Smotrich dévoile la face génocidaire réelle d’Israël

Dimanche dernier, à Paris, Bezalel Smotrich, le ministre des Finances d’ultra-extrême droite d’Israël, a déclaré que les Palestiniens n’existaient pas.

 

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et son ministre des Finances Bezalel Smotrich

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et son ministre des Finances Bezalel Smotrich, lors d’une conférence de presse à Jérusalem, le 25 janvier. L’affirmation de Smotrich selon laquelle les Palestiniens n’existent pas est en phase avec l’idéologie génocidaire qu’est le sionisme depuis très longtemps. (Photo : Ronen Zvulun / UPI) 

 

Ali Abunimah, 20 mars 2023

« Les Palestiniens, cela n’existe pas, parce qu’il n’existe tout simplement pas de peuple palestinien », µa dit Smotrich.

Ses remarques ont été « accueillies par les applaudissements et les vivats des personnes présentes », a fait remarquer The Times of Israel et a-t-on également pu voir sur des vidéos de l’événement.

Smotrich est encore allé plus loin, en déclarant qu’il était – lui, un colon en Cisjordanie – un « véritable » Palestinien.

 

Accroché à l’estrade de Smotrich, un drapeau montrait la totalité de la Palestine historique, avec la Jordanie et des parties du Liban et de la Syrie, comme si le tout appartenait à l’État sioniste – affichant ainsi le désir d’une expansion territoriale plus grande encore que celle exprimée récemment aussi par d’autres hauts responsables israéliens.

 

Cette affirmation selon laquelle les Palestiniens n’existent pas ou sont un « peuple inventé » est très répandue parmi les sionistes.

En 2014, Sheldon Adelson, le donateur milliardaire des causes antipalestiniennes et du parti républicain, décédé entre-temps, avait déclaré de même que les Palestiniens étaient « un peuple inventé ».

« Le but de l’existence des Palestiniens est de détruire Israël », avait ajouté Adelson.

Deux ans plus tard, Brooke Goldstein, un remuant lobbyiste pro-israélien aux États-Unis, avait affirmé qu’« un individu palestinien, cela n’existe pas ».

Mais peut-être l’exemple le plus connu est-il celui de la Première ministre israélienne Golda Meir, qui avait déclaré en 1969 : « Les Palestiniens, cela n’existe pas ! »

Meir était une solide personnalité de l’establishment du parti travailliste israélien, prétendument de gauche.

Ces tout récents commentaires de Smotrich ont eu lieu quelques semaines à peine après qu’il avait déclaré que la ville palestinienne de Huwwara devrait être « balayée de la carte » par l’État d’Israël.

Aucun doute ne devrait être permis sur le fait que Smotrich pense vraiment ce qu’il dit et que, si on lui en donne l’occasion, lui et le mouvement politique ascendant qu’il représente passeraient effectivement à l’acte.

Aucun doute ne devrait non plus être permis sur le fait que ce dont Smotrich parle et ce à quoi il incite est bel et bien le génocide du peuple palestinien.

Et les remarques de Smotrich ne sont certainement pas des débordements mal maîtrisés : ils reflètent une réflexion profonde et minutieuse ainsi qu’une idéologie bien cohérente.

 

Les valeurs des SS allemands

En 2017, Smotrich élaborait un plan en vue de forcer les Palestiniens à quitter leur patrie et de reprendre toute leur terre une fois pour toutes.

À l’époque, Daniel Blatman, un professeur en études sur l’Holocauste à l’Université hébraïque, écrivit que Smotrich avait puisé l’inspiration de son plan dans le livre biblique de Josué, qui décrit le massacre intégral d’un peuple par les « enfants d’Israël ».

Blatman disait de Smotrich, à l’époque vice-président de la Knesset, qu’il était

« la plus importante personnalité gouvernementale à ce jour à affirmer sans aucune honte que l’option du génocide était sur la table, au cas où les Palestiniens ne seraient pas d’accord avec nos conditions ».

Selon le plan de Smotrich, les Palestiniens devraient se soumettre à la suprématie juive totale, ou être expulsés.

Aujourd’hui, Smotrich contrôle non seulement le ministère des Finances, mais il a reçu des pouvoirs spéciaux sur ce qu’on appelle l’administration civile, c’est-à-dire la bureaucratie de l’occupation militaire israélienne qui gère les existences de millions de Palestiniens – des gens dont Smotrich croit qu’ils n’existent pas.

