Jénine devient un centre de résistance en Cisjordanie

Israël craint que Jénine ne devienne un modèle pour toute la Cisjordanie, du fait que des cellules de résistance ont récemment fait leur apparition à Naplouse et dans d’autres villes.

Des photos de martyrs et de prisonniers sur les murs du camp de Jénine

Ahmad Melhem, 22 mars 2022

RAMALLAH, Cisjordanie – Le gouvernorat de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie, ressemble à un cercle de feu qu’Israël tenterait d’éteindre, par crainte qu’il ne se propage à d’autres zones de la Cisjordanie, d’autant que le mois sacré du Ramadan va débuter dans les premiers jours d’avril.

L’armée israélienne a récemment intensifié ses raids sur la ville, qui est témoin d’affrontements armés déclenchés par les combattants de la résistance palestinienne.

Le 16 mars, à Jénine, des soldats israéliens arrêtaient Momen Nashti, un jeune Palestinien qui venait d’être blessé à la jambe lors d’une fusillade qui avait éclaté à ce moment. Un soldat israélien avait également été blessé dans l’accrochage.

L’armée israélienne s’est fortement appuyée sur ses unités spéciales pour procéder à des arrestations de terroristes présumés à l’intérieur de Jénine, lesquelles se sont souvent soldées par des homicides de Palestiniens.

Le 1er mars, lors d’un raid à Jénine, les forces spéciales israéliennes abattaient mortellement Abdullah al-Husari, un jeune homme faisant partie de la section locale des Brigades Al-Quds, l’aide militaire du Djihad islamique, ainsi qu’un autre jeune Palestinien, Shadi Najm.

Les deux jeunes abattus par l'armée israélienne

Les deux jeunes abattus par l’armée israélienne

Jamal Haweel, membre du Conseil révolutionnaire du Fatah et ancien prisonnier, explique à Al-Monitor :

« Jénine a un héritage de plusieurs centaines d’années de résistance, lequel s’est transmis d’une génération à la suivante. »
« La résistance, dans la ville, est devenue notre style de vie, notre culture, notre vie »,

ajoute-t-il, insistant que le fait que, depuis 2002, toutes les tentatives israéliennes et occidentales de modification de l’identité de la ville avaient échoué.

Haweel, qui a participé à la bataille de Jénine dans le camp de réfugiés au cours de la Seconde Intifada, en 2002, déclare encore :

« Les attaques quotidiennes des forces d’occupation [israéliennes] et leurs tentatives de transformer la Cisjordanie en une colonie sont la principale raison de la résistance à Jénine, qui est caractérisée par une résistance unifiée à travers tout le paysage du gouvernorat, de la ville, des camps, des factions et au sein duquel les membres du Hamas, du Djihad islamique, du Fatah et du Front populaire pour la libération de la Palestine combattent côte à côte. »

Commentant les tentatives israéliennes d’incitation contre Jénine du fait que c’est un terrain fertile pour la résistance, il ajoute :

« Nous sommes fiers de savoir qu’Israël soulève les esprits contre Jénine en raison de sa résistance, et cela prouve que cela n’a rien de facile pour l’armée israélienne qui paie le prix cher chaque fois qu’elle entre dans la ville. »

Haweel fait remarquer qu’Israël craint que Jénine ne devienne un modèle pour toute la Cisjordanie, du fait que des cellules de résistance ont récemment fait leur apparition à Naplouse et dans d’autres villes de Cisjordanie.

Le 16 décembre 2021, un colon israélien de l’avant-poste de la colonie de Homesh, près de Naplouse, était tué au cours d’un échange de coups de feu entre l’armée israélienne et des membres des Brigades Al-Quds à l’entrée de la ville de Silat al-Harithiya, dans le gouvernorat de Jénine.

La mort du colon a constitué une inquiétude majeure pour les forces sécuritaires israéliennes qui, depuis lors, ont effectué régulièrement des raids dans Jénine et dans ses environs. Cependant, chaque fois, elles ont été confrontées à des séries de coups de feu, dans le même temps que leurs check-points militaires sont régulièrement attaqués par les Palestiniens.

La ville de Silat al-Harithiya est apparue comme une nouvelle zone de résistance à Jénine. Le 7 mars, des dizaines de Palestiniens armés ont ouvert le feu sur l’armée israélienne, alors que deux soldats se faisaient écraser à l’entrée de la ville.

