Israël bombarde et rase le camp de réfugiés de Jénine au bulldozer

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Les forces israéliennes ont tué au moins huit Palestiniens lors de l’actuelle offensive militaire à grande échelle lancée par Israël contre la ville de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée. Il s’agit de la plus importante opération militaire dans la région depuis 2002.

 

Jénine, 3 juillet. Des paramédicaux transportent vers un hôpital un Palestinien blessé dans les confrontations armées lors de l’invasion militaire israélienne

Jénine, 3 juillet. Des paramédicaux transportent vers un hôpital un Palestinien blessé dans les confrontations armées lors de l’invasion militaire israélienne . (Photo : Ayman Nobani / APA images)

 

Maureen Clare Murphy, 3 juillet 2023

Lundi, en fin de journée, des centaines de Palestiniens ont fui le camp de réfugiés de Jénine au cours d’un nouvel épisode de déportation forcée. L’armée israélienne a nié qu’elle avait commandé l’évacuation d’une partie du camp. La Société du Croissant-Rouge palestinien a dit qu’elle avait évacué 3 000 Palestiniens du camp.

Au moins deux des tués depuis lundi matin étaient des civils, selon le Centre palestinien pour les droits humains (CPDH).

Defense for Children International – Palestine (DCI-P) a déclaré que deux de ces morts étaient des adolescents : Nour al-Deen Marshoud, 15 ans, et Majdi Ararawi, 17 ans.

Ayed Abu Eqtaish, un directeur de programme de DCI-P, a demandé à Karim Khan, procureur principal de la Cour pénale internationale (CPI),

« de faire à tout le moins une déclaration préventive, dans un effort en vue d’empêcher les actuels crimes de guerre israéliens ».

Al-Haq, une organisation palestinienne de défense des droits humains, a invité les États tiers à

« laisser de côté leurs condamnations verbales creuses et à appliquer des mesures concrètes afin de mettre un terme à l’impunité israélienne ».

 

L’invasion a débuté lundi vers 1 heure du matin, quand les forces israéliennes sont entrées dans Jénine et son camp de réfugiés et qu’elles ont bloqué toutes les entrées du camp, « l’isolant ainsi de la ville », a jouté le CPDH, pendant que les frappes aériennes israéliennes visaient les infrastructures civiles.

Quatre combattants palestiniens ont été tués alors que les habitants tentaient de repousser les forces d’invasion. Le CPDH les a identifiés : Nour al-Deen Marshoud, Sameeh Abu al-Wafa, Aws al-Hanoun et Husam Abu Thibah.

Un ou plusieurs snipers israéliens ont exécuté trois Palestiniens dont les corps ont été empilés en vrac, l’un sur l’autre, dans une rue du camp de réfugiés, a-t-on pu voir sur des vidéos et des photos qui ont circulé dans les médias sociaux.

Le premier coup de feu a été tiré sur Ali al-Ghoul, 20 ans, qui a été touché à la poitrine, selon le CPDH. Quand Majdi Ararawi, 17 ans, a tenté de dégager al-Ghoul de la rue, un sniper l’a abattu d’une balle dans la tête. Le troisième homme, Muhammad al-Shami, 18 ans, a été touché alors qu’il tentait d’évacuer l’autre blessé.

« Tous les trois ont été laissés sur place et se sont vidés de leur sang pendant plus d’une demi-heure, jusqu’au moment où des personnes sont parvenues à les ramener dans l’une des maisons »,

rapporte le CPDH. Mais, à ce moment, les trois hommes étaient déjà morts.

Le ministère palestinien de la santé en Cisjordanie a fait état d’au moins 28 blessés, surtout des civils, dont neuf sont dans un état critique.

Outre les personnes tuées dans l’actuelle invasion de Jénine, Muhammad Hassanein, 21 ans, a été touché à la tête et tué avant l’aube, lundi, au cours d’une action de protestation contre le raid organisée près de la colonie de Beit El, dans le centre de la Cisjordanie.

 

Destruction d’infrastructures civiles

Israël a détruit des infrastructures civiles et ses soldats ont ciblé des infirmiers et des journalistes, au cours de l’invasion de Jénine, dont les responsables israéliens ont dit qu’elle pourrait durer deux ou trois jours.

Des vidéos ont montré des véhicules militaires israéliens en train de lacérer le tarmac des rues de Jénine, ainsi que toutes les destructions laissées sur leur passage :

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La municipalité de Jénine a déclaré que sa distribution d’eau avait été coupée après que les militaires israéliens en avaient détruit les infrastructures. DCI-P a expliqué que les résidents du camp étaient également privés d’électricité et de télécommunications.

Selon la Société du Croissant-Rouge palestinien, les soldats israéliens ont bloqué les routes et intercepté les ambulances qui tentaient d’entrer dans le camp de réfugiés.

