Le boycott des musulmans a fait baisser les bénéfices de McDonald’s, admet son CEO
McDonald’s et Starbucks admettent qu’ils ont encaissé un coup important dans leurs ventes internationales, suite à la guerre d’Israël à Gaza.
Ali Abunimah, 7 février 2024
« L’impact actuel de