Le 3 mars, les médias israéliens ont rapporté qu’après une interruption de plusieurs mois, l’armée israélienne avait repris ses opérations dans le camp de Jénine en vue de retrouver des Palestiniens recherchés. Les opérations avaient été interrompues du fait que les services sécuritaires palestiniens avaient perdu le contrôle du camp. Les médias ont également mentionné que les opérations dans le camp avaient cessé suite à une requête de l’Autorité Palestinienne (AP), qui s’était engagée à traiter avec les militants du camp.

Khader Adnan, le dirigeant du Djihad islamique à Jénine, a déclaré à Al-Monitor :

« Jénine a une riche histoire de résistance et accueille des chefs militaires de toutes les factions, et c’est ce qui a inspiré les jeunes générations à leur emboîter le pas. »

Et d’ajouter :

« Plus important encore, au cours de la Première et de la Seconde Intifada, Jénine et son camp ont été un bastion du Djihad islamique, qui défend l’idéologie du combat jusqu’au dernier souffle, sans jamais se rendre. »

Adnan fait également remarquer :

« Les forces d’occupation israéliennes craignent que le modèle de Jénine ne se transmette à d’autres gouvernorats de Cisjordanie, surtout depuis qu’il est devenu un modèle d’harmonie et de coordination entre les combattants des Brigades Al-Quds, des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa [du Fatah] et des Brigades d’Izz ad-Din al-Qassam [l’aile militaire du Hamas], en dépit de l’emprise des services sécuritaires palestiniens et de la répression actuellement en cours contre les combattants de la résistance et les anciens prisonniers. »

Il ajoute

« Jénine assiste aussi à l’émergence de valeureux jeunes combattants. Jamil al-Amouri, un jeune dirigeant des Brigades Al-Quds, a été martyrisé [c’est-à-dire tué par les forces israéliennes] en juin 2021, une date de toute première importance dans l’histoire de la résistance de la ville, d’autant que, depuis, de nombreux jeunes ont été influencés par son martyre et ont rallié la voie de la résistance. »

En proie à des inquiétudes sécuritaires à propos de l’escalade des tensions en Cisjordanie et dans la bande de Gaza au cours des prochaines semaines, Israël a décidé pour la première fois en cinq ans de ne pas boucler la Cisjordanie pour les fêtes du Pourim, ce qui aurait pu imposer un surcroît de pression aux Palestiniens. Israël a également décidé de ne pas fermer Bab al-Amud (la porte de Damas) à Jérusalem à l’aide de barrières métalliques au cours du Ramadan, ce qui risquait de provoquer des confrontations avec les Jérusalémites.

Fayez Abbas, spécialiste des affaires israéliennes qui travaille à la Palestinian Broadcasting Corporation, a déclaré à Al-Monitor :

« L’establishment sécuritaire israélien perçoit la zone de Jénine – et plus particulièrement son camp – comme une zone très dangereuse, du fait de l’accroissement de l’intensité des confrontations. »

Et de faire remarquer que la principale inquiétude d’Israël est le fait que la ville est toute proche de la Ligne verte.

« Et ne parlons pas du fait qu’Israël n’a pas encore oublié ce qu’a subi son armée lors de la bataille du camp en 2002 »,

a-t-il encore dit.

Fayez Abbas faisait remarquer que les services israéliens de la sécurité et des renseignements tiennent en permanence à l’œil ce qui se passe à Jénine.

« La ville subit des raids pour ainsi dire quotidiens, par crainte de la puissance militaire croissante et de l’impact de la chose sur d’autres zones. »

« Il y a des craintes, parmi les Israéliens, de ce que les tensions croissantes de Cisjordanie ne culminent par le déclenchement d’une nouvelle intifada. Les chefs de la sécurité israélienne mettent en garde contre le danger de prendre des mesures spéciales en relation avec Jérusalem et la mosquée Al-Aqsa, ce qui pourrait embraser toutes les terres palestiniennes, et pas seulement Jénine »,

a-t-il expliqué.

Fayez Abbas a encore dit que les médias israéliens tentaient de trouver une excuse aux raids répétés de l’armée israélienne dans le camp de Jénine.

« Par conséquent, il y a eu beaucoup de rapports pour dire que l’AP avait perdu le contrôle de la situation sécuritaire de la zone et que cela expliquait pourquoi l’armée israélienne reprenait le flambeau, mais en coopération avec la direction palestinienne, ce qui n’est pas exact. »

Et de conclure :

« Deux membres des forces sécuritaires palestiniennes ont été tués au moment où les troupes israéliennes ont assassiné Jamil al-Amouri en juin 2021. Ils étaient stationnés dans leur quartier général, dans la ville. »

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Publié le 22 mars 2022 sur Al Monitor
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Lisez également : « Nous vaincrons » : L’histoire rebelle de Jénine racontée ses aînés

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