Les attaques contre Roger Waters couvrent de ridicule la lutte contre l’antisémitisme

Les attaques récentes contre Roger Waters constituent le tout dernier exemple de l’instrumentalisation de fausses accusations d’antisémitisme dans l’intention de défendre l’apartheid israélien.

Roger Waters interprétant sur scène l’album de Pink Floyd, « The Wall », en 2011. Dans le cadre de ce spectacle, il a l’habitude de se vêtir de tenues fascistes en guise de commentaire politique.

Roger Waters interprétant sur scène l’album de Pink Floyd, « The Wall », en 2011. Dans le cadre de ce spectacle, il a l’habitude de se vêtir de tenues fascistes en guise de commentaire politique. (Photo : Flickr / youngrobv)

 

Yves Engler (*), 29 mai 2023

Tout récemment, des responsables du gouvernement israélien fasciste et ouvertement suprémaciste ont attaqué le spectacle berlinois de Roger Waters, la célèbre rockstar. Dans de nombreux pays, les agents antipalestiniens d’Israël ont amplifié la frénésie gênante qui prétendait que Waters était antijuif parce qu’il avait fait figurer le nom d’Anne Frank sur un grand écran en même temps que celui de la journaliste palestinienne assassinée Shireen Abu AKleh. Même si le show de Waters n’avait tout simplement opposé que les deux noms, cela n’aurait pas été fâcheux mais, en fait, ce sont les noms d’une douzaine environ d’individus assassinés par les forces de sécurité, comme George Floyd aux États-Unis, qui sont apparus sur l’écran durant le spectacle.

Le deuxième élément de leur frénésie cynique consistait à se plaindre que Waters s’était vêtu d’une tenue fasciste, du genre SS. Mais Waters a présenté diverses variantes de cette parodie antifasciste, antinazie, en quatre décennies, comme le prouve la photo ci-dessus.

Finalement, certains ont prétendu que la présentation, pendant le spectacle, comportait un cochon avec une étoile de David, ce qui constitue une affabulation totale. Dans une déclaration, Waters a rétorqué :

« Mon récent spectacle à Berlin a attiré des attaques de mauvaise foi de la part de personnes qui veulent me diffamer et me réduire au silence parce qu’ils sont en désaccord avec mes opinions politiques et mes principes moraux. Les éléments de mon spectacle qui ont été remis en question sont très clairement une déclaration en opposition au fascisme, à l’injustice et au sectarisme sous toutes ses formes. Des tentatives en vue de dépeindre ces éléments comme tout autre chose sont déloyales et motivées politiquement. La description d’un démagogue fasciste détraqué est une caractéristique de mes spectacles depuis « The Wall », de Pink Floyd, en 1980.

« J’ai passé toute ma vie à m’exprimer contre l’autoritarisme et l’oppression partout où je les rencontre. Quand j’étais un enfant, après la guerre, le nom d’Anne Frank était souvent prononcé dans notre maison, elle est devenue un rappel constant de ce qui se passe quand le fascisme n’est pas maîtrisé. Mes parents ont combattu les nazis au cours de la Seconde Guerre mondiale et mon père en a payé le prix ultime. Quelles que soient les conséquences des attaques contre moi, je continuerai de condamner l’injustice et tous ceux qui la perpètrent. »

Dans le sillage des responsables israéliens, les lobbyistes canadiens de l’apartheid ont amplifié la panique de l’antisémitisme. Sur Twitter, l’envoyé spécial de Justin Trudeau dans la lutte contre l’antisémitisme, Irwin Cotler, la députée libérale Ya’ara Saks, l’ancien chef du Congrès juif canadien Bernie Farber et l’ancien député Michael Leavitt ont tous crié à l’antisémitisme. De même que les Amis du Centre Simon Wiesenthal, l’organisation Honest Reporting Canada et le Centre for Israel and Jewish Affairs, qui ont tweeté :

« Nous sommes dégoûtés par les actions de Roger Waters, hier, lors d’un concert à Berlin. Il ne suffisait pas encore de tirer des parallèles inadéquats avec Anne Frank (surtout à Berlin), mais fallait-il également qu’il apparaisse sur scène déguisé en soldat nazi ? C’est de l’antisémitisme on ne peut plus flagrant ! »

Le faux outrage (en français dans le texte, NdT) est un peu plus qu’une calomnie cynique contre une éminente personnalité qui refuse de faire marche arrière dans son soutien aux Palestiniens. Ils ne sont pas parvenus à annuler le récent concert de Waters à Francfort et, en dépit d’incessantes attaques, il continue d’organiser des concerts à haute teneur politique sur des scènes importantes du monde entier. Aujourd’hui, on assiste à un effort en vue d’annuler ses prochains concerts et la police allemande a lancé une enquête criminelle contre Waters à propos de l’uniforme de style nazi qu’il portait lors du concert de Berlin.

Les attaques contre Waters sont le tout dernier exemple de l’instrumentalisation incessante de l’antisémitisme par les nationalistes israéliens. Dans le cas le plus dommageable, le dirigeant de gauche du Parti travailliste britannique, Jeremy Corbyn, a été déstabilisé, comme l’explique en détail Asa Winstanley dans son ouvrage récent, Weaponising Anti-Semitism : How the Israel Lobby Brought Down Jeremy Corbyn (L’instrumentalisation de l’antisémitisme ou comment le lobby pro-israélien a déboulonné Jeremy Corbyn). Les nationalistes israéliens ont tellement mésusé du terme dans leur défense de l’apartheid et des violations des lois internationales que toutes les accusations d’antisémitisme sont devenues suspectes, même quand elles peuvent être justifiées.

Avant ces incidents, en 2016, j’avais écrit :

« ‘Antisémitisme’ peut être le terme le plus mésusé au Canada aujourd’hui. Presque entièrement détourné de sa définition du dictionnaire – ‘discrimination ou préjugé ou hostilité à l’égard des juifs’ – il est aujourd’hui invoqué pour défendre les privilèges juifs et blancs. »

J’ajoutais que s’il n’y avait pas d’intervention d’un genre ou d’un autre, les futurs dictionnaires pourraient définir l’« antisémitisme » comme « un mouvement en faveur de la justice et de l’égalité ».

J’ai été violemment attaqué pour avoir écrit cela il y a sept ans, mais l’indignation récemment fabriquée autour de Roger Waters suggère que cette déclaration est encore plus pertinente aujourd’hui.

Honte au lobby antipalestinien pour cet état de choses.

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(*) Yves Engler (Canada, 1979) est l’auteur d’une douzaine de livres engagés. Son dernier titre est House of Mirrors: Justin Trudeau’s Foreign Policy (La maison des miroirs ou la politique étrangère de Justin Trudeau).

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Publié le 29 mai 2023 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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