Israël insiste : Il n’y a ni famine ni crise humanitaire à Gaza

Israël a refusé l’accès de Gaza à plus de 75 pour 100 de l’aide humanitaire et des missions de ravitaillement prévues, estiment les Nations unies.

 

24 décembre 2023. Des Palestiniens attendent un arrivage de nourriture à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

24 décembre 2023. Des Palestiniens attendent un arrivage de nourriture à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. (Photo : Bashar Taleb / APA images)


Nora Barrows-Friedman,
19 janvier 2024

Seules 7 des 29 missions – 24 pour 100 – ont été accomplies, complètement ou en partie, au cours des deux premières semaines de janvier, a rapporté mercredi le Bureau de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

L’OCHA a ajouté que deux missions d’aide supplémentaires sont restées incomplètes en raison de la « non-viabilité des itinéraires désignés » et des « retards excessifs » aux checkpoints.

Environ 95 pour 100 des missions impliquant la distribution de carburant aux installations d’eau ainsi que de médicaments aux centres de soins de santé dans la partie nord de Gaza

« se sont vu refuser l’accès par les autorités israéliennes »,

affirme l’ONU.

Le manque de carburant

« destiné à l’eau, aux équipements sanitaires et à l’hygiène accroît les risques pour la santé et les dangers environnementaux »,

a rapporté l’OCHA, dans le même temps qu’un manque de médicaments a

« affaibli la fonctionnalité des six hôpitaux qui fonctionnent encore partiellement »

dans le nord.

Les entraves actuelles imposées par Israël aux missions d’aide humanitaire vers les secteurs nord de Gaza « constituent un pic » lorsqu’on les compare à ce qui se passait les mois précédents, a mis en garde l’ONU.

Pendant ce temps, seuls 98 camions de vivres, de médicaments et d’autres moyens d’aide sont entrés dans la bande de Gaza mercredi par le passage de Rafah dans le sud et par le passage commercial de Kerem Shalom (Karem Abu Salem) à la frontière sud-est avec Israël, a ajouté l’ONU.

Avant le 7 octobre, 500 camions en moyenne entraient quotidiennement à Gaza.

Ce nombre de camions constituait le strict minimum nécessaire pour les Palestiniens en lutte pour leur survie sous le blocus sévère imposé par Israël à l’enclave côtière depuis 2007.

La semaine dernière, les directeurs du Programme alimentaire mondial, de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et de l’UNICEF (fonds de l’ONU pour l’enfance) ont dit dans une déclaration commune qu’

« un changement de rythme fondamental dans l’afflux de l’aide humanitaire à Gaza était nécessaire de toute urgence » du fait que « le risque de famine augmentait et qu’un nombre sans cesse croissant de personnes étaient exposées à des épidémies de maladies mortelles ».

Philippe Lazzarini, le directeur de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a déclaré le 13 janvier que

« la crise à Gaza était un désastre orchestré par la main de l’homme et qui s’aggravait par la déshumanisation du langage et par l’utilisation de la nourriture, de l’eau et du carburant comme s’il s’agissait d’instruments de guerre ».

« L’opération humanitaire est rapidement devenue l’une des plus complexes et des plus difficiles au monde ; c’est surtout dû aux procédures lourdes accompagnant l’entrée de l’aide dans la bande de Gaza et à une myriade d’obstacles, y compris les hostilités en cours, à la distribution sûre et ordonnée de l’aide »,

a déclaré Lazzarini.

Jeudi, après une visite de trois jours à Gaza, le directeur exécutif adjoint de l’UNICEF, Ted Chaiban, a déclaré :

« De catastrophique qu’elle était, la situation désormais est proche de l’effondrement. »

Des centaines de milliers de Palestiniens vivant dans le nord de la bande de Gaza n’ont accès ni à des vivres ni à de l’eau potable, a-t-il ajouté, et pas un seul convoi de l’UNICEF n’a été autorisé à atteindre la zone en janvier.

Chaiban a demandé que soit mis un terme aux « bombardements intenses » – bien qu’il n’ait pas cité Israël nommément comme l’agresseur – et il a ajouté qu’il était

« impératif que soient levées les restrictions d’accès ».

« Nous essayons de distribuer l’aide à travers une paille dans l’espoir de satisfaire un océan de besoins »,

a-t-il dit.

L’UNICEF, a-t-il ajouté,

« a décrit la bande de Gaza comme l’endroit le plus dangereux au monde, pour les enfants. Nous avons dit que c’était une guerre contre les enfants. Mais ces vérités ne semblent pas avoir le moindre effet. »

 

La tromperie israélienne

Entre-temps, la COGAT, le bras bureaucratique de l’armée d’occupation israélienne, continue d’insister en disant qu’il n’y a pas de crise humanitaire à Gaza et qu’Israël n’a pas imposé la moindre limite ou restriction à l’aide.

 

« À ma connaissance et selon toutes les analyses que nous avons menées, il n’y a pas de famine à Gaza et, à coup sûr, rien n’affame la population »,

a expliqué récemment un fonctionnaire de la COGAT, cité comme étant « le colonel A. », au journal de Tel-Aviv, Haaretz.

Le colonel, qui s’est vanté que personne n’avait « lu le moindre rapport en profondeur de l’ONU à propos de la faim », a cité des notions racistes à propos des raisons pour lesquelles les Arabes tombent à cours de vivres.

« N’oubliez pas qu’il s’agit d’une population gazaouie arabe, dont l’ADN commande de thésauriser, et à coup sûr quand il s’agit de nourriture »,

a déclaré le fonctionnaire de la COGAT.

La COGAT est dirigée par Ghassan Alian qui, le 10 octobre, a traité les Palestiniens de « bêtes humaines ».

L’agence a été la principale source d’Israël, à la Cour internationale de justice, dans ses tentatives en vue d’affirmer son humanitarisme envers les Palestiniens.

Miki Zohar, le ministre israélien de la culture et des sports, a admis que le ravitaillement était empêché d’atteindre les Palestiniens dans le nord.

« Les ravitaillements n’arrivent pas, là-bas, et c’est une bonne chose »,

a-t-il dit à Haaretz.

 

Cette semaine, des officiels de France et du Qatar ont annoncé qu’ils avaient conclu un marché avec Israël et la direction du Hamas

« afin de livrer des médicaments aux otages israéliens à Gaza, ainsi que de l’aide supplémentaire aux Palestiniens »,

a rapporté Associated Press.

Des médicaments pour 45 captifs israéliens atteints de maladies chroniques sont arrivés au passage de Rafah mercredi.

Le Dr Ashraf al-Qedra, porte-parole du ministère palestinien de la santé à Gaza, a déclaré cette semaine que 350 000 malades chroniques palestiniens étaient privés de leurs médicaments dans toute la bande de Gaza.

Il a demandé aux institutions internationales de leur faire parvenir immédiatement des médicaments.

« L’occupation israélienne contrôle toujours le volume, la qualité et le trajet de l’aide médicale dans le but de garder le secteur de la santé dans un état d’effondrement permanent »,

a déclaré al-Qedra jeudi.

Après avoir catalogué l’aide médicale entrée dans la bande de Gaza, al-Qedra a expliqué que

« ce qui peut être utilisé, malheureusement, représente moins de 30 pour 100. Cela signifie que la plus grande part de l’aide ne couvre pas les exigences de nos besoins ».

 

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Publié le 19 janvier 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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