Israël bombarde Gaza après les tirs de roquettes venus du Liban

Les plus de 30 roquettes tirées depuis le Liban – suivies un peu plus tard de tirs de mortier qui n’ont provoqué ni blessures ni dégâts – étaient une réponse aux agressions israéliennes, deux nuits d’affilée, contre les fidèles de la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem.

 

Shlomi, une ville du nord d’Israël. Des badauds examinent les dégâts infligés à une banque après qu’elle a été frappée par une roquette interceptée, lancée à partir du Liban.

Shlomi, une ville du nord d’Israël. Des badauds examinent les dégâts infligés à une banque après qu’elle a été frappée par une roquette interceptée, lancée à partir du Liban. (Photo : Ilia Yefimovich / DPA)

 

Maureen Clare Murphy, 6 avril 2023 

Israël a bombardé Gaza jeudi dans la nuit, après que des factions de la résistance avaient déclaré qu’elles étaient bien décidées à défendre le peuple palestinien et ses sites sacrés contre « toute agression ».

Plus tôt dans la journée, les dirigeants israéliens avaient réclamé un recours disproportionné à la force afin de riposter au plus important tir de barrage de roquettes à partir du Liban depuis la confrontation militaire majeure qui avait duré plusieurs semaines en 2006.

Les plus de 30 roquettes tirées depuis le Liban – suivies un peu plus tard de tirs de mortier qui n’ont provoqué ni blessures ni dégâts – étaient une réponse aux agressions israéliennes, deux nuits d’affilée, contre les fidèles de la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem. Rappelons aussi que, cette année, le Ramadan et les fêtes de la Pâque juive tombaient en même temps.

Un porte-parole de l’armée israélienne a déclaré que les factions palestiniennes, et particulièrement le Hamas, étaient considérées comme responsables des tirs de roquettes qui ont provoqué des dégâts à des bâtiments et des blessures ne présentant toutefois aucun danger de mort.

 

Aucune organisation n’a revendiqué la responsabilité des tirs de roquettes et d’obus de mortier.

La décision d’Israël d’accuser très vite le Hamas peut avoir été un effort en vue de se sauver la face et de faire porter le chapeau à un adversaire que Tel-Aviv considère comme moins formidable que la puissante organisation de résistance libanaise du Hezbollah, qui avait humilié l’armée israélienne en 2006.

Si Israël en avait blâmé le Hezballah, il se serait placé de lui-même dans une position l’obligeant à exercer des représailles et à déclencher peut-être de la sorte une guerre susceptible de résulter en destructions sans précédent au sein même d’Israël – étant donné l’important arsenal de missiles sophistiqués et de drones dont dispose le Hezbollah.

 

Les dirigeants libanais ont mis en garde contre l’escalade israélienne à la frontière et ont insisté sur l’engagement de Beyrouth vis-à-vis de la Résolution 1701 des Nation unies, qui interdit aux organisations militantes non étatiques d’opérer dans le pays, et sur son intention de maintenir la stabilité, ont rapporté les médias libanais.

L’armée libanaise a déclaré que des efforts étaient en cours en vue de démanteler les lanceurs de missiles et les roquettes dans le voisinage de l’endroit où les projectiles ont été lancés.

Le commandant de l’UNIFIL, la force de maintien de la paix dans le Sud-Liban, a expliqué que « la situation actuelle est extrêmement grave » et il a instamment insisté « pour que soit empêchée toute escalade ».

Danny Danon, un député israélien du parti du Likoud du Premier ministre Benjamin Netanyahou, a réclamé une riposte disproportionnée, même si cela doit déclencher une guerre régionale.

« Nous n’avons pas besoin d’encaisser [ces roquettes] », a-t-il déclaré sur Channel 12, une chaîne israélienne. « Nous devons riposter dans un langage que nos ennemis comprennent, celui de la force. »

« Nous devrions ébranler ces organisations terroristes », a ajouté Danon. « À quoi préparons-nous [l’armée israélienne], si nous ne réagissons pas quand des douzaines de roquettes sont lancées contre le territoire israélien ? »

Le recours disproportionné à la force contre des civils est une priorité de la stratégie militaire israélienne visant à dresser la population civile ciblée contre la résistance armée.

Cette stratégie – la « doctrine Dahiya » – a été ainsi nommée d’après le quartier de Beyrouth lourdement bombardé par Israël en juillet et août 2006.

Israël n’est pas parvenu à concrétiser ses objectifs ni au Liban ni à Gaza, où la résistance n’a fait qu’accroître sa capacité, en dépit des offensives répétées faisant des milliers de morts.

 

 

La plupart des quelque 900 victimes civiles de l’offensive de 2006 au Liban ont été le fait de « frappes aériennes israéliennes sans discernement », estime Human Rights Watch.

 

Les EU bloquent la déclaration du Conseil de sécurité

Jeudi, le département d’État américain a déclaré : « Notre engagement envers la sécurité d’Israël est cuirassé » et il a condamné les tirs de roquettes en provenance du Liban et de Gaza.