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Ahmed Jibril, le directeur du Croissant-Rouge, a expliqué à l’ONG britannique Medical Aid for Palestinians que « les ambulances s’étaient retrouvées sous le feu direct » et qu’elles avaient été bloquées après que les bulldozers israéliens avaient détruit les principales artères du camp.

Une vidéo a également montré des Palestiniens qui réagissaient aux gaz lacrymogènes venus de l’extérieur de l’hôpital gouvernemental de Jénine :

https://twitter.com/ShehabAgency/status/1675915552630485011?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1675915552630485011%7Ctwgr%5E21309207a077f42ee75afbb413b68f61b2dabf5f%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Fmaureen-clare-murphy%2Feight-killed-israel-bombs-bulldozes-jenin-refugee-camp

 

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) en Cisjordanie et à Gaza a condamné comme « déplorables » les « attaques en cours contre les soins de santé, y compris l’interdiction d’accès aux personnes très grièvement blessées ».

L’agence palestinienne officielle d’information, WAFA, a rapporté que les forces israéliennes avaient défoncé une ambulance qui tentait d’entrer dans le camp de Jénine afin de transporter à l’hôpital une femme sur le point d’accoucher.


Des journalistes ont été attaqués

Des journalistes aussi ont été attaqués.

Une vidéo montre un sniper israélien qui tire directement sur une caméra sur trépied appartement à l’équipe d’Al-Araby TV. La chaîne a déclaré qu’il s’agissait d’une attaque délibérée :

https://twitter.com/ShehabAgency/status/1675848324392288257?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1675848324392288257%7Ctwgr%5E21309207a077f42ee75afbb413b68f61b2dabf5f%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Fmaureen-clare-murphy%2Feight-killed-israel-bombs-bulldozes-jenin-refugee-camp

 

Il y a un peu plus d’un an, un sniper israélien avait abattu et tué Shireen Abu Akleh, une correspondante de longue date d’Al Jazeera, au cours d’un précédent raid contre Jénine. Personne n’a jamais été tenu responsable de cet assassinat.

 

Une autre vidéo de l’invasion de lundi montre un militaire israélien en train de percer un trou dans le mur d’un immeuble qui héberge des bureaux d’avocats, et ce, afin de pouvoir l’utiliser pour un loger un tireur embusqué :

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WAFA a déclaré que le Théâtre de la Liberté du camp de réfugiés de Jénine, connu internationalement, avait été frappé par une frappe de missile lancé par drone. Un enfant a été blessé.

Le directeur du théâtre, où plusieurs familles s’étaient réfugiées, a dit que l’armée israélienne avait passé les routes au bulldozer ainsi qu’un mémorial pour les Palestiniens tués dans le camp et qui se trouvait près de l’entrée du théâtre.

 

DCI-P a déclaré qu’outre le Théâtre de la Liberté, plusieurs mosquées et le Jenin Sport Club avaient été bombardés.

L’armée israélienne a prétendu qu’elle avait découvert une cache d’armes dans des tunnels en dessous d’une mosquée utilisée comme planque pour des combattants.

L’armée a également dit que ses hommes avaient découvert un atelier de fabrication d’explosifs et qu’elle avait également confisqué des composantes de lance-roquettes.

Vingt Palestiniens ont été arrêtés au moment où les soldats cherchaient des armes dans certaines maisons du camp, ont rapporté les médias israéliens. DCI-P a déclaré que « de nombreux enfants palestiniens ont été arrêtés ».

Dans les premiers instants de l’invasion, les forces israéliennes ont ciblé ce qu’elles ont décrit comme un centre de commandement et un refuge pour combattants dans le camp même.

L’opération militaire, affirme un média israélien, a été approuvée il y a plus d’une semaine et les responsables israéliens en ont informé à l’avance leurs homologues américains.

Lundi, la Maison-Blanche a donné son soutien à

« la sécurité d’Israël et au droit de défendre son peuple contre le Hamas, le Djihad islamique palestinien et autres organisations terroristes ».

Depuis longtemps, les personnalités extrémistes du gouvernement d’extrême droite de Benjamin Netanyahou faisaient de l’agitation en faveur d’une opération majeure contre Jénine – un bastion de la résistance armée en Cisjordanie visant à empêcher la colonisation israélienne et à rendre intenable l’occupation militaire.

Cette pression s’est considérablement intensifiée après que quatre Israéliens ont été tués dans une colonie et après qu’un raid d’arrestation apparemment routinier à Jénine, en juin dernier, a tourné au vinaigre quand un véhicule blindé a été mis hors service par une bombe placée sur la route et actionnée à distance par des combattants palestiniens.

Lors du raid du mois dernier, Israël a déployé un hélicoptère de combat Apache pour la première fois depuis près de vingt ans en Cisjordanie, afin de pouvoir évacuer ses soldats pris en embuscade. Sept Palestiniens, dont deux enfants, ont été tués dans ce raid.

