Quand Paul Magnette évoque Émile Vandervelde…

Le 28 août dernier, Pauline Boninsegna, au nom du groupe PTB, proposait une motion concernant l’apartheid israélien au Conseil communal de Charleroi. En réponse à son intervention, Paul Magnette s’exclamait : “Le parti socialiste, depuis Émile Vandervelde ! depuis Émile Vandervelde !! soutient la cause palestinienne. Nous n’avons pas de leçons à recevoir là-dessus. Cela fait plus d’un siècle…” (*)

Réellement ? Nous avons consulté le spécialiste belge de la Palestine, l’auteur Lucas Catherine.

Quand Paul Magnette s'exprime au sujet d'Émile Vandervelde au Conseil communal de Charleroi

Capture d’écran du reportage du Conseil communal de Charleroi du 28 août

Lucas Catherine réfère à quatre fragments concernant Émile Vandervelde dans son livre Palestine, la dernière colonie, publié en 2003.

Il nous explique :

Je me suis surtout basé sur son livre, Le Pays d’Israël, un marxiste en Palestine, de 1929, et sur Émile Vandervelde, édité par le Musée juif de Belgique, en 1987.

Je puis encore ajouter qu’il suivit aveuglément la propagande sioniste, ébloui qu’il était par sa quête d’une « alternative socialiste » au communisme.

Ainsi donc, il ne dit rien des conquêtes territoriales du colonisateur sioniste en 1929. Par exemple, la grande vallée, Marj ibn Amer (Les Pâturages d’Ibn Amr), rachetée par les sionistes d’un grand propriétaire foncier libanais (Sursuk) et, après quoi, plus de dix villages palestiniens furent détruits et leurs habitants chassés par les milices sionistes. La vallée fut rebaptisée Emek Yisrael (Vallée d’Israël) et des kibboutzim vinrent s’y installer.

Dans son livre, Vandervelde défend même l’accord de collaboration (Ha’Avarah/Transfert) entre les sionistes et les nazis qui permettait aux juifs nantis d’échapper au régime nazi s’ils se rendaient en Palestine et que, sur place, à l’aide de leur capital, ils achetaient des marchandises et des machines allemandes. Lui-même publie dans son livre une photo d’une moissonneuse (de marque Lanz) utilisée par les kibboutzim dans la vallée conquise de Marj/Emek. Et ce, en contradiction avec toutes les organisations juives européennes et américaines qui avaient annoncé un boycott de l’Allemagne nazie. Hannah Arendt dénonce la chose avec véhémence dans son livre Eichmann à Jérusalem.

Et, dans l’introduction de l’édition en allemand de son livre susmentionné, Schaffendes Palästina (1930), Vandervelde dénonce le soulèvement général des Palestiniens contre la colonisation, en 1929, et il se range résolument dans le camp sioniste.

Pour finir, je parle des livraisons d’armes. Celles-ci avaient lieu avec la collaboration de Camille Huysmans, collègue et successeur de Vandervelde à l’Internationale socialiste. À l’époque, Huysmans était bourgmestre d’Anvers et, de ce fait, patron du port également. (**)

 

Extraits du livre “Palestine, la dernière colonie”

p 51 : Le point de vue de l’Internationale socialiste est que les sionistes ont inventé une nouvelle forme de socialisme à visage humain. Un des dirigeants de l’Internationale socialiste, le Belge Émile Vandervelde, est un fervent sioniste :

C’est la première fois que se déroule une colonisation basée sur le socialisme. Nous la soutenons contre les bolchéviques, dont le seul but est de détourner la volonté d’émancipation de la population locale”

A l’origine, Vandervelde était un fervent opposant du colonialisme par le capital, comme celui de Léopold II au Congo. Mais plus tard, il découvre le bon colonialisme. En 1929, il voyage en Palestine aux frais de de l’Organisation sioniste mondiale. Le voyage est financé par Jean Fischer, dirigeant de la Fédération sioniste belge.

En “Israël”, Vandervelde découvre un véritable paradis des travailleurs. Voici une citation du livre qu’il a écrit à son retour :

“Je ne sais pas s’il y a encore beaucoup de gens qui se reconnaissent dans le matérialisme historique des bolchéviques. Si ce type de marxistes existe encore, je leur donnerais le bon conseil de se rendre en pèlerinage à Jérusalem et de visiter la Palestine juive.”

Vandervelde y trouve un “communisme tolstoïen qui réalise une synthèse entre travail spirituel et physique”. Il visite également Dagania, le premier kibboutz, et est fortement impressionné :

“Pas de mouches dégoûtantes comme ailleurs, c’est shabbat, jour de repos, et les communistes ont retiré leurs habits de travail et ont l’air très soignés.”

p 52 : Vandervelde défend son idéal sioniste avec verve. Ainsi, il écrit un pamphlet contre la brochure anti-colonisation de la délégation syro-palestinienne à la Société des Nations à Genève. Allégations trompeuses, estime Vandervelde. Il s’oppose également aux travailleurs juifs d’Europe de l’Est, qui sont pour la plupart anti-sionistes et se sont rassemblés dans le Bund Jiddischer Arbeter.

“Le point de vue du Bund, qui représentent de loin le plus grand groupe de travailleurs juifs (en Pologne) et a récolté 100.000 voix aux dernières élections, est que les socialistes juifs doivent lutter pour le socialisme sur place, dans le cadre de l’État polonais  et pas en Palestine.”

En 1928 se réunit à Bruxelles une Conférence internationale socialiste pour une Palestine des travailleurs. Il en résulte la création d’un comité permanent dont font partie Émile Vandervelde, Louis De Brouckère, Camille Huysmans et une série de dirigeants socialistes européens, notamment de France, d’Angleterre, d’Allemagne, des Pays-Bas et d’Italie. Le dirigeant américain Eugene Debs en fait également partie.

p 53 : Les sionistes belges livrent même des armes à Israël. En 1935, les services douaniers palestiniens interceptent dan ce qui était officiellement une cargaison de ciment de grandes quantités d’armes et de munitions en provenance d’Anvers.

*****

(*) Charleroi, conseil communal du 28 août : vous trouverez l’intervention de Paul Magnette à 23:47

(**) Lisez également  :     La Haganah et les transports d’armes depuis le port d’Anvers dans les années 30

 

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