Itamar Ben-Gvir a tout simplement banni le drapeau palestinien

Le nouveau ministre de la Sécurité nationale a interdit le déploiement des couleurs du drapeau palestinien dans les espaces publics. Il s’agit là de la toute dernière tentative israélienne en vue de gommer l’identité palestinienne.

 

 

Mariam Barghouti, 9 janvier 2023

Lundi 9 janvier, le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a interdit le déploiement du drapeau palestinien dans tous les espaces publics.

Cette décision s’inscrit dans la série récente des attaques de plus en plus nombreuses auxquelles se livre le nouveau gouvernement israélien d’extrême droite contre les Palestiniens.

Le ministre israélien a écrit sur son compte Twitter personnel qu’il

« commandait à la police israélienne d’appliquer l’interdiction d’exhiber dans la sphère publique le moindre drapeau de l’OLP permettant une identification avec une organisation terroriste, ainsi que de faire cesser toute incitation [à la violence] contre l’État d’Israël. Nous combattrons de toutes nos forces le terrorisme et l’encouragement au terrorisme ! »

Pour les Palestiniens, ce n’est que la dernière étape en date de l’application par Israël de sa Loi de l’État-nation juif, laquelle crée un cadre juridique en vue de cimenter le suprémacisme juif en Palestine.

 

Une politique d’effaçage

En juin dernier, la Knesset a fait passer avec succès un projet de loi voulant interdire le drapeau palestinien au sein des institutions financées par Israël. Le député israélien d’extrême droite, Eli Cohen, a justifié la démarche en qualifiant le drapeau palestinien de « drapeau ennemi ».

Bien que l’interdiction du drapeau palestinien n’ait rien d’une entreprise récente, la mobilisation de toute une force de police afin d’intervenir contre un acte impliquant le déploiement d’un bout de tissu n’a pas de précédent.

La dernière démarche de Ben-Gvir constitue une escalade sévère dans le recours à l’impunité israélienne en vue d’effacer toute trace visible des Palestiniens, particulièrement dans la foulée du soulèvement de l’Unité en 2021, qui avait vu la mobilisation collective des Palestiniens contre les barrières géographiques et socioculturelles imposées par les pratiques d’apartheid d’Israël.

En mars 2022, les autorités israéliennes ont officiellement lancé l’opération « Brise-lame », qui comprenait l’allocation de 180 millions de NIS (env. 52 millions de USD) à la police israélienne. 2022 a été l’année la plus meurtrière pour les Palestiniens de Cisjordanie et elle a assisté à la résistance armée et non armée la plus généralisée contre le colonialisme israélien depuis la Seconde Intifada.

La criminalisation récente des couleurs du drapeau palestinien est une continuation de cette récente offensive israélienne. Et c’est une forme d’effaçage du peuple palestinien.

« C’est de l’effaçage et une forme de criminalisation de toute manifestation de la résistance et de l’identité palestiniennes »,

a expliqué à Mondoweiss Linda Tabar, une professeure palestinienne en relations internationales à l’Université du Sussex (Grande-Bretagne).

Depuis Nazareth, Linda Tabar a réfléchi à la récente escalade en se basant sur ce que cela signifie pour les Palestiniens de citoyenneté israélienne à l’intérieur de l’État d’Israël.

« C’est en quelque sorte une tentative de négation de la vie palestinienne »,

a déclaré Linda Tabar.

« Ils nous étouffent. »

 

Un État de colons

« Il y a là un État fasciste en puissance »,

a expliqué à Mondoweiss Jalal Abu Khater, un activiste vivant à Jérusalem, en pensant à cet acte récent d’agression manifeste contre les Palestiniens émanant du nouveau gouvernement israélien.

« Et il est symbolisé par l’arrivée au pouvoir de Ben-Gvir en tant que ministre. »

Itamar Ben-Gvir, 46 ans, a effectué sa montée au pouvoir ces deux dernières années après les attaques de plus en plus intenses contre les Palestiniens du quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem, dès mai 2021, lors des assauts de la police et des colons au cours de l’opération baptisée « Gardien des murs ».

Avant cela, il n’était pas un personnage très significatif, dans le mouvement des colons, mais plutôt un visage familier au sein du système pénal israélien. Quand l’actuel ministre de la Sécurité avait 18 ans, l’armée israélienne l’avait écarté du service militaire, l’estimant trop dangereux.

Ce que disaient les déclarations de Ben-Gvir est également mis en lumière dans la référence au drapeau palestinien en tant que « drapeau de l’OLP », ce qui associe la bannière nationale palestinienne à l’Organisation de libération de la Palestine fondée en 1964 et actuellement dirigée par Mahmoud Abbas, le président de fait du régime de l’Autorité palestinienne (AP) et l’un des cofondateurs originaux du parti politique Fatah.

L’OLP est également la partenaire institutionnelle des accords d’Oslo, signés en 1993-1994 par Yitzhak Rabin et Yasser Arafat. Ben-Gvir avait volé l’emblème Cadillac de la voiture du Premier ministre Rabin quelques semaines avant que ce dernier soit assassiné lors d’un rassemblement de soutien aux accords d’Oslo.

« Dire qu’il s’agit d’un drapeau de l’OLP, c’est aussi une tentative de détruire tout ce qui rappelle Oslo. Lors de la Première Intifada, il n’était pas permis de porter un drapeau »,

a déclaré la professeure Tabar à Mondoweiss. En ce sens, Ben-Gvir préfigure un État israélien gouverné sous le pouvoir des colons.

« La loi est un instrument si coercitif dans leurs mains qu’ils l’utilisent afin de légaliser la répression et la violence, ainsi que la répression coloniale de peuplement »,

a encore expliqué Linda Tabar à Mondoweiss.

« La loi n’est qu’un outil pour les aider dans ce processus. »

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Mariam Barghouti est la principale correspondante de Mondoweiss sur la Palestine. 

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Publié le 9 janvier 2023 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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Lisez également : Si le drapeau palestinien pouvait parler, que dirait-il ?

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