L’embuscade a représenté une progression dans les capacités militaires des combattants en Cisjordanie et les Palestiniens la comparent à la résistance qui a contribué au retrait unilatéral des colons israéliens de la bande de Gaza en 2005 et au redéploiement de l’armée à la périphérie de l’enclave.

Prenant la parole dans un avant-poste tristement célèbre du nord de la Cisjordanie, le ministre ultranationaliste de la sécurité nationale israélienne, Itamar Ben-Gvir, a récemment réclamé

« une intervention militaire en vue d’abattre des bâtiments et de tuer des terroristes ».

« Ni un, ni deux, mais des douzaines et des centaines et, s’il le faut, des milliers ! »

a-t-il déclaré, ajoutant qu’un tel massacre était nécessaire pour garantir une domination juive exclusive du Jourdain à la Méditerranée.

 

Jénine, 3 juin. Des Palestiniens engagés dans des échanges de tirs avec l’armée israélienne.

Jénine, 3 juin. Des Palestiniens engagés dans des échanges de tirs avec l’armée israélienne. (Photo : Alaa Badarneh / EFE)

 

Anshel Pfeffer, un correspondant qui écrit pour le quotidien de Tel-Aviv, Haaretz, a déclaré que l’opération de Jénine était

« probablement plus vaste que ne l’aurait envisagé l’armée israélienne si elle n’avait pas dû en outre proposer tout cet étalage de feux d’artifice aux hommes politiques ».

Pfeffer d’ajouter que

« ce n’est certainement pas ce que Ben-Gvir et ses hordes ont demandé mais, au moins, cela permet-il à Netanyahou de faire comme s’il agissait de façon décidée et à ses partenaires de prétendre qu’ils ont modifié le paradigme ».

L’opération a été accueillie avec approbation par Yair Lapid, le chef de l’opposition en Israël, qui l’a décrite comme « justifiée et nécessaire » et qui a dit que son but n’était pas de continuer à saper une Autorité palestinienne déjà affaiblie.

 

« Un symbole de la lutte »

Ismail Haniyeh, le chef du bureau politique du Hamas, a demandé aux Palestiniens de Cisjordanie de venir en aide à Jénine, ajoutant que

« le sang versé à Jénine décidera de la prochaine phase dans toutes les directions et selon tous les axes ».

Salah al-Arouri, le chef du bureau politique du Hamas en Cisjordanie, a demandé 

« à tous les combattants de Cisjordanie de combattre avec tous les moyens à leur disposition afin de protéger Jénine et la mosquée al-Aqsa ».

Le Djihad islamique a déclaré qu’Israël ne parviendrait pas à atteindre son but, désarmer Jénine, et a ajouté que la ville

« restera le symbole de la lutte et de la résistance ferme à l’occupation ».

Lundi, Al Jazeera a fait savoir que les factions de la résistance palestinienne à Gaza avaient demandé au public

« de se rassembler autour de Jénine, accroissant ainsi la possibilité d’une réponse palestinienne au renforcement des opérations israéliennes ».

Le camp de réfugiés de Jénine est densément peuplé, avec ses 14 000 Palestiniens qui vivent sur moins d’un kilomètre carré (moins de 65 hectares, en fait, NdT).

Le camp est l’un des douzaines de camps en Cisjordanie, à Gaza et dans les pays voisins qui hébergent des millions de Palestiniens (été forcés de quitter leurs foyers et terres avant, pendant et après l’établissement de l’État d’Israël en 1948) et leurs descendants.

Dans son obsession de vouloir s’assurer une majorité démographique, Israël refuse aux réfugiés palestiniens leur droit au retour dans leurs foyers et propriétés pour la simple raison qu’ils ne sont pas juifs.

L’actuelle incursion dans le camp de Jénine présente des parallèles embarrassants avec l’invasion israélienne de 2002, au cours de laquelle au moins 52 Palestiniens et 23 soldats israéliens avaient été tués.

L’armée israélienne a laissé derrière elle « un paysage des ruines », avec « la puanteur de la mort » qui imprègne le camp, racontait un témoin à la suite des 11 journées de siège. Plus de 400 maisons avaient été détruites, ce qui avait nécessité la déportation d’un quart de la population du camp, avait estimé l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens.

Certains observateurs ont décrit les multiples raids meurtriers d’Israël à Jénine et dans ses environs au cours de l’année et demie écoulée comme un massacre incrémentiel :

Depuis le début de cette année, plus de 180 Palestiniens ont été tués par les soldats, la police et les colons israéliens en Cisjordanie et à Gaza, ou sont morts de blessures qu’ils avaient encourues précédemment, a calculé The Electronic Intifada.

Neuf enfants palestiniens ont été tués par les forces israéliennes dans la zone de Jénine, depuis le début de l’année, a fait savoir DCI-P.

Au cours de la même période, 28 personnes ont été tuées par des Palestiniens en Israël et en Cisjordanie, dans toute cette violence relative à l’occupation, ou sont mortes de précédentes blessures.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 3 juillet 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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