Emmanuel Macron en guerre contre les musulmans de France

Dans le cadre de son actuelle répression contre les musulmans, le ministre de l’Intérieur de Macron a ordonné en mars la fermeture pendant six mois de la mosquée Farouk à Pessac, un quartier de Bordeaux.

Ali Abunimah, 13 avril 2022

Cette semaine, des cars entiers de personnes ont effectué le trajet de 650 kilomètres entre Bordeaux et Paris.

Ils se sont rendus dans la capitale française pour se rassembler en guise de soutien de leur mosquée locale, dont le sort doit être tranché par le tribunal administratif suprême du pays, le Conseil d’État, qui tenait une audience sur la question mercredi.

 

Au cours de l’année écoulée, l’administration du président Emmanuel Macron a ordonné la fermeture de certaines mosquées et le licenciement de plusieurs imams un peu partout dans le pays – des mesures qui, toutes, se basent sur de vagues accusations comme « séparatisme » ou « incitation à la haine » contre la France et Israël.

En réalité, ces punitions collectives constituent une réponse à la façon dont des dirigeants de communauté ont exprimé des opinions qui n’ont pas du tout l’heur de plaire au gouvernement français. Elles s’inscrivent également dans un effort manifeste de Macron, en lice pour les élections de ce mois, de récolter des votes du côté des racistes.

Dans le cadre de son actuelle répression contre les musulmans, le ministre de l’Intérieur de Macron a ordonné en mars la fermeture pendant six mois de la mosquée Farouk à Pessac, un quartier de Bordeaux.

Le ministre a accusé les dirigeants de la mosquée de promouvoir un « islamisme radical » et une « idéologie salafiste » ainsi que de faire circuler des « publications haineuses sur Israël ».

Le gouvernement a également accusé la mosquée d’« accorder son soutien à des organisations terroristes ».

Sefen Guez Guez, un avocat des droits civils qui représente la mosquée, a fait remarquer que le gouvernement accusait cette dernière de « justifier le terrorisme » – ce qui constitue un délit, en France –, même si personne n’a été arrêté sur base de telles accusations.

Il a déclaré que le gouvernement recourait à des « sanctions administratives » parce qu’il ne disposait d’aucune preuve de délit.

Outre le fait de cibler les communautés musulmanes, Macron, résolument pro-israélien, a recouru à une répression similaire contre les défenseurs des droits palestiniens.

En février, il a ordonné la dissolution de deux organisations françaises de solidarité avec la Palestine.

« Une violation grave et manifestement illégale »

Des musulmans et d’autres partisans des droits civils de toute la France se sont rassemblés contre la répression particulièrement musclée de Macron.

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La mosquée Farouk, à Pessac, a défié l’administration Macron au tribunal.

Fin mars, le tribunal administratif de Bordeaux a invalidé la décision de fermeture, l’estimant disproportionnée et la qualifiant de « violation grave et manifestement illégale de la liberté de culte ».

« L’ordonnance injuste émise par l’administration a été suspendue », a déclaré Sefen Guez Guez à la suite de cette victoire.

« Les musulmans de Pessac seront à même de continuer de se rassembler en toute dignité à l’approche du mois sacré du Ramadan. »

Mais l’administration Macron est allée en appel au Conseil d’État contre la décision du tribunal de Bordeaux.

Suite à l’audience de Paris, mercredi, Sefen Guez Guez a exprimé l’espoir que le Conseil d’État allait confirmer la décision de Bordeaux. Une décision est attendue la semaine prochaine.

Punis pour avoir critiqué Israël

L’ordonnance de fermeture de la mosquée de Pessac ne s’appuie sur aucune action prétendument « terroriste » mais uniquement sur un discours que réprouve le gouvernement Macron.

Un peu plus tôt, cette semaine, Sefen Guez Guez postait sur des médias sociaux des extraits de l’ordonnance du ministère de l’Intérieur concernant la fermeture de la mosquée. Ils comprennent des captures d’écran de messages postés sur les médias sociaux par le président de la mosquée, Abdourahmane Ridouane.

 

Les justifications avancées par le gouvernement en vue de fermer la mosquée comprenaient :

-Le 27 juin 2018, Ridouane a posté sur Facebook une requête Change.org demandant la libération de Tariq Ramadan, un intellectuel suisse musulman. À l’époque, Ramadan était emprisonné dans l’attente d’un procès suite à des accusations de viol que certains considéraient comme motivées politiquement. Ramadan nie les allégations et doit encore être jugé ou condamné pour l’une ou l’autre de ces allégations.

-Le 13 août 2021, Ridouane a posté sur Facebook une vidéo émanant du réseau Al Jazeera montrant la détérioration de la situation humanitaire à Gaza. Selon le ministère de l’Intérieur, il a également demandé instamment à ses sympathisants et fidèles d’invoquer « l’aide et le soutien de Dieu pour nos frères et sœurs martyrisés dans le camp de concentration de Gaza, la frontière la plus emblématique de la guerre menée contre les musulmans par l’Occident et son cheval de Troie, l’entité sioniste d’Israël, créée sur les terres de la Palestine occupée depuis 1948 ». Selon les autorités françaises, « ces propos conspirationnistes peuvent être interprétés comme un appel à la haine contre l’Occident et contre Israël ».

