L’armée israélienne tue un adolescent, puis exécute un père de famille

Lundi, des soldats ont abattu Amer Khaled Lutfi al-Khamour, 14 ans, d’une balle dans la tête dans le camp de réfugiés de Dheisheh. Le même jour, l’adolescent était déclaré mort à l’hôpital où on l’avait transporté.

Le 16 janvier, des Palestiniens endeuillés saluent une dernière fois l'adolescent Amer Khamour, 14 ans, lors de ses funérailles au camp de réfugiés de Dheisheh, près de Bethléem, en Cisjordanie. (Photo : Ahmad Tayem / APA images)

Le 16 janvier, des Palestiniens endeuillés saluent une dernière fois Amer Khamour, 14 ans, lors de ses funérailles au camp de réfugiés de Dheisheh, près de Bethléem, en Cisjordanie. (Photo : Ahmad Tayem / APA images)

 

Maureen Clare Murphy, 17 janvier 2023

Entre samedi et lundi, les forces d’occupation israéliennes ont tué quatre Palestiniens en Cisjordanie et un cinquième est mort des blessures qu’il avait subies quelques jours plus tôt.

Lundi, des soldats ont abattu Amer Khaled Lutfi al-Khamour, 14 ans, d’une balle dans la tête dans le camp de réfugiés de Dheisheh, à la périphérie de Bethléem, fait savoir Defense for Children International – Palestine. Le même jour, l’adolescent était déclaré mort à l’hôpital où on l’avait transporté.

Il est le quatrième enfant palestinien tué par les forces israéliennes depuis le début de l’année – et le deuxième enfant tué à Dheisheh. Un total de 14 Palestiniens ont déjà été tués en Cisjordanie par la police, l’armée et les colons israéliens, au cours de cette période.

L'adolescent Amer Khaled Lutfi al-Khamour

Amer Khaled Lutfi al-Khamour

Dimanche, les forces israéliennes ont tué Ahmad Hasan Kahlah, 45 ans, sous les yeux de son fils, après une altercation qui avait dégénéré en une confrontation physique à un check-point volant près du village de Silwad, dans le centre de la Cisjordanie.

Le Centre palestinien pour les droits humains (CPDH) a déclaré que la mort de Kahlah « équivaut à une exécution extrajudiciaire ».

L’organisation de défense des droits a expliqué qu’avant le début de l’altercation, certains conducteurs avaient fait entendre leur klaxon pour protester contre la mise en place d’un tout nouveau check-point israélien qui provoquait de longues files dans la circulation.

Les forces israéliennes ont lancé des grenades incapacitantes, touchant ainsi le véhicule à bord duquel voyageaient Kahlah et son fils.

Selon le CDPH, les soldats ont

« aspergé de poivre Khalah et son fils et les ont forcés à sortir du véhicule ».

Une altercation verbale a dégénéré au moment où les soldats ont agressé Khalah, « qui a essayé de s’enfuir », a ajouté le CPDH.

« Au même moment, l’un des soldats a tiré deux balles réelles à bout portant sur Kahlah, alors qu’il ne posait aucune menace pour les soldats »,

a encore ajouté le CPDH. Khalah, touché au cou, n’a plus réagi quand les soldats ont enfin permis aux infirmiers palestiniens de lui prodiguer des soins.

Les soldats ont empêché les infirmiers de venir à l’aide du fils de Kahlah, Qusai, qui était en détresse et avait inhalé du gaz lacrymogène. Qusai a été arrêté et relâché plus tard.

L‘armée israélienne a prétendu qu’Ahmad Kahlah avait tenté de poignarder des soldats à l’aide d’un couteau et de s’emparer de l’un de leurs fusils. Ces affirmations ont été démenties par les prises de vue de l’incident, selon le CPDH.

 

Cette vidéo, enregistrée par une autre personne qui tentait de franchir le check-point, montre le père Kahlah dans une altercation physique avec trois soldats qui lui cognent dessus avant d’ouvrir le feu, alors que Khalah aurait pu être maîtrisé en recourant à des moyens non létaux, a déclaré le CPDH.

Israël n’a pas confisqué le corps d’Ahmad Kahlah comme il le fait habituellement dans les cas de Palestiniens tués au cours de ce qu’Israël prétend être des agressions ou attentats.

