L’interdiction de mariage en Israël est trop raciste, même pour l’Afrique du Sud de l’apartheid

C’est précisément la ruse faisant croire que des mesures comme la loi raciste sur le mariage sont « temporaires » – même après vingt ans – ou comme précisément la notion de ce que l’occupation par Israël de la Cisjordanie et de la bande de Gaza est « temporaire » même après 55 ans, qui permet aux sionistes libéraux de prétendre qu’Israël est tout autre chose que ce qu’il est en fait : un régime grotesque d’apartheid colonial de peuplement qui pratique la pire forme de racisme et de discrimination qui soit connue de l’humanité.

 

Les restrictions israéliennes sur le mariage rappellent les lois contre le mélange des races qui existaient aux États-Unis et dans l’Afrique du Sud de l’apartheid

Les restrictions israéliennes sur le mariage rappellent les lois contre le mélange des races qui existaient aux États-Unis et dans l’Afrique du Sud de l’apartheid.(Photo : John T. Bledsoe / Bibliothèque du Congrès)


Ali Abunimah
, 10 mars 2023

Israël est un pays où les gens « peuvent être assurés de ne pas être poursuivis ni être victimes de discriminations en raison de ce qu’ils croient ou de qui ils aiment », affirme l’ancien maire de New York, Michael Bloomberg.

En écrivant dans The New York Times du 5 mars, le milliardaire suggère en fait – en ligne avec l’habituelle propagande de blanchiment – que la reconnaissance par Israël des mariages du même sexe en fait un exemple de respect des droits individuels.

En tant que telle, met en garde Bloomberg, l’éclatante démocratie israélienne a besoin d’être défendue contre les réformes juridiques proposées par le Premier ministre Benjamin Netanyahou.

Ces propositions incitent depuis des semaines des milliers d’Israéliens à protester dans les rues contre ce qu’ils sont nombreux à qualifier de coup d’État judiciaire.

Comme d’autres sionistes libéraux, Bloomberg craint que les changements n’aillent dépouiller la justice israélienne de sa prétendue indépendance éclairée et initier un combat capital qui pourrait mettre en danger la position supposée du pays en tant que « nation start-up » sur le plan technologique.

Bloomberg brosse le tableau d’un Israël bâti sur les « valeurs partagées » de la liberté, de l’égalité et de la démocratie, toutes « soutenues par un engagement envers le pouvoir de la loi ».

Mais, comme dans une bonne partie du reste de l’article de Bloomberg, l’Israël de son imagination est totalement méconnaissable pour toute personne n’ayant ne fût-ce qu’un contact ténu avec la réalité.

Vous ne pouvez pas épouser comme cela vous chante la personne que vous voulez

En fait, Israël ne permet pas le mariage entre personnes du même sexe, bien qu’il reconnaisse de tels mariages s’ils ont été validés à l’étranger.

Israël ne permet même pas les mariages entre un homme et une femme sauf si tous deux sont de la même religion. Les mariages mixtes sont interdits et il n’y a pas d’option de mariage civil, bien qu’Israël, une fois encore, ne reconnaisse de tels mariages que s’ils ont été validés dans un autre pays.

Mais les poursuites et discriminations de l’État juif contre les gens en s’appuyant sur leurs croyances et sur l’objet de leur amour ne s’arrêtent pas là.

En 2003, Israël a adopté une loi interdisant aux citoyen·ne·s israélien·ne·s qui épousent des Palestinien·ne·s de Cisjordanie occupée ou de la bande de Gaza, ou des nationaux de divers autres États régionaux, de vivre avec leur conjoint·e en Israël.

La « mesure d’urgence » a été renouvelée chaque année – excepté en 2021 – lorsqu’elle est tombée victime des efforts de Netanyahou en vue de discréditer la coalition qui l’avait exclu du poste de Premier ministre pendant un bref laps de temps.

Mais, en mars 2022, les racistes juifs israéliens ont été à même de se rassembler par-delà les lignes des partis afin de renouveler la législation.

Bien qu’ils l’aient nominalement justifiée comme une mesure de « sécurité », les dirigeants israéliens n’ont jamais hésité d’admettre le but réel de cette loi : empêcher la croissance de la population palestinienne à l’intérieur d’Israël.

En effet, l’an dernier, ils ont laissé tomber cette volonté de « sécurité » et introduit une clause confirmant que le but de la loi était d’« établir des restrictions sur la citoyenneté et la résidence » prenant en considération « le fait qu’Israël est un État juif et démocratique ».

Toutes les restrictions sévères d’Israël à propos de qui peut épouser qui visent à assurer une suprématie juive sur les plans démographique et politique.

En tant que telles et même si elles diffèrent dans les détails, les mesures d’Israël sont très en ligne avec la Loi d’interdiction des mariages mixtes qui existait dans l’Afrique du Sud de l’apartheid, ou avec les interdictions des mariages interraciaux qui existaient dans certains États américains jusqu’au moment où elles ont été levées par la Cour suprême en 1967.