« L’admiration de Smotrich pour le génocidaire biblique Josué, fils de Noun, le pousse à adopter des valeurs qui ressemblent à celles des SS allemands »,

avait ajouté Blatman, un ancien chercheur du Musée commémoratif de l’Holocauste, aux États-Unis.

Il conviendrait de mettre l’accent sur le fait que, même à l’époque, le Premier ministre Benjamin Netanyahou était déjà disposé à donner son approbation tacite aux idées de Smotrich.

« J’ai été heureux d’apprendre que, lors de la conférence, vous vous consacrez aux discussions concernant l’avenir de la Terre d’Israël »,

avait dit Netanyahou dans un message enregistré, diffusé lors du rassemblement où Smotrich avait exposé son plan génocidaire.

« Jusqu’il n’y a pas si longtemps, ce pays était encore désert et abandonné mais, depuis que nous sommes revenus à Sion, après des générations d’exil, la Terre d’Israël s’épanouit »,

avait affirmé Netanyahou.


Le blanchiment libéral

Les sionistes libéraux ont déjà consenti d’intenses efforts pour qualifier les semblables de Smotrich et du ministre de la sécurité nationale d’Israël, le kahaniste Itamar Ben-Gvir, d’aberrations qui, en quelque sorte, ne sont pas réellement représentatives d’Israël et du sionisme.

Nous pouvons nous attendre à ce que ces efforts de blanchiment s’intensifient.

Mais aucun doute ne devrait subsister : Smotrich exprime tout simplement l’idéologie et la politique fondamentales d’Israël.

En 2004, le journal libéral israélien Haaretz avait interviewé Benny Morris, l’un des « nouveaux historiens » israéliens qui, dans les années 1980, avaient utilisé des sources sionistes pour valider des comptes rendus palestiniens de la Nakba – le nettoyage ethnique systématique de la Palestine en 1948, pendant lequel les milices sionistes avaient perpétré des viols, des assassinats arbitraires et des dizaines de massacres.

Morris avait expliqué que David Ben-Gourion, le Premier ministre fondateur d’Israël – à l’instar de Meir, un pilier du parti travailliste de gauche et nominalement laïque – avait dirigé en personne le « transfert » délibéré des Palestiniens d’une grande partie de leur patrie.

« Ben-Gourion était un transfériste »,

avait expliqué Morris.

« Il comprenait qu’il n’aurait pu y avoir d’État juif avec une importante minorité arabe hostile en son sein. Il ne pouvait y avoir d’État de ce genre. Il n’aurait pas été à même d’exister. »

« Je n’entends pas que vous le condamnez », avait dit à Morris l’interviewer de Haaretz.

« Ben-Gourion avait raison »,

avait répondu Morris.

« S’il n’avait pas fait ce qu’il a fait, jamais un État ne serait né. Cela doit être clair. Il est impossible d’échapper à cela. Sans le déracinement des Palestiniens, un État juif ne serait jamais né ici. »

Mais, pour Morris, l’erreur de Ben-Gourion est qu’il n’a pas poussé assez loin le nettoyage ethnique.

« Si seulement il [Ben-Gourion] s’était déjà engagé dans l’expulsion, peut-être aurait-il achevé complètement le boulot »,

avait affirmé Morris.

« Je sais que cela stupéfie les Arabes et les libéraux ainsi que les gens politiquement corrects »,

avait dit Morris.

« Mais mon sentiment est que cet endroit serait plus calme et connaîtrait moins de souffrance si la question avait été résolue une fois pour toutes, si Ben-Gourion avait organisé une expulsion à grande échelle et nettoyé tout le pays – la Terre d’Israël dans sa totalité, jusqu’au Jourdain. »

« Il pourrait se faire que ç’ait été son erreur fatale »,

avait ajouté Morris.

« S’il avait opéré une expulsion totale – plutôt qu’une expulsion partielle – il aurait stabilisé l’État d’Israël pour des générations. »

Personne, parmi les gens qui se disent sionistes, que ce soit de « gauche » ou d’extrême droite, ne peut être en désaccord fondamental avec Morris.

C’est pourquoi personne, parmi les gens qui se disent sionistes, ne soutient le droit au retour pour les réfugiés palestiniens.

C’est pourquoi les sionistes, même de la variété « libérale », s’inquiètent en permanence de la « menace démographique » que représentent les naissances de bébés palestiniens.