-Le 15 janvier 2017, Ridouane a posté sur Facebook une annonce émanant du CRIF, la première institution communautaire juive et le principal groupe de pression pro-israélien en France, qui invitait à un rassemblement de solidarité avec Israël en face de l’ambassade d’Israël à Paris. Selon le gouvernement, Ridouane déplorait « la solidarité aveugle du CRIF avec la politique sioniste d’Israël » et déclarait qu’un tel soutien dénué de critique « importait et instrumentalisait le conflit israélo-palestinien dans les débats politiques français afin de stigmatiser les musulmans au nom d’une solidarité illusoire entre la France et Israël dans la lutte contre le terrorisme ». Ces propos, affirme le ministère de l’Intérieur de Macron, « ont un ton conspirationniste et constituent un appel à la haine envers Israël et ses partisans véritables ou supposés ».

-Le ministère de l’Intérieur citait également un message de Facebook sur la page de la mosquée, message citant la fameuse déclaration de Nelson Mandela : « Nous savons très bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens. Selon le ministère de l’Intérieur, « ces mots appliquent le parallèle fréquemment établi par les antisionistes entre le régime sud-africain d’apartheid et la situation des Palestiniens ».

Le gouvernement français a également cité des messages de Ridouane sur les médias sociaux qui critiquaient ses mesures antimusulmanes.

Le 29 septembre 2021, par exemple, Ridouane a posté sur Facebook un message critiquant la décision du Conseil d’État de maintenir la dissolution par le gouvernement du CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France), une organisation des droits civils qui se consacrait à combattre le sectarisme contre les musulmans. Ridouane qualifiait la décision d’« échec du pouvoir de la loi ».

« Cette publication témoigne implicitement de l’adhésion de Ridouane aux idées du CCIF », a prétendu le ministère de l’Intérieur.

« Une démarche choquante »

Il y a en effet une preuve d’extrémisme dans ces accusations, mais c’est l’extrémisme et l’intolérance du gouvernement français, et non de Ridouane ou de la mosquée de Pessac.

Amnesty International, par exemple, a qualifié la fermeture du CCIF de « démarche choquante de la part du gouvernement français » et a mis en garde contre le risque qu’elle « ait un effet dissuasif sur toutes les personnes et organisations engagées dans la lutte contre le racisme et la discrimination en France ».

Jusqu’à présent, le gouvernement français n’a pas entrepris de fermer Amnesty International – bien que, plus tôt cette année, Macron ait rejeté la conclusion de l’organisation de défense des droits humains disant qu’Israël commettait à l’encontre du peuple palestinien le crime contre l’humanité qu’est l’apartheid.

Cette répression extrême est appliquée dans un pays qui se targue d’être un champion de la liberté d’expression.

Macron a défendu et soutenu la diffusion d’une propagande antimusulmane haineuse sous la forme de caricatures ridiculisant le prophète Mahomet, et ce, au nom de la « liberté », de la « culture » et de la « liberté de la presse ».

Pendant ce temps, son gouvernement a adressé des protestations officielles à la Russie parce que l’ambassade de Moscou à Paris avait tweeté une caricature, aujourd’hui détruite, critiquant la politique européenne. Et tant pis pour la « liberté d’expression ».

Attaquer les musulmans pour engranger des voix

Macron est confronté à la dirigeante d’extrême droite Marine Le Pen dans le second tour des élections présidentielles qui doit avoir lieu le 24 avril.

Le président a fait 27 pour 100 au premier tout dimanche dernier, contre 23 pour 100 pour Le Pen. Le dirigeant de gauche Jean-Luc Mélenchon, troisième, a raté la deuxième place d’un cheveu, avec 22 pour 100, ce qui n’a donc pas suffi pour qu’il participe au second tour.

Gérard Darmanin, le ministre de l’Intérieur de Macron ne se cache pas pour dire que la répression du gouvernement à l’encontre les musulmans vise à gagner des voix.

En février, lors d’un débat télévisé, Darmanin avait attaqué Le Pen, lui reprochant de « de manquer de rudesse » à propos de l’Islam et d’« aller trop loin dans sa stratégie de dédiabolisation ».

Darmanin avait également accusé le parti de Le Pen, le Rassemblement National – anciennement Front National – d’avoir dit que « l’Islam n’était pas un problème ».

Le Pen, semblant surprise d’être attaquée depuis la droite, avait répondu : « Je confirme que vous ne m’entendrez pas attaquer l’Islam, qui est une religion comme n’importe quelle autre, et pour laquelle – parce que je suis profondément attachée à nos valeurs françaises – j’espère protéger la totale liberté de s’organiser et la totale liberté de culte. »

Il y a toutes les raisons de douter de la sincérité de Le Pen. Sa modération apparente n’est rien de plus qu’une tactique visant à séduire au-delà de sa base d’extrême droite traditionnelle, ce qu’elle est obligée de faire si elle veut avoir la moindre chance de battre Macron.

Mais, étant donné ses états de service, il n’y a absolument aucune raison de douter de la sincérité de l’administration Macron quand il s’agit de sa politique antimusulmane.

La sagesse conventionnelle aujourd’hui dit que les forces politiques traditionnelles françaises doivent s’unir, et même celles de la gauche doivent se boucher le nez et voter pour Macron, afin de bloquer l’extrême droite.

La réalité, toutefois, c’est qu’il importe peu de savoir qui obtiendra le plus de votes le 24 avril et qu’il importe tout aussi peu de savoir ce que le Conseil d’État décidera dans l’affaire de la mosquée de Pessac : Quoi qu’il en soit, c’est déjà l’extrême droite qui gouverne, en France.

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Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impa

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Publié le 13 avril 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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