La Banque européenne d’investissement, partenaire des crimes de guerre d’Israël

La Banque européenne d’investissement (BEI) est une institution officielle de l’Union européenne et elle est manifestement bien plus généreuse avec Israël qu’à l’égard des Palestiniens. Mais le problème va bien plus loin que la distribution inégale des prêts.

La Banque européenne d’investissement (BEI) a signé un accord de « coopération stratégique » avec des gens qui soutiennent les colonies illégales d’Israël.

La Banque européenne d’investissement (BEI) a signé un accord de « coopération stratégique » avec des gens qui soutiennent les colonies illégales d’Israël. (Photo : BEI)

 

David Cronin, 13 septembre 2023

Les pitreries des diplomates occidentaux ont légèrement changé au cours du siècle écoulé.

Des salves de dix-sept coups de canon étaient l’inévitable norme, quand le gratin des administrateurs britanniques débarquait en Palestine ou s’en allait, entre les années 1920 et 1940.

Un tel faste semble pittoresque quand on considère les hauteurs vertigineuses auxquelles s’est récemment hissé Sven Kühn von Burgsdorff. Son chant du cygne en tant qu’ambassadeur de l’UE en Cisjordanie et à Gaza a consisté en une… cascade en parapente.

 

Son successeur Alexandre Stutzmann prévoit-il lui aussi des cabrioles de ce genre ? Il est trop tôt pour le dire.

La seule déclaration publique que Stutzmann ait faite depuis son entrée en fonction un peu plus tôt ce mois-ci contenait la confirmation de ce qu’il allait défendre une solution à deux États.

Rêvez, rêvez, Votre Excellence !

Malgré l’absence des 17 coups de canon, l’agenda poursuivi par les Européens blancs en Palestine est en gros identique à celui du début du 20e siècle.

Au cours des années 1920, la Grande-Bretagne a poussé vers l’avant le projet sioniste de colonisation, tout en prétendant être préoccupée par le bien-être des Palestiniens.

Au cours des années 2020, l’Union européenne soutient sournoisement une occupation militaire israélienne, tout en prétendant être préoccupée par le bien-être des Palestiniens.

 

La préservation d’un mythe

Dans son nouveau rôle d’ambassadeur, Alexandre Stutzmann va préserver le mythe disant que l’UE est un modèle d’équilibre.

La mission diplomatique qu’il dirige à Jérusalem comprend un bureau mis à la disposition de la Banque européenne d’investissement (BEI).

Se prétendant la « plus importante banque publique internationale du monde », la BEI est une institution officielle de l’Union européenne et elle est manifestement bien plus généreuse avec Israël qu’à l’égard des Palestiniens.

Des données publiées sur son site Internet le prouvent.

La banque a prêté plus de 760 millions de USD à des projets palestiniens depuis qu’elle s’est mise à financer des travaux de ce genre, en 1995.

Par contre, la BEI finance des projets israéliens depuis 1981. Pendant le laps de temps écoulé depuis, elle a prêté à Israël quelque 2,6 milliards de USD.

Même si l’on considère que la banque prête de l’argent à Israël depuis plus longtemps, ces chiffres montrent que l’oppresseur israélien tire un bien plus grand profit de l’argent de la BEI que les Palestiniens opprimés, lesquels, manifestement, ont bien plus besoin d’être soutenus, surtout étant donné la dévastation de leur économie et de leurs infrastructures provoquée directement par l’occupation et la colonisation israéliennes.

Le problème va bien plus loin que la distribution inégale des prêts.

Une illustration plus claire encore s’il en est de la façon dont la BEI a choisi le camp de l’oppresseur réside dans « l’intermédiaire financier » qu’elle a désigné en Israël. L’intermédiaire en question – la Bank Leumi – soutient directement la construction et l’expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée, dont Jérusalem-Est.

C’est pourquoi la Bank Leumi est reprise dans la base de données de l’ONU des sociétés qui aident à la colonisation illégale par Israël de la terre palestinienne et en tirent profit.


Un ré-étiquetage

La Bank Leumi a aidé des colonies qui avaient été épinglées par les critiques de l’UE.

Dans un rapport publié l’an dernier, la mission diplomatique susmentionnée de l’UE à Jérusalem déclarait qu’elle était particulièrement concernée par l’« avancement » de quelques projets particuliers de colonies en 2021.

Atarot – une colonie implantée à Jérusalem-Est – faisait partie des colonies citées. Construire un grand nombre de nouvelles unités de logement destinées aux colons juifs à Atarot

« déconnecterait les habitants [palestiniens] de Jérusalem-Est des principales zones urbaines de Cisjordanie, comme Hébron et Ramallah »,

déplorait le document de l’UE.

En 2021, la Bank Leumi approuvait un prêt au Mivne Group, une firme immobilière israélienne, pour son travail à Atarot. La banque « considère comme collatéraux les droits contractuels et réels de la société [Mivne] », dit Who Profits ? (Qui profite ?), une organisation qui surveille l’occupation.

Who Profits ? a détaillé ce qu’elle appelle la « vaste implication » de la Bank Leumi dans les activités de peuplement d’Israël. Les services que cette banque et quelques autres banques israéliennes fournissent aux autorités et firmes locales sont essentiels dans le soutien des colonies, a fait remarquer Who Profits ?.

On ne peut assez souvent insister sur le fait que les activités de peuplement israéliennes sont des crimes de guerre. Elles violent aussi bien la Quatrième Convention de Genève que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

En accordant des prêts à ces activités, la Bank Leumi encourage les crimes de guerre.

En désignant la Bank Leumi comme « intermédiaire financier », la BEI, Banque européenne d’investissement s’est faite partenaire de crimes de guerre.

La collaboration entre la BEI et la Bank Leumi a été présentée comme progressive.

Quand elle a annoncé qu’elle avait signé un « accord de coopération stratégique » avec la BEI un peu plus tôt cette année, la Bank Leumi a prétendu que les lignes de crédit – pour une valeur de plus de 535 millions de USD – allaient encourager « les investissements dans des projets verts et environnementaux ».

En réalité, la BEI présente un palmarès peu reluisant de blanchiment d’argent cash en provenance de l’industrie des carburants fossiles.

Comme bien d’autres fripouilles, la BEI s’est adjoint une nouvelle étiquette de combattante pour l’écologie. Comme elle continue de financer un grand nombre de projets douteux, ce nouvel étiquetage ne sera rien de plus qu’un exercice cosmétique.

On ne sera guère surpris de voir que la BEI a également étendu ses activités au Moyen-Orient, dans le cadre de la recherche de la paix. Tant qu’elle fera équipe avec une facilitatrice de crimes de guerre telle la Bank Leumi, toute pirouette de ce genre devrait être traitée avec mépris.

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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

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Publié le 13 septembre sur 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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