À la mémoire du Dr Refaat Alareer

Nous exprimons ici notre douleur, notre colère et notre profonde tristesse à la suite de l’assassinat par les forces israéliennes d’occupation de notre ami et collègue le Dr Refaat Alareer lors d’une frappe aérienne sur la ville de Gaza, ce 6 décembre.

 

Refaat Alareer

Refaat Alareer

 

Refaat Alareer a été tué en compagnie de son frère, de sa sœur et de quatre des enfants de celle-ci au moment où la maison de sa sœur a subi une attaque aérienne. Refaat et les membres de sa famille font désormais partie des 17 000 Palestiniens et plus assassinés au cours du génocide actuellement perpétré par Israël.

Nous exprimons nos condoléances particulièrement émues à Nusayba, la femme de Refaat, et à leurs trois enfants et autres membres survivants de la famille qui ont survécu, ainsi qu’à tous les étudiants et anciens étudiants de Refaat, dont il était si fier, et à toutes les personnes qui l’aimaient.

Refaat et sa famille avaient déjà été déplacés à Gaza à plusieurs reprises après que leur maison avait été bombardée en octobre.

Fier d’être originaire du district de Shujaiya à Gaza, Refaat était professeur de littérature anglaise à l’Université islamique de Gaza.

Il était l’un des cofondateurs de We Are Not Numbers, un projet lancé à Gaza après l’agression israélienne de 2014, qui avait pour but d’encadrer et d’aider de jeunes écrivain.e.s à transmettre au monde leurs histoires et récits.

 

Même sous les sauvages et incessants bombardements israéliens, Refaat n’a jamais cessé de former et d’encadrer ses étudiants et anciens étudiants, qu’il s’agisse de rédiger de la poésie ou des reportages pour The Electronic Intifada.

Sans être intrépide, Refaat était courageux. Il n’a jamais cessé de s’exprimer alors qu’il savait pertinemment bien qu’Israël ciblait systématiquement les journalistes, les docteurs et autres intellectuels afin de les exterminer.

Quelques jours à peine avant que Refaat ne soit tué, Israël avait assassiné le Dr Sufyan Tayeh, le président de l’Université islamique de Gaza.

 

Refaat n’a jamais perdu son sens de l’humour malicieux, continuant de raconter des blagues, même au beau milieu de ce qu’il appelait la terreur indescriptible des incessants bombardements et tirs israéliens et de l’omniprésence de la mort.

Sachant qu’aucun endroit de Gaza n’était sûr, Refaat et sa famille avaient catégoriquement choisi de rester dans la ville de Gaza.

Au fil des années, Refaat avait encouragé et formé des centaines de jeunes écrivains à Gaza, a expliqué Yousef Aljamal, écrivain et chercheur, et l’un des plus proches amis et anciens étudiants de Refaat.

« La majorité des jeunes [de Gaza] qui écrivent aujourd’hui en anglais dans les médias sociaux ont été ses étudiants »,

a déclaré Yousef Aljamal lors d’une diffusion en direct de The Electronic Intifada le mois dernier.

« C’est ainsi qu’il a formé toute une armée d’auteurs et de bloggeurs à écrire et raconter leurs histoires. »

En 2014, Refaat avait édité l’anthologie Gaza Writes Back : Short Stories from Young Writers in Gaza, Palestine (Gaza riposte par la plume : Brefs récits de jeunes écrivains de Gaza, en Palestine), publiée par Just World Books.

Il avait également contribué à Light in Gaza : Writings Born of Fire (La lumière à Gaza : Écrits nés du feu), édité par Jehad Abusalim, Jennifer Bing et Michael Merryman-Lotze, et publié en 2022 par Haymarket Books.

