Des tirs israéliens tuent des Palestiniens attendant de l’aide alimentaire et d’autres dans un refuge de l’ONU

Jeudi, les forces terrestres israéliennes ont assiégé les alentours de deux hôpitaux dans le sud de Gaza, après avoir ordonné l’évacuation de ces zones quelques jours plus tôt, ce qui affecte environ un demi-million de personnes. On rapporte que, jeudi, vingt Palestiniens ont été tués et 150 autres blessés après avoir été pris pour cibles par les troupes israéliennes alors qu’ils attendaient une livraison d’aide alimentaire à Gaza même.

 

25 janvier 2024. Des Palestiniens expriment leur chagrin au-dessus des corps de leurs êtres chers tués lors du bombardement par Israël d’un campement pour personnes déplacées à al-Mawasi, non loin de Khan Younis, dans le sud de Gaza.

25 janvier 2024. Des Palestiniens expriment leur chagrin au-dessus des corps de leurs êtres chers tués lors du bombardement par Israël d’un campement pour personnes déplacées à al-Mawasi, non loin de Khan Younis, dans le sud de Gaza. (Photo : Mohammed Talatene / DPA)

 

Maureen Clare Murphy, 25 janvier 2024

Israël a refusé aux agences humanitaires de l’ONU tout accès aux centaines de milliers de Palestiniens affamés qui sont restés dans le nord de Gaza, y compris dans la ville même de Gaza.

« La situation alimentaire dans le nord est absolument horrible. Il n’y a pratiquement pas de nourriture disponible et toutes les personnes auxquelles nous parlons mendient de la nourriture »,

a déclaré aux médias Sean Casey, un coordinateur de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

L’Euro-Med Human Rights Monitor (Réseau de contrôle euro-méditerranéen des droits humains – REMDH) a condamné le « crime horrible » perpétré contre des Palestiniens qui attendaient de l’aide alimentaire à Gaza même. Il affirme avoir assisté à un incident similaire lundi, quand des civils rassemblés au sud-est de la ville de Gaza ont été « ciblés par des tirs de l’artillerie israélienne alors qu’ils attendaient les camions de secours de l’ONU ». Il y avait eu plusieurs tués.

Un peu plus tôt, ce mois-ci, des drones quadricoptères ont ouvert le feu sur des civils qui attendaient de recevoir de la farine des camions de l’ONU dans l’est de la ville de Gaza ; 50 personnes ont été tuées et de « nombreuses autres » ont été blessées, a déclaré le REMDH.

L’organisation a accusé Israël de créer délibérément un environnement peu sûr et chaotique afin de gêner la livraison de l’aide humanitaire, puisqu’il se sert de la famine comme d’une arme de guerre.

Le démantèlement systématique des établissements de santé de Gaza est une autre stratégie clé de la campagne militaire israélienne à Gaza.

Un haut fonctionnaire de l’ONU a déclaré jeudi que les combats autour des hôpitaux et des refuges accueillant des personnes déplacées à Khan Younis, dans le sud de Gaza, s’étaient intensifiés.

« Les lourds combats à proximité des hôpitaux restants de Khan Younis, dont Nasser et al-Amal, ont effectivement encerclé ces établissements, laissant un sentiment de terreur parmi le personnel, les patients et les personnes déplacées piégées à l’intérieur »,

a déclaré Thomas White, coordinateur humanitaire adjoint.

« L’hôpital Al-Khair a fermé après que les patients, dont des femmes qui venaient de subir des opérations chirurgicales à la section C, ont été évacués au milieu de la nuit »,

a ajouté le fonctionnaire de l’ONU.


« Des milliers de morts évitables »

Medical Aid for Palestinians (MAP), une ONG caritative britannique, a déclaré que les hôpitaux affectés par les derniers ordres israéliens d’évacuation « représentent 20 pour 100 de la capacité restante des hôpitaux dans l’ensemble de Gaza ».

L’ONG a réclamé la protection des hôpitaux

« après que les dirigeants mondiaux étaient restés les bras croisés pendant que les forces israéliennes démantelaient le système des soins de santé dans le nord de Gaza ».

« Cette fois, nous craignons que la même chose ne se répète dans le sud »,

a ajouté MAP.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a déclaré que Gaza

« risquait un arrêt total des services médicaux s’il n’y avait pas une action urgente en vue de sauvegarder les services »,

particulièrement au Complexe médical Nasser et à l’Hôpital européen de Gaza, tous deux situés dans le sud.