Citant un haut responsable israélien, The Times of Israel a rapporté que

« l’administration Biden avait empêché le Conseil de sécurité de l’ONU de sortir une déclaration à propos de la dernière recrudescence de la violence entre Israéliens et Palestiniens ».

Tant le secrétaire général de l’ONU que son envoyé au Moyen-Orient ont condamné les tirs de roquettes et ont réclamé la désescalade.

Avant cela, les deux responsables avaient exprimé leur désapprobation au vu de la police israélienne rouant de coups les fidèles à la mosquée Al-Aqsa – sans toutefois condamner explicitement l’attaque israélienne contre le lieu saint.

Francesca Albanese, une rapporteuse spéciale indépendante de l’ONU sur les droits humains en Cisjordanie et à Gaza, a déploré les actions « irresponsables et illégales » d’Israël concernant le lieu saint.

« Le désir bien connu des colons israéliens soit de détruire la mosquée soit de transformer le site en tout ou en partie en une synagogue, comme ç’a été le cas de la mosquée Ibrahimi à Hébron, est une source d’anxiété profonde parmi les Palestiniens »,

a-t-elle dit.

Faisant remarquer qu’aussi bien le existences des Palestiniens que celles des Israéliens étaient en danger, Albanese a déclaré :

« Je suis alarmée par l’escalade de la violence, particulièrement en raison du surcroît de destruction qu’elle va engendrer pour les Palestiniens de Gaza, qui sont piégés par un siège inéluctable depuis 2007. »

Albanese est l’une des près de trois douzaines d’experts de l’ONU qui, récemment encore, ont rappelé à Karim Khan, le procureur principal de la Cour pénale internationale (CPI), leur « inquiétude à propos de l’impunité systématique et de la situation de plus en plus scabreuse des droits humains » en Cisjordanie et à Gaza.

Les experts ont dit que « bien des violations nouvelles, équivalant sans doute à des crimes de guerre et à des crimes contre l’humanité, ont été commises », depuis que la CPI a ouvert une enquête en Palestine en mars 2021, sous la prédécesseuse de Khan, Fatou Bensouda.

Les experts ont demandé davantage de ressources pour l’enquête sur la Palestine, qui semble avoir été mise en veilleuse par Khan qui, au contraire de Bensouda, n’a fait aucune déclaration en vue de dissuader Israël de commettre des crimes de guerre.

 

Depuis le début de cette année, un total de 94 Palestiniens, dont 17 enfants, ont été tués par les soldats, la police et des civils armés israéliens, ou sont morts de blessures reçues précédemment.

Il y a donc eu trois fois plus de victimes palestiniennes des Israéliens au cours du premier trimestre de 2023 qu’il n’y en a eu durant la même période l’an dernier.

Depuis le début de l’année, seize Israéliens ou ressortissants étrangers ont été tués par des Palestiniens dans le contexte de l’occupation, ou sont morts de blessures reçues précédemment.

 

Un colon abat un adolescent à Jérusalem

Jeudi, l’ONG britannique Medical Aid for Palestinians (MAP) a réclamé « une action urgente et immédiate pour protéger les enfants » en Cisjordanie après qu’un colon israélien a abattu et blessé un enfant à l’extérieur du Centre Saraya, dans la Vieille Ville de Jérusalem.

Khader Gharab, 15 ans, a été touché à l’épaule par un colon qui, comme lui, vit à proximité du Centre Saraya, qui assure des services de soutien psychologique à des « jeunes grandissant dans l’environnement oppressif » de la Vieille Ville, a déclaré MAP.

https://twitter.com/AlQastalps/status/1643762205182119936?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1643762205182119936%7Ctwgr%5Ec0c7a88a47fd43b628d83239991368f569ef711e%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Fmaureen-clare-murphy%2Fisrael-bombs-gaza-after-lebanon-rocket-fire

 

Jeudi, des médias palestiniens ont publié un clip vidéo montrant un colon qui tirait avec une arme dans le quartier d’al-Tur, à Jérusalem-Est :

 

Jeudi, Israël a empêché les Palestiniens de moins de 40 ans d’entrer dans la Vieille Ville de Jérusalem pour observer la prière de l’aube à la mosquée Al-Aqsa. Les fidèles qui n’ont pu entrer ont prié à l’extérieur des murs de la Vieille Ville.

 

Jalal Abukhater, un écrivain palestinien de Jérusalem, faisait partie des personnes empêchées d’entrer dans la Vieille Ville pour la prière de l’aube.

« Al-Aqsa est plus qu’une mosquée où les musulmans vont exprimer leur foi – c’est l’endroit où nous, Palestiniens, pratiquons un peu de notre souveraineté »,

a-t-il expliqué à +972 Magazine.

« Quand nous perdons sur tous les fronts au fil des années, nous nous accrochons avec fermeté à des endroits comme Al-Aqsa, parce que, si nous le perdons, il ne nous reste plus rien à revendiquer pour nous-mêmes »,

a-t-il ajouté.

Jeudi dernier, les Palestiniens se sont rassemblés dans les cours d’Al-Aqsa, pour scander leur engagement à protéger le lieu saint corps et âme :

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 6 avril 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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