Les dirigeants israéliens et américains unis tel un seul homme en faveur d’un carnage à Gaza

Tout au long de la semaine de trêve entre Israël et le Hamas, les dirigeants israéliens ont fait savoir clairement leur détermination à porter leur offensive militaire dans le sud de la bande de Gaza et à décimer l’enclave du nord au sud.

Les dirigeants israéliens et américains unis tel un seul homme en faveur d’un carnage à Gaza

Le 1er décembre, Israël reprenait ses bombardements contre les civils palestiniens, (Photo : Rizek Abdeljawad / Xinhua News Agency)

 

Michael F. Brown, 3 décembre 2023

Le ministre israélien de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, condamné en 2007 par un tribunal israélien pour avoir soutenu une organisation terroriste et incité au racisme, montrait la voie.

« Arrêter la guerre = dissolution du gouvernement », mettait-il en garde mardi.

 

À peine une heure plus tard, Tally Gotliv, membre de la Knesset, le parlement israélien, où elle représente le Likoud, et qui avait réclamé

« qu’on élimine Gaza, qu’on la balaie de la carte et qu’on l’incendie »,

intervenait avec un tweet du même tonneau.

« Si la guerre ne se poursuit pas, le gouvernement n’a pas le droit d’exister ! »

 

Mercredi, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou faisait chorus pour dire :

« Il est absolument exclu que nous ne repartions pas en guerre jusqu’au bout. »

L’armée de l’apartheid israélien est donc retournée au carnage ce 1er décembre via une campagne massive de bombardement, frappant cette fois Khan Younis, dans le sud de Gaza, avec une violence toute particulière.

Les médias américains qui, durant la semaine, se sont abstenus d’entrer à Gaza et de montrer de façon adéquate l’horreur des attaques israélienne contre l’enclave, ont parlé d’une catastrophe plus probable encore dans le sud de Gaza.

 

Remontons au 10 octobre. Le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, affirmait sur CNN :

« Comme le président l’a déclaré aujourd’hui, la différence entre les pays comme les États-Unis et Israël, c’est que nous ne visons pas délibérément les civils (…) Nous nous employons à être sûrs que toutes les opérations militaires soient menées en conformité avec le pouvoir des lois et des lois de la guerre. »

Et d’ajouter :

« C’est quelque chose dont le président Biden et le Premier ministre Netanyahou ont discuté, pas seulement dans ce contexte, mais dans de précédents contextes également. C’est quelque chose que les États-Unis ont toujours soutenu et qu’ils continueront à jamais de soutenir. »

Ces discussions n’ont guère arrangé les affaires des civils palestiniens. Et il n’y a aucune raison de penser que les propos du secrétaire d’État américain Antony Blinken adressés aux officiels israéliens et à tout un rassemblement de journalistes feront mieux.

Blinken a déclaré, lors d’une conversation avec le président israélien Isaac Herzog, le 30 novembre :

« J’ai réitéré le soutien en cours des États-Unis au droit d’Israël de se défendre, conformément aux lois humanitaires internationales. »

Ses paroles, adressées à Herzog et aux autres dirigeants israéliens, n’ont manifestement été que de très peu de poids.

 

Même le message concernant l’aide humanitaire n’a pas pris, avec Netanyahou.

 

En fait, depuis le 7 octobre, s’il faut en croire The Wall Street Journal, les États-Unis ont envoyé à Israël 100 BLU-109, c’est-à-dire des bombes anti-bunkers de 2 000 livres (900 kg, NdT), et 57 000 obus d’artillerie de 155 mm. Le journal ajoute que les EU ont envoyé « plus de 5 000 bombes Mk82 non guidées ou « bombes non intelligentes », plus de 5 400 bombes à ogive Mk84 de 2 000 livres, environ 1 000 bombes GBU-39 de diamètre réduit et environ 3 000 bombes JDAM (guidées par GPS – NdT), qui transforment les bombes non guidées en bombes guidées « intelligentes ».

 

La complicité américaine dans les crimes de guerre israéliens est manifeste, surtout quand le journal fait remarquer que

« l’afflux d’armes s’est poursuivi ces derniers jours, ont déclaré les responsables [américains] ».

Ceci, malgré l’énorme tribut prélevé par ces armes sur les civils palestiniens, dont plus de 6 000 enfants, tués par les frappes israéliennes.

En effet, les paroles de Blinken semblent n’avoir eu que peu d’effet sur Israël, puisque le ministère de la santé de Gaza faisait savoir que, le 1er décembre – donc le lendemain des remarques de Blinken –, 178 Palestiniens avaient été tués lors de la reprise des frappes israéliennes, et qu’en outre, la plupart des victimes étaient des femmes et des enfants.

Au contraire de l’administration Biden, l’élue du Michigan au Congrès, Rashida Tlaib, s’est empressée de tweeter que « les images en provenance de Gaza sont horribles ».

 

Les conditions ?

Le 26 novembre, le sénateur du Connecticut, Chris Murphy, dirigeait sa colère contre le Premier ministre israélien :

« Benjamin Netanyahou a cru que vous pouviez ignorer les Palestiniens, que vous pouviez essayer de réprimer durement leurs désirs d’avoir un État et, que, finalement, cela allait amener la paix dans la région en Israël. Ce n’est précisément pas le cas. »

Et il a également soulevé la perspective d’imposer des conditions à l’aide militaire à Israël.

« Régulièrement, nous conditionnons notre aide à nos alliés en nous appuyant sur le respect des lois américaines et internationales. Et, là, je pense que cela concorde très bien avec la manière dont nous avons dispensé notre aide, surtout en temps de guerre, à nos alliés, c’est-à-dire en discutant afin de nous assurer que l’aide que nous apportons à l’Ukraine ou à Israël soit utilisée dans le respect des lois sur les droits humains. »

Le sénateur Bernie Sanders, du Vermont, où trois étudiants palestiniens ont été blessés par balles le 25 novembre – dont deux sont toujours dans un état grave – avait déjà soulevé cette conditionnalité à la mi-novembre.

Toutefois, Sanders en a frustré bien plus d’un en ne rappelant pas l’immédiate nécessité d’un cessez-le-feu.

« Le gouvernement Netanyahou ou, peut-on espérer, un nouveau gouvernement israélien, doit comprendre que pas un centime ne sortira des États-Unis pour Israël si l’on n’assiste pas à un changement fondamental dans ses positions militaires et politiques. »

 

De la même façon, la congressiste du Minnesota, Ilhan Omar, a soulevé la possibilité d’une conditionnalité en citant « le ciblage des civils à Gaza ».

 

[Le sénateur du Connecticut] Chris Murphy affirme que les démocrates vont adopter la question de la conditionnalité, mais il n’y a aucune preuve qu’un grand nombre de ses collègues démocrates seraient disposés à se joindre à lui – et il est absolument certain que les républicains ne le feront pas.

De façon étonnante, le président Biden a déclaré le 24 novembre qu’imposer certaines conditions à l’aide militaire à Israël constitue une « idée valable », mais les chances de le voir poursuivre son raisonnement requièrent que l’on oublie les décennies de précédents de cet ardent partisan d’Israël qui, depuis très longtemps, ferme les yeux sur la dépossession, l’occupation et l’apartheid pratiqués contre les Palestiniens.

En 2019, Biden avait dit que l’idée d’imposer des conditions à l’aide à Israël était « absolument scandaleuse » et que c’était « une erreur gigantesque ».

Voilà qui est beaucoup plus clair et plus en ligne avec sa carrière que sa récente marche arrière disant qu’imposer des conditions constitue une « idée valable ».

Avec une année électorale qui se profile à l’horizon et sa position au sujet d’Israël et de Gaza qui contribue à sa dégringolade dans les sondages, on peut s’attendre à ce que Biden annonce une chose, mais en fasse une autre.

Il continue de pousser au réarmement d’Israël, avec plus de 14 milliards d’USD (12,85 milliards d’euros, NdT) d’aide militaire. Voilà bien le vrai Biden.

Sanders a raison de dire que « l’approche via un chèque en blanc doit cesser ».

Biden ne le fera pas, toutefois. Et le Congrès américain non plus.

Au-delà de toutes ces larmes de crocodile, ils sont parfaitement satisfaits de voir l’armée israélienne anéantir les Palestiniens, enfants y compris, et d’envoyer de nouveaux armements qui continueront de faire pareil. Ces attaques poussent les Palestiniens à s’enfuir de plus en plus loin vers le sud.

Une déclaration émanant de la Maison-Blanche, ce samedi, prétendait que

« le vice-président avait répété qu’en aucune circonstance les États-Unis ne permettraient la réinstallation forcée des Palestiniens depuis Gaza ou la Cisjordanie ».

Du fait qu’Israël néglige pitoyablement les appels creux des EU en faveur d’une meilleure protection des civils palestiniens, qu’est-ce qui pourrait amener à penser qu’Israël va respecter les mises en garde douteuses de l’administration en vue d’éviter la « réinstallation forcée » – autrement dit, le nettoyage ethnique – des Palestiniens ?

Désespérés et brutalisés, les Palestiniens s’en vont déjà – ou s’enfuient – comme le veut Netanyahou.

Qui pourrait dire combien vont revenir ?

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Michael F. Brown est un journaliste indépendant. Ses articles et ses points de vue ont été publiés dans diverses publications, dont The International Herald Tribune, TheNation.com, The San Diego Union-Tribune, The News & Observer, The Atlanta Journal-Constitution, The Washington Post et d’autres encore.

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Publié le 3 décembre sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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