Si ces établissements cessent de fonctionner, a ajouté le CICR,

« le monde sera témoin de milliers de décès évitables qui n’auront pas été rapportés ».

De même, le bureau de l’ONU pour la Coordination des affaires humanitaires (OCHA) a prévenu que, sans une cessation des hostilités et sans la protection des travailleurs humanitaires,

« des morts évitables, y compris celles de grands nombres de femmes et d’enfants, continueront de semer la désolation dans la population déjà dévastée de Gaza ».

 

Un abri de l’ONU touché par des obus de char

L’ONU a déclaré que, mercredi, 12 personnes avaient été tuées et 75 autres blessées, dont 15 dans un état critique, après que deux obus de char avaient touché le complexe d’un centre d’entraînement utilisé comme abri pour près de 30 000 personnes déplacées.

Environ 800 personnes se trouvaient dans le bâtiment touché à l’intérieur du complexe du centre d’entraînement. Une vidéo montre des flammes qui ravagent tout l’étage supérieur du bâtiment touché alors que des colonnes de fumée noire sortent de partout et qu’on entend des tirs à l’arrière-plan.

Philippe Lazzarini, le responsable de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), a déclaré que le complexe

« est un site portant des marques évidentes d’appartenance à l’ONU et que ses coordonnées avaient été communiquées aux autorités israéliennes ».

Il a ajouté que cette frappe constituait « un mépris flagrant des règles élémentaires de la guerre ».

 

L’armée israélienne a rejeté toute responsabilité dans la frappe contre le site et a suggéré que c’était le Hamas qui en était responsable.

White, le coordinateur humanitaire, a dit que c’était le troisième coup direct contre le complexe de Khan Younis et il a ajouté que

« des bâtiments arborant le drapeau de l’ONU avaient été touchés à deux reprisses au moins par des tirs de char, et ce, sans sommation ».

L’administration Biden à Washington a exprimé ce que Reuters a décrit comme une « rare condamnation pure et simple », lorsque, mercredi, le porte-parole du département d’État, Vedant Patel, a déclaré :

« Nous déplorons l’attaque de ce jour contre le centre d’entraînement de Khan Younis. »

Patel d’ajouter que

« les civils doivent être protégés, et la nature protégée des sites de l’ONU doit être respectée ».

Un porte-parole de la sécurité nationale à la Maison-Blanche a expliqué que l’administration Biden allait « continuer de chercher de plus amples informations » concernant les frappes contre le bâtiment de l’UNRWA. Mais le porte-parole a implicitement blâmé le Hamas pour les victimes civiles, en l’accusant de se cacher parmi la population en général.

À de multiples reprises, l’administration Biden a affirmé que les forces israéliennes n’essayaient pas délibérément de tuer des civils, malgré le chiffre étonnant de 25 700 morts à Gaza depuis le 7 octobre, dont une majorité de femmes et d’enfants.

Quand ils ont été confrontés aux preuves du contraire, les porte-parole de Biden ont refusé de dire s’il s’agissait d’exemples de crimes de guerre.

Mercredi, Robert Moore, un important correspondant d’ITV News, une chaîne britannique, a demandé à Patel, le porte-parole du département d’État, si le tir fatal dont avait été victime lundi un civil portant un drapeau blanc dans une « zone sûre » constituait un crime de guerre.

Cet incident avait été enregistré sur vidéo par un caméraman d’ITV News qui venait d’interviewer l’homme abattu, un marchand de vêtements appelé Ramzi Abu Sahloul, quelques instants à peine avant qu’il prenne une balle dans la poitrine et soit tué à al-Mawasi, un quartier de Khan Younis qu’Israël avait déclaré « zone sûre ».

Le réseau américain NBC a obtenu des prises de vue supplémentaires du caméraman palestinien Ahmed Hijazi montrant l’incident sous d’autres angles. Hijazi a déclaré que le tir « était venu d’un des nombreux chars israéliens se trouvant à proximité », a rapporté NBC.

Patel a refusé de dire si cette exécution sommaire manifeste était un crime de guerre, en ajoutant :

« Ceci n’est pas une opération américaine » et « nous n’avons pas les circonstances complètes » de l’incident.

