Déclaration préliminaire et conclusions de la mission d’enquête au Venezuela

La déclaration qui suit a été publiée par la Mission d’enquête au Venezuela du Tribunal populaire international sur l’impérialisme américain, qui a opéré du 24 au 28 juillet en compagnie de la National Lawyers Guild (Guilde nationale des avocats) et de l’International Association of Democratic Lawyers (Association internationale des avocats démocratiques). Charlotte Kates, coordinatrice internationale de Samidoun (dont est membre la Plate-forme Charleroi-Palestine), participait à cette mission.

 

Tribunal populaire international sur l’impérialisme américain.Sanctions, blocus et mesures économique coercitives. 
Mission d’enquête, juillet 2023.

Tribunal populaire international sur l’impérialisme américain. Sanctions, blocus et mesures économique coercitives. Mission d’enquête, juillet 2023.

Samidoun, 3 août 2023

En notre qualité de Mission d’enquête du Tribunal populaire international, nous dénonçons sans équivoque la guerre hybride de l’impérialisme américain contre le peuple, l’économie et l’État du Venezuela. Tout au long de notre mission, nous avons assisté aux effets brutaux d’un régime de mesures économiques coercitives unilatérales. Nos rencontres, interviews et discussions ont clairement dénoncé les mensonges du gouvernement américain et la propagande des médias institutionnels tendant à définir le Venezuela comme un « État voyou ». Nous avons conclu notre mission le 28 juillet, date anniversaire de la naissance du commandant Hugo Chávez, par notre Session sur le Venezuela et la diffusion publique de notre déclaration.

Puisque nous marquons le 200e anniversaire de la doctrine Monroe, nous rappelons que le blocus économique fait partie de la longue histoire d’asservissement, de colonisation et de soumission des peuples du Sud mondial. Nos rencontres ont contribué à comprendre comment les sanctions sont destinées, non seulement à exacerber les contradictions internes au sein de la base sociale organique d’un projet révolutionnaire, mais à détruire les conditions matérielles nécessaires au socialisme. Le régime des sanctions tente de créer la confusion politique parmi la population, d’orienter contre son gouvernement, plutôt que contre le véritable coupable, l’impérialisme américain, une frustration légitime à propos d’un manque de services sociaux et d’accès aux biens publics. Ce qui apparaît comme une austérité néolibérale est en fait un VOL CRIMINEL occasionné par les sanctions. L’une de nos oratrices, Laura Franco, coordinatrice des échanges et de la coopération à l’Institut Simon Bolivar, nous a dit : « Ceci n’est pas une économie néolibérale, c’est une économie de guerre. »


Les sanctions en tant que politique de « changement de régime »

La confusion politique n’est ni une conséquence accidentelle ni une résultante secondaire du régime de sanctions et de blocus. Elle est destinée à créer un environnement de chaos prélude à un changement de régime et à fournir des scénarios aux forces de l’opposition, surtout aux sympathisants et complices des États-Unis qui s’emploient à étendre et intensifier le régime des sanctions. Par exemple, la reconnaissance de Juan Guaido en tant que faux « président du Venezuela » par les États-Unis, le Canada et autres puissances impérialistes a servi à créer la propagande ainsi qu’à faire appliquer les sanctions en confisquant les propriétés de l’État vénézuélien (le seul organe politique légitime du peuple vénézuélien) et en les transférant sous la garde d’une série de forces de « l’opposition » soutenues par les EU, ce qui constitue une autre forme de blocus imposé aux avoirs du peuple vénézuélien.

Nous voyons l’incitation la plus récente à un « changement de régime » dans l’annonce d’une récompense de 15 millions de USD pour des informations susceptibles de mener à l’arrestation et/ou la condamnation du président vénézuélien Nicolás Maduro. Cette prime rappelle celles proposées pour les chefs d’État de l’Irak et de la Libye peu avant leur destitution par la violence, puis leur assassinat, et la destruction, la déstabilisation et le pillage de ces États par les forces impérialistes. Ajoutons-y les trois projets de loi introduits au Congrès américain et qui cherchent, via des moyens législatifs, à réaliser les mêmes objectifs : la Loi de prohibition des transactions et baux avec le régime autoritaire illégitime du Venezuela, la Loi sur l’atteinte aux droits humains vénézuéliens et la Loi portant sur la démocratie vénézuélienne. Ces projets de loi ont un dénominateur commun : intensifier davantage encore la pression du blocus et lui imposer un cadre d’« assistance humanitaire ». Ceci constitue une escalade de l’intervention impérialiste dans les préparatifs des élections présidentielles de l’an prochain.


La résistance bolivarienne à l’impérialisme américain

Dans notre mission, nous avons appris bien des choses sur la souffrance du peuple vénézuélien provoquée par le régime impérialiste de sanctions. Mais nous avons également tiré des leçons et de l’inspiration de sa résistance. Nous avons assisté à la résilience et à la créativité des communautés, qui mettent sur pied une capacité et un développement économiques indépendants s’appuyant sur des formes de production de savoir collectives, non capitalistes. Nous avons vu l’ingéniosité et la passion des médecins de l’Hôpital de cardiologie des enfants de l’Amérique latine, qui traitent les cas les plus difficiles tout en faisant face aux pénuries de fournitures et équipements médicaux, prouvant ainsi la cruauté et les intentions génocidaires du régime des sanctions. Nous avons aussi été profondément inspirés et édifiés par l’engagement de l’hôpital, non seulement à traiter des patients venus d’en dehors du Venezuela, mais aussi à fournir un enseignement gratuit à de nouvelles générations de médecins au niveau international. Ceci sert de témoignage de la culture de la compassion, des valeurs socialistes et de la solidarité de la nation vénézuélienne.

Nous avons été particulièrement frappés par la centralité des femmes dans la résistance. De la lutte en vue de concrétiser la souveraineté alimentaire aux initiatives d’éducation politique, à la défense juridique en ligne de front, aux projets révolutionnaires afro-vénézuéliens de lutte contre la gentrification et la déportation coloniales capitalistes et à leur direction politique à tous niveaux, les femmes sont la colonne vertébrale de la Révolution bolivarienne.


La mission internationale d’enquête

Notre délégation comprend des avocats, des spécialistes du droit, des universitaires et des animateurs en provenance des États-Unis, du Canada, des Philippines, du Kenya, du Liban, de l’Algérie et de l’Iran. Cette délégation fait partie du Tribunal populaire international sur l’impérialisme américain, un effort international qui enquête sur les régimes de sanctions en tant qu’outils clés de l’impérialisme, lesquels sont utilisés pour saper la souveraineté – surtout économique – des nations du Sud mondial, dans le but de maintenir en place l’ordre capitaliste mondial. Le Venezuela et tous les pays visés par les sanctions américaines ont défié l’impérialisme américain et cherchent à préserver leur indépendance et leur souveraineté de l’hégémonie américaine. Nous organisons des sessions sur l’impact des sanctions, des mesures économiques coercitives dans 16 pays de l’Amérique latine et des Caraïbes, de l’Afrique et de l’Asie.

Notre mission a examiné les intentions, l’histoire et le cadre juridique du régime des sanctions. Elle consistait entre autres à observer, analyser et entretenir un dialogue sérieux avec des individus impactés, des travailleurs de divers secteurs de l’économie, des communautés, des analystes, des organisateurs politiques et des responsables du gouvernement.

Tout au long de notre mission, nous avons rencontré de nombreuses personnes et organisations, toutes profondément impliquées dans la défense de la Révolution bolivarienne et dans la progression vers le socialisme, en dépit des crimes terribles des États-Unis contre le peuple vénézuélien, et plus particulièrement au cours des huit années écoulées. « Nous refusons de négocier notre révolution sous la menace des sanctions », a déclaré Robert Longa, de la Comuna Socialista El Panal.

Nos rencontres comportaient une réunion avec le vice-ministre vénézuélien des mesures anti-blocus, l’Observatoire vénézuélien contre le blocus, la Comuna d’El Panal, Venezuela Analysis, SURES, le Plan Pueblo a Pueblo, le Mouvement Libérez Alex Saab, la fondation Rompiendo la Norma (Rompre le norme), la fondation Género con Clase (Genre et Classe), l’Hôpital de cardiologie des enfants de l’Amérique latine, le CONADECAFRO (Conseil national pour le développement des communautés de descendance africaine du Venezuela) et le Cumbe Nacional AFROvenezolano.

Notre objectif consistait à mettre en évidence les conséquences des sanctions, telles que vécues et comprises depuis la base, et à délivrer un compte rendu complet de leurs effets socioéconomiques, politiques, culturels et individuels. L’enquête a informé notre compréhension collective et nous a armés de preuves qui ont été présentées ensuite lors de la Session Venezuela du 28 juillet.


Tenir l’impérialisme américain pour responsable

Au moment où nous terminons notre mission au Venezuela, notre tribunal va de l’avant dans son travail de recherche, tant juridique que politique, afin de défier l’impérialisme américain et le blocus qu’il impose au peuple et à la nation du Venezuela. Nous terminerons nos délibérations et communiquerons notre verdict et nos conclusions lors de la clôture des 29 et 30 septembre au Forum du Peuple de New York City, en marge de l’ouverture de l’Assemblée générale des Nations unies. Aujourd’hui, nous déclarons sans équivoque que les sanctions, les blocus et les mesures économiques coercitives imposées au Venezuela constituent des crimes contre l’humanité, dont le crime de génocide. Le fait que les EU n’ont pas mené à bien leurs efforts de soumission du peuple vénézuélien témoigne de la résistance, de la créativité et de la détermination de ce dernier en développant de nouvelles formes d’action et de production en vue de faire face au blocus.

Nous concluons le travail de notre mission à Caracas avec inspiration, motivation et en nous engageant à mettre tout en œuvre pour nous opposer à ces crimes contre l’humanité aux côtés des peuples du Venezuela, de Cuba, de l’Iran, de la Syrie, de la Palestine, du Zimbabwe, de la Libye, de l’Irak, du Yémen, de l’Érythrée et de tous les peuples et nations du monde visés parce qu’ils affrontent l’impérialisme tout en se mouvant sur une base quotidienne de la résistance à la dignité, à la libération collective, à l’autodétermination et à l’émancipation.

De la Palestine au Venezuela, les crimes impérialistes ne pourront jamais être arrêtés via des concessions à ses exigences : C’est la RÉSISTANCE qui l’emportera ! Il est clair, plus que jamais, que l’Empire américain n’est pas capable de réaliser ses objectifs en commettant ces crimes et que nous sommes témoins d’une tentative brutale en vue de maintenir l’hégémonie américaine au sein d’un monde multipolaire émergent.

Il y a un surcroît de responsabilité pour les gens vivant dans le cœur de la bête, consistant à défier les sanctions impérialistes et à tenir l’impérialisme des EU pour responsable de leurs crimes contre l’humanité et du pillage de la richesse des peuples du monde. Nous dénonçons avec force la promotion délibérée de la migration des jeunes populations vénézuéliennes vers les EU et l’imposition d’un faux « rêve américain ». En réalité, cette tendance vise à pousser les Vénézuéliens à rallier les classes laborieuses appauvries, en particulier les communautés noires et de couleur dépossédées, criminalisées et en lutte aux États-Unis, dans le même temps que les mesures américaines cherchent à appauvrir le Venezuela.

La dévastation orchestrée par l’impérialisme américain est substantielle et évidente dans toute une série d’indicateurs et de domaines, depuis la migration forcée jusqu’à la confiscation des avoirs d’État, depuis l’arrestation, l’enlèvement et l’emprisonnement illégal du diplomate vénézuélien Alex Saab jusqu’à l’attaque contre la production et les revenus du pétrole. Dans un même temps, au moment où nous concluons notre mission, nous sommes frappés non seulement par l’énormité des crimes contre l’humanité commis par les EU au Venezuela, mais aussi par la force de la résistance du peuple vénézuélien et de ses organes légitimes de gouvernance et de représentation ainsi que par ses perspectives internationalistes et la clarté de sa vision politique.

Les crimes qui ont lieu au Venezuela sont inséparables de l’impérialisme américain et du capitalisme. S’opposer à ces crimes ne peut se limiter à la sphère juridique mais requiert un engagement politique clair à vouloir affronter, vaincre et démanteler l’impérialisme et le capitalisme. L’ordre global du monde doit changer, de l’unipolarité vers la multipolarité, d’un ordre hostile au peuple à un ordre favorable au peuple, avec dignité, émancipation et autodétermination pour tous.Ensemble, nous déclarons : Ces crimes contre l’humanité ne passeront pas ! Nous nous engageons à nous dresser avec le peuple du Venezuela et du monde entier, à faire notre travail dans nos sphères d’action juridique, d’éducation politique et d’organisation populaire pour venir à bout des sanctions, des blocus et des mesures économiques coercitives, à soutenir le peuple vénézuélien et tous ceux qui s’opposent aux sanctions afin de faire progresser le potentiel de la victoire révolutionnaire pour tous nos peuples en lutte.

En lutte jusqu’à la victoire,

les membres de la mission d’enquête du Tribunal populaire international sur l’impérialisme américains : sanctions, blocus et mesures économiques coercitives

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Publié le 3 août sur Samidoun
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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Lisez également : Samidoun se joint à la mission d’enquête internationale en vue de dénoncer les sanctions américaines à l’encontre du Venezuela

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