Comment la CPI va-t-elle répondre aux menaces de Netanyahou ?

Dix organisations des droits humains cantonnées en Israël demandent instamment au procureur principal de la Cour pénale internationale (la CPI) de visiter la Palestine et d’aller de l’avant dans l’enquête ouverte l’an dernier par sa prédécesseuse après un examen préliminaire qui avait duré plusieurs années.

 

Manifestation devant la CPI à la Haye

Manifestation devant la CPI à La Haye le 29 novembre 2019

 

Maureen Clare Murphy, 29 décembre 2022

Karim Khan, le procureur en chef de la cour, a déclaré un peu plus tôt ce mois-ci qu’il avait l’intention de visiter la Palestine en 2023.

Il a exprimé cette remarque lors de l’assemblée des États parties de la cour et ce, au beau milieu de critiques disant qu’il avait fait traîner l’enquête sur la Palestine en dépit de la rapide détérioration de la situation des droits humains en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

Dans une lettre adressée à Khan, les organisations cantonnées en Israël déclarent que des crimes relevant de la juridiction du tribunal « ont été et sont toujours commis ».

Les organisations – dont Adalah, qui défend les droits des Palestiniens en Israël, et B’Tselem, qui dispose d’une énorme documentation sur les violations israéliennes – ont promis d’aider à l’enquête.

Elles ont fait remarquer qu’Israël présente « tout un palmarès dans le blocage de l’accès international » aux territoires sous son contrôle. Il a refusé l’entrée aux enquêteurs et aux membres du personnel de l’ONU ainsi qu’aux « experts internationaux et aux avocats des droits de l’homme » ou les a forcés à s’en aller, déclarent les organisations dans leur lettre adressée à Khan.

« Ce contexte confère à votre visite – et à l’octroi d’accès pour votre équipe – une plus grande importance encore », disent les organisations.

 

L’état des lieux à la CPI

Les organisations palestiniennes des droits humains ont exprimé leur frustration de ce que Khan n’a réalisé aucun progrès dans l’enquête sur la Palestine.

Khan n’a fait aucune déclaration publique dénonçant les désignations par Israël des organisations comme étant « terroristes » ainsi que les raids qui ont ciblé les bureaux des organisations palestiniennes des droits humains qui avaient soumis à la cour des dossiers de preuves au nom des victimes.

Lors de sa visite à Jérusalem en juillet, le président américain Joe Biden a affirmé que Washington œuvrerait avec Tel-Aviv pour

« combattre tous les efforts en vue de boycotter ou délégitimer Israël, de lui refuser le droit à l’autodéfense ou de le prendre déloyalement pour cible dans tout forum, y compris aux Nations unies ou à la Cour pénale internationale ».

Le Royaume-Uni, qui a désigné Khan au poste de procureur principal, s’oppose de même à l’enquête de la CPI en Palestine.

Malgré l’opposition de l’État à l’enquête, le nouveau gouvernement israélien de coalition envisage de se défendre le mieux possible contre la surveillance de la CPI.

Itamar Ben-Gvir, un député d’extrême droite au sein du nouveau gouvernement de Benjamin Netanyahou, est occupé à pousser vers l’avant une législation qui assurerait l’immunité juridique aux soldats et aux policiers pour leurs actions dans le cadre des opérations « sécuritaires ».

Selon le quotidien de Tel-Aviv, Haaretz,

« les responsables de la défense sont inquiets de ce que ce genre de démarche rendrait les soldats israéliens passibles de poursuites de la part de la Cour pénale internationale de La Haye ».


Netanyahou commet des crimes de guerre

La CPI s’incline devant les enquêtes internes d’un pays, là où elles existent, et ce, sous le principe de la complémentarité qui dit que « les États ont la première responsabilité et le droit de poursuivre les crimes internationaux ».

La prédécesseuse de Khan, Fatou Bensouda, avait déclaré fin 2019 que l’évaluation par son bureau « de la portée et de l’authenticité » des procédures domestiques israéliennes « se poursuivait toujours à ce stade ».

En se débarrassant de son mécanisme d’auto-investigation – quoiqu’il ait été méprisé par B’Tselem en tant que « feuille de vigne pour masquer l’occupation » – va graisser les engrenages de ce qui, autrement, aurait vraisemblablement été un point d’achoppement majeur pour l’enquête.

Entre-temps, il s’avère que les dirigeants israéliens se hasardent à faire intervenir la CPI en promettant de faire progresser les annexions de terre en Cisjordanie.

Une promesse similaire faite par Netanyahou durant sa campagne électorale de 2019 avait été notée non sans inquiétude par Bensouda dans sa requête devant une chambre préliminaire en vue de confirmer la juridiction territoriale en Cisjordanie et à Gaza.

Cette même année, Netanyahou avait été mis en garde par le procureur général d’Israël contre le fait qu’annexer officiellement des terres de Cisjordanie aurait été indéfendable devant la CPI et aurait rendu les chefs de l’armée, les dirigeants des colons et d’autres membres du personnel israélien vulnérables face à une enquête de La Haye.

 

 

Cette semaine, le gouvernement de Netanyahou a publié ses principes directeurs, qui commencent par « le peuple juif a un droit exclusif et indéniable sur toutes les parcelles de la terre d’Israël ».

Il y a peu d’ambiguïté au sujet de l’intention du gouvernement entrant de poursuivre la colonisation par Israël des terres palestiniennes et syriennes et de consolider son pouvoir d’apartheid dans tout le territoire sous son contrôle.

Les Palestiniens et les organisations internationales des droits humains, dont Amnesty International, ont demandé à Khan qu’il enquête sur l’apartheid israélien.

Si Khan prête l’oreille à ces appels, Netanyahou pourrait potentiellement être le premier individu jamais poursuivi par un tribunal international pour le crime d’apartheid.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 29 décembre 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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