministère des Sciences. Ils n’ont pas stipulé qu’il fallait éviter d’interagir avec le ministère.

Stephen Quest, du CCR, a confirmé que son organisation était

« toujours en contact avec le ministère des Sciences et de la Technologie, bien que la pandémie de Covid-19 et les élections en Israël entre 2019 et 2021 aient affecté la fréquence des interactions et discussions à propos des arrangements officiels ».

Répondant à une demande adressée par courriel, Quest a déclaré que le CCR avait consulté d’autres départements de la Commission européenne

« sur la forme, et non sur le contenu de la collaboration avec le ministère des Sciences et de la Technologie ».  

En 2013, le service diplomatique de l’UE avait donné le feu vert aux contacts avec le ministère des Sciences. Ce ministère est représenté au sein de l’institution israélienne qui gère l’utilisation des fonds destinés à la recherche qui proviennent de l’Union européenne.

L’UE a un nouvel ambassadeur en Israël, Dimiter Tzantchev. Peu après son arrivée à Tel-Aviv, il faisait remarquer que les liens entre l’UE et Israël étaient « déjà très solides, mais qu’ils comportaient encore un énorme potentiel inexploité ».  

Tzantchev n’a pas développé sa pensée quand je lui ai demandé d’expliquer ce qu’il entendait par « potentiel inexploité ». N’empêche que les activités du CCR donnent une idée de ce qui est envisagé.

Un autre document obtenu via une requête conforme à la liberté d’information montre que le CCR a participé à sept projets impliquant l’industrie nucléaire israélienne. À partir de 2017, le document – voir ci-dessous – dit que le centre a cherché à « poursuivre la collaboration ».

Un accord portant sur la recherche nucléaire et unissant l’UE et Israël avait expiré en 2018. Stephen Quest, du CCR, a confirmé que l’accord a toutefois été prolongé jusqu’en 2024.

Toute cette collaboration est « pacifique », s’il faut en croire les documents internes de l’UE.

Personne ne devrait se laisser mener en bateau par cette affirmation. Du fait qu’Israël a introduit des armes nucléaires au Moyen-Orient, son industrie nucléaire constitue une menace pour l’avenir de l’humanité.

En outre, du fait qu’il a refusé de signer le traité de non-prolifération des armes nucléaires, Israël n’autorise pas l’inspection internationale de ses installations nucléaires. Le technicien Mordechai Vanunu a été condamné à 18 ans d’emprisonnement pour avoir révélé, déjà en 1998, des détails sur les armes nucléaires d’Israël.  

De même qu’il est artificiel d’établir une distinction entre Israël et « l’occupation », il est artificiel d’établir une distinction entre le programme nucléaire d’Israël et ses armes nucléaires.

Le CCR s’est directement associé à la Commission israélienne de l’Énergie atomique. Celle-ci gère le complexe de Dimona, où sont assemblées les armes nucléaires d’Israël.

De plus, l’UE n’invite pas à examiner minutieusement sa coopération nucléaire avec Israël. Certains détails de ce travail ont été censurés – pour des raisons de « sécurité publique », suppose-t-on – dans les documents qui m’ont été fournis.

Il n’est pas surprenant que les bureaucrates de l’UE soient tout sauf transparents – pour le dire en termes charitables.

Une façon d’aborder le « potentiel inexploité » des liens entre l’UE et Israël serait de renforcer la collaboration avec son industrie nucléaire. Cela exciterait les ambassadeurs à Tel-Aviv mais cela horrifierait toutes les personnes soucieuses de la paix et de la justice.


Publié le 7 septembre 2021 sur The Electronic Intifada, sous le titre How EU clinched a secret deal with Israeli ministry in East Jerusalem (Comment l’UE a bricolé un accord secret avec un ministère israélien à Jérusalem-Est)

Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

Il a écrit de nombreux articles pour de nombreuses publications, dont The Guardian, The Wall Street Journal Europe, European Voice, the Inter Press Service, The Irish Times and The Sunday Tribune. En tant qu’activiste politique, il a tenté d’appliquer un état d’ “arrestation citoyenne” à Tony Blair et Avigdor Lieberman pour crimes contre l’humanité. 

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