Haaretz, le quotidien de Tel-Aviv, a rapporté que l’armée israélienne « avait par la suite modifié sa version des événements » et déclaré que

« les soldats avaient demandé à Kahlah de s’arrêter et qu’ils avaient lancé des gaz lacrymogènes quand il avait refusé d’obtempérer ».

« Après avoir refusé de sortir de son véhicule, a déclaré l’armée, il s’en est suivi une confrontation et il a tenté de s’emparer de l’arme d’un soldat, après quoi il a été abattu »,

a ajouté Haaretz.

Ziad Kahlah, le frère d’Ahmad, a rejeté les allégations de l’armée israélienne et a déclaré qu’Ahmad, père de quatre enfants, était un entrepreneur en électricité qui allait faire des courses avec son fils au moment où il a été tué.

« Toute personne qui s’apprête à commettre une agression ne va pas le faire en compagnie de son fils »,

a déclaré Ziad, selon Haaretz.

« Si on ne nous croit pas, le fait est que son fils a été relâché peu de temps après. Il est facile d’accuser un Palestinien d’être un terroriste, puis de l’abattre de sang-froid », a ajouté Ziad.

Des organes de presse palestiniens ont publié après sa mort une photo de famille d’Ahmad Kahlah et de ses enfants :

 

 

La veille, les forces israéliennes avaient tué deux Palestiniens – Izzedine Bassem Hamamreh, 24 ans, et Amjad Adnan Khaliliyeh, 23 ans – au cours d’un prétendu échange de coups de feu près de Jaba, un village au sud de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie.

Le Djihad islamique, une faction de la résistance armée palestinienne, a affirmé que les deux hommes faisaient partie de ses membres.

Des Palestiniens examinent la voiture criblée de balles dans laquelle deux jeunes Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes à Jaba, près de Jénine, le 14 janvier. (Photo : Wajed Nobani / APA images)

Des Palestiniens examinent la voiture criblée de balles dans laquelle deux jeunes Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes à Jaba, près de Jénine, le 14 janvier. (Photo : Wajed Nobani / APA images)

 

Le même jour, Yazan al-Jaabari, 19 ans, est mort de ses blessures après avoir été abattu au cours d’un raid militaire israélien à Kafr Dan, également près de Jénine. Deux autres Palestiniens, dont l’un de 17 ans, avaient déjà été tués au cours d’une démolition punitive de maison au même endroit, le 2 janvier.

On ne peut que garantir de nouveaux bains de sang avec la désignation d’Israéliens d’extrême droite pour représenter les éléments les plus dangereux de l’État colonial dans des rôles ministériels au pouvoir.

Itamar Ben-Gvir, chef du parti d’extrême droite Force juive qui fait partie du nouveau gouvernement de coalition de Benjamin Netanyahou, fait progresser des réglementations d’engagement (déterminant quand les troupes peuvent ouvrir le feu en cas de heurts, NdT) encore plus laxistes.

Ben-Gvir pousse en avant une législation qui accorderait l’immunité juridique aux soldats et aux policiers pour leurs actes commis au cours d’opérations « sécuritaires ».

Cela « codifierait la politique d’impunité quasi-totale d’Israël pour ses forces armées dans des affaires impliquant des Palestiniens,” estime Adalah, une organisation de défense des droits humains.

Malgré l’absence quasi absolue de responsabilisation dans les homicides de Palestiniens des mains des forces israéliennes, le Royaume-Uni a demandé « aux autorités israéliennes de mener une enquête diligente et transparente », suite à la mort d’Amer al-Khamour lundi.

 

 

L’appel du Royaume-Uni équivaut à un soutien du statu quo d’impunité totale.

L’an dernier, cette situation s’est traduite par le décès direct de plus de 200 Palestiniens des mains de l’armée, de la police et des colons israéliens en Cisjordanie, à Gaza et à l’intérieur même d’Israël ou par leur décès des suites des blessures encourues au cours des années précédentes, selon des vérifications effectuées par The Electronic Intifada.

Francesca Albanese, la rapporteuse spéciale de l’ONU pour la Cisjordanie et la bande de Gaza, a déclaré lundi que « les pertes de vie sont sans répit ».

« Une présence protectrice est d’une nécessité critique et inévitable »,

a-t-elle ajouté.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 17 janvier 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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