 

C’est un génocide

Et si aucun sioniste ne peut fondamentalement être en désaccord avec Morris, il ne peut vraiment pas être en désaccord avec Smotrich non plus.

En effet, en 2021, Smotrich lui-même s’est fait l’écho presque mot pour mot de Morris quand, cette même année 2021, il a hurlé à l’adresse de députés palestiniens de la Knesset que

« c’est une erreur que Ben-Gourion n’ait pas terminé le boulot et qu’il ne vous ait pas jetés dehors en 1948 ».

On peut feindre l’indignation et le dégoût à entendre le langage de Smotrich, mais toute personne qui croit qu’Israël doit rester un « État juif » avec une majorité juive doit au moins appuyer le nettoyage ethnique des Palestiniens qu’Israël a perpétré jusqu’à ce jour, qu’elle soutienne ou pas les expulsions à grande échelle dans le futur.

En effet, la position du groupe (dont le nombre est en baisse) constitué par les « libéraux » israéliens et autres supporters de la prétendue solution à deux États, peut se résumer comme suit : Nous soutenons tout le nettoyage ethnique et le vol de terre qu’Israël a déjà réalisés mais nous estimons que les futures expulsions et vols de terre devraient être limités – mais, quant à savoir dans quelles proportions, voilà qui est ouvert à un débat.

Alors que la position de Smotrich et consorts est celle-ci : Nous, tout, comme vous, soutenons tout le nettoyage ethnique et vol de terre à ce jour, mais nous pensons qu’il faut qu’il y ait bien plus encore.

Moralement et pratiquement, il n’y a pas de différence parce que les deux positions condamnent des millions de Palestiniens à vivre sous le pouvoir suprémaciste et l’apartheid brutaux des juifs ou à s’exiler de leur patrie uniquement et exclusivement du fait qu’ils ne sont pas juifs.

Associés aux allégations fréquentes prétendant que les Palestiniens n’existent pas et n’ont jamais existé comme peuple, les expulsions et les massacres perpétrés par Israël transcendent le crime assez horrifiant du nettoyage ethnique et entrent dans le domaine du génocide : l’oblitération complète des Palestiniens en tant que peuple.

Ici aussi, la position de Smotrich selon laquelle les Palestiniens n’ont pas d’existence et partant pas de droits non plus n’est pas une aberration mais un reflet du consensus israélien.

Rappelons qu’en 2018, Israël a adopté sa fameuse Loi de l’État-Nation, un instrument constitutionnel déclarant que

« le droit à exercer l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est unique au peuple juif »,

ce qui refuse par conséquent aux Palestiniens le moindre droit national ou la moindre existence.

Et quand le nouveau gouvernement de coalition de Benjamin Netanyahou est entré en fonction en décembre, il a déclaré comme tout premier principe de gouvernance que

« le peuple juif a un droit exclusif et indiscutable sur toutes les étendues de la terre d’Israël ».


Israël retourne à ses racines

On dit souvent, et cela se comprend, que l’actuel gouvernement israélien est le plus ouvertement raciste et à droite de l’histoire.

Cela peut être vrai en termes de rhétorique, mais il n’y a pas de différence pratique entre le fondateur « socialiste » laïque d’Israël David Ben-Gourion et un sioniste religieux fanatiquement à droite comme Smotrich.

Mais après avoir, des décennies durant, réprimé la touche « smotrichienne » d’un langage ouvertement génocidaire et avoir préféré présenter un visage « libéral » et « démocratique », pourquoi les Israéliens l’adoptent-ils, désormais ?

C’est parce que le « problème démographique » d’Israël – l’existence d’un « trop grand nombre » de Palestiniens vivant et respirant sur leur propre sol – devient urgent.

Maintenant que les juifs sont devenus une fois de plus une minorité entre le Jourdain et la Méditerranée, bien des Israéliens voient clairement qu’ils n’ont pas d’autre choix que de retourner pleinement vers les racines génocidaires de leur pays.

C’est pourquoi le fait de frapper Smotrich d’ostracisme – comme l’ont fait les hauts responsables français en refusant de le rencontrer lors de son passage dans leur pays – est insuffisant et trompeur, pour la simple raison qu’il désigne à tort un « extrémiste » comme étant le problème.

Le problème, c’est le sionisme même et le cauchemar colonial de peuplement et génocidaire en cours qu’il a déchaîné sur les Palestiniens et sur leur terre.

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Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

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Publié le 20 mars 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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