 

Rishi Sunak, le Premier ministre britannique, a lui aussi refusé de dire si le meurtre enregistré sur vidéo du civil portant un drapeau blanc était un crime de guerre, et n’a exprimé que l’embarras général « à propos de l’important impact des pertes de vie de civils à Gaza ».

 

 

Les Palestiniens à Gaza ont témoigné à maintes reprises que les forces israéliennes avaient abattu des civils qui ne posaient aucune menace.

Les frères Ramiz, 20 ans, et Nahed Barbakh, 13 ans, ont été tués à Khan Younis jeudi. Une photo montre les corps des deux frères dans la rue, à proximité de leur drapeau blanc.

En novembre, une personne présente avait enregistré l’exécution manifeste de Hala Rashid Abd al-Ati alors qu’elle tenait les mains de son petit-fils, qui agitait un drapeau blanc, au moment où, avec d’autres membres de la famille, ils tentaient de s’enfuir de Gaza.

En décembre, l’armée avait tué trois jeunes hommes qui avaient été capturés lors du raid du Hamas le 7 octobre et détenus à Gaza. Les ressortissants israéliens étaient sans chemise et l’un d’eux tenait un drapeau blanc au moment où ils avaient été exécutés par des soldats à Shujaiya, à l’est de la ville de Gaza.

Sarah Leah Whitson, la directrice de l’organisation de contrôle des droits humains DAWN, installée à Washington, a déclaré que ce n’était vraiment pas la première fois que l’arme israélienne abattait des civils à Gaza, alors qu’ils agitaient des drapeaux blancs.

« On peut dire que littéralement toutes les mesures israéliennes, une par une, que nous critiquons depuis 20 ans, et qui constituent une violation des lois humanitaires internationales, sont exponentiellement bien plus graves aujourd’hui »,

a-t-elle ajouté.

« Voilà ce qu’engendre l’impunité. »

 

La CIJ va faire connaître sa décision concernant les mesures provisoires

Cette impunité a été confrontée à un défi sans précédent après que l’Afrique du Sud a invoqué la Convention de 1948 sur le génocide, en intervenant contre Israël à la Cour internationale de justice.

Ce tribunal est censé faire connaître sa décision vendredi concernant la requête de l’Afrique du Sud en faveur de mesures provisoires – semblables à une injonction ou à un ordre restrictif – qui pourraient inclure une cessation des hostilités à Gaza pendant le temps qu’il consacrerait à examiner l’affaire.

Jeudi, Patel, le porte-parole du département d’État, a refusé de dire si les EU allaient respecter la décision de la Cour internationale de justice.

Entre-temps, Biden et ses secrétaires d’État et à la défense sont traînés en justice pour leur incapacité à empêcher ce que les plaignants décrivent comme un génocide se déroulant à Gaza et pour leur complicité dans ce même génocide.

Un tribunal fédéral en Californie examinera l’affaire vendredi.

Mercredi, seize organisations humanitaires et des droits humains ont demandé aux États membres de l’ONU de mettre un terme immédiatement aux transferts d’armes vers Israël et les groupes armés palestiniens.

Le bureau des droits humains à l’ONU a prévenu mercredi qu’« une intensification accrue des incessantes frappes aériennes israéliennes et autres combats terrestres » à Khan Younis ces derniers jours « avait exacerbé les dangers pour les civils ».

Le bureau de l’ONU a noté la déclaration du 21 janvier du ministre israélien de la défense Yoav Gallant qui a promis que

« des champignons de fumée couvriront les cieux de la bande de Gaza tant que nous n’aurons pas réalisé tous nos objectifs ».

Les opérations de l’armée israélienne à Khan Younis ont poussé un nombre sans cesse croissant de Palestiniens, dont un grand nombre sont déjà des personnes déplacées, vers Rafah, dans l’extrême sud de Gaza, où la moitié de la population de 2,3 millions de Gazaouis est désormais concentrées. Une grande partie d’entre eux n’ont même pas d’abri adéquat.

Le bureau des droits humains de l’ONU a suscité une « alarme très grave » à propos d’une escalade potentielle des hostilités à Rafah,

« avec le risque en même temps de voir les gens, essentiellement piégés dans des zones de plus en plus exiguës, forcé de quitter Gaza ».

 

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 25 janvier 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine


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