Dans sa contribution à Light in Gaza, intitulée « Gaza Asks : When Shall this Pass ? » (Gaza interroge : Quand cela finira-t-il ?) Refaat écrit :

« Cela finira, je ne cesse de l’espérer. Cela finira, je ne cesse de le dire. Parfois, je le dis très sérieusement. Parfois pas. Et, comme Gaza continue à haleter pour sa survie, nous luttons pour que cela finisse, nous n’avons pas d’autre choix que de riposter et de raconter ses histoires. Pour la Palestine. »

En plus de Refaat, au moins trois autres contributeurs de The Electronic Intifada ont été tués à Gaza depuis le 7 octobre.

Il s’agit de Huda al-Sousi, Raed Qaddoura et Mohammed Hamo.

Tous trois étaient des anciens élèves de Refaat :

Ahmed Abu Artema, un contributeur régulier de The Electronic Intifada, a perdu son fils Abdullah, 13 ans, et plusieurs autres membres de sa famille lors d’une frappe aérienne d’Israël en octobre. Ahmed et ses deux autres frères avaient été blessés.

Les contributions de Refaat à The Electronic Intifada étaient inestimables.

Sa première contribution écrite parlait de son frère, le martyr Mohammed Alareer, qui avait été tué par une frappe israélienne contre sa maison, en 2014.

Mohammed, que Refaat appelait Hamada, était aimé de milliers d’enfants de Gaza en raison de son personnage, Karkour, un poulet espiègle qu’il avait créé pour l’émission de télévision Tomorrow’s Pioneers (Les pionniers de demain).

Refaat avait écrit à l’époque :

« Mon frère sera le martyr n° 26 de ma famille élargie ; cinq de ses membres ont été tués la semaine dernière et leurs corps ont été exhumés des décombres samedi, lors d’un ‘cessez-le-feu humanitaire’ de douze heures. »

Et d’ajouter :

« Nous vivons aujourd’hui à une époque, en Palestine, où un fils perdu, deux enfants rendus orphelins, une jeune épouse devenue veuve doivent être comparés à ceux qui ont perdu dix ou vingt membres de leur famille en une seule fois. Il existe une tentative manifeste de nettoyer ethniquement la Palestine, de nous faire partir et à jamais ne plus revenir. »

L’un des oncles de Refaat, Tayseer Alareer, a été abattu et tué par des soldats israéliens au kibboutz Nahal Oz alors qu’il travaillait sa terre à Gaza en 2001. Un cousin, Awad Alareer, est mort après qu’Israël avait retardé son accès à un traitement médical une fois qu’on lui avait diagnostiqué un cancer.

Un autre oncle, Oun Alareer, avait été arrêté et torturé par Israël en 1971. Refaat avait écrit quelque chose sur son oncle Oun pour le magazine Scalawag : Son nom

« résonne dans nos maisons dans l’espoir de rattraper un peu de toute la douleur que sa perte nous a infligée ».

Dans la vie comme dans la mort, Refaat a été un témoin shaheed (martyr) des injustices profondes qu’Israël a fait subir à la Palestine et à son peuple.

Dans son hommage à son frère Hamada assassiné, Refaat avait écrit :

« La barbarie d’Israël quand il assassine des gens à Gaza et qu’il rompt les relations entre les gens et d’autres gens, entre les gens et la terre et entre les gens et les souvenirs, ne réalisera jamais ses buts. »

Il avait ajouté :

« J’ai perdu mon frère physiquement, mais ma relation avec lui continuera d’exister à tout jamais. »

Et il en va de même de notre relation avec Refaat, qui a été immortalisé par ses mots et par le biais de ses étudiants, qui continuent de porter l’héritage de son combat en faveur de la vérité et de la libération.

Le 1er novembre, il écrivait : « Si je meurs, qu’il en soit fait une histoire. »

 

 

Si je dois mourir (Refaat Alareer)

Au cours des deux derniers mois de la guerre génocidaire d’Israël contre Gaza, Refaat avait été en mesure de rallier l’émission en direct de The Electronic Intifada à quatre reprises.

Suite à l’annonce de son décès, nous avons partagé quelques faits saillants de ces apparitions dans les médias sociaux. Vous pouvez les découvrir dans les tweets ci-dessous et entendre Refaat s’exprimer de vive voix :

 

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Publié le 7 décembre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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