Et, parce qu’elles cherchent à assurer la domination d’un groupe racial sur un autre, ces restrictions font partie de la façon dont Israël perpètre ce crime internationalement reconnu qu’est l’apartheid.

 

Le ciblage des Palestiniens

La loi de 2003 a renforcé les restrictions déjà existantes concernant les Juifs (Juives) et Palestinien·ne·s israélien·ne·s s’épousant entre eux (elles), mais sa principale cible a toujours été les citoyen·ne·s palestinien·ne·s d’Israël qui, le plus souvent, épousent des Palestinien·ne·s de Cisjordanie ou de Gaza en raison d’étroits liens familiaux et communautaires.

Selon la perspective sioniste, la loi empêche non seulement un plus grand nombre de Palestiniens de venir en Israël, mais elle présente l’avantage supplémentaire de forcer les deux millions de Palestiniens qui disposent de la citoyenneté ou de la résidence israélienne de quitter le pays s’ils veulent se marier et créer une famille avec la personne qu’ils aiment.

« Cette mesure extrêmement raciste pratiquée contre les Palestiniens depuis plus de 20 ans, n’aurait même pas été adoptée dans l’Afrique du Sud de l’apartheid »,

a déclaré Adalah, une organisation qui imagine et crée des contestations juridiques de la loi, après que la Knesset l’a renouvelée une fois de plus le 5 mars dernier.

« Cette loi n’est pas rien qu’une autre des innombrables formes de discrimination appliquées par Israël contre les Palestiniens ; elle constitue également une violation des droits humains les plus fondamentaux et un empiètement sur l’espace le plus intime de l’unité familiale »,

a ajouté l’organisation.

Adalah fait remarquer que

« même la Cour suprême de l’Afrique du Sud a rejeté des mesures similaires durant l’apartheid ».

Je n’ai pas vraiment été très surpris de ne découvrir virtuellement aucune confirmation de cette dernière réaffirmation de l’apartheid israélien et encore moins de critique au niveau international.

Adalah, qui défend les droits des Palestiniens en Israël, puise son inspiration dans la bataille menée avec succès depuis des décennies par les activistes, avocats et gens ordinaires d’Afrique du Sud contre les lois du mariage racistes de ce pays.

En décembre, la Cour suprême israélienne a entendu des requêtes contre la loi de 2003. La cour, qui finit presque toujours par conférer une couverture de « légalité » aux pratiques le plus racistes et les plus violentes d’Israël contre les Palestiniens, doit encore statuer.

Mais, étant donné son histoire, il y a peu de raison d’espérer – que les réformes de Netanyahou soient adoptées ou pas.

Quant à Michael Bloomberg, il nous rappelle que, tout au long de sa vie publique, il a « fermement soutenu Israël » et « n’a jamais été impliqué dans sa politique domestique ni n’a critiqué les initiatives de son gouvernement ».

Il se vante que, alors qu’Israël bombardait Gaza au cours de l’été 2014, tuant en moyenne 11 enfants palestiniens par jour pendant 51 jours, il avait sauté à bord d’un avion pour Tel-Aviv afin d’aller prouver son soutien inconditionnel.


Des Palestiniens invisibles

Aujourd’hui, toutefois, avec les réformes proposées par Netanyahou qui menacent les droits dont bénéficient les juifs mais qui ont toujours été refusés aux Palestiniens, Bloomberg déclare :

« Mon amour pour Israël, mon respect pour son peuple et ma préoccupation quant à son avenir me poussent désormais à m’exprimer contre l’actuelle tentative de son gouvernement en vue d’abolir effectivement l’indépendance du système judiciaire de la nation. »

En attendant, son article tout entier contient une référence plutôt désinvolte aux Palestiniens et prétend qu’Israël existe « dans l’un des voisinages les plus dangereux du monde » – une notation raciste qui évoque directement le nombre d’Américains blancs qui attisent la crainte à ce propos et justifient ainsi les violences policières envahissantes dans les zones urbaines à prédominance noire.

Cela dit, à l’instar exactement d’autres éminents partisans juifs américains d’Israël qui s’expriment aujourd’hui en défense de la supposée démocratie israélienne, Bloomberg connaît à coup sûr l’horrible réalité à laquelle les Palestiniens sont soumis – même s’ils ne veulent pas l’admettre.

C’est précisément la ruse faisant croire que des mesures comme la loi raciste sur le mariage sont « temporaires » – même après vingt ans – ou comme précisément la notion de ce que l’occupation par Israël de la Cisjordanie et de la bande de Gaza est « temporaire » même après 55 ans, qui permet aux sionistes libéraux de prétendre qu’Israël est tout autre chose que ce qu’il est en fait : un régime grotesque d’apartheid colonial de peuplement qui pratique la pire forme de racisme et de discrimination qui soit connue de l’humanité.

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Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

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Publié le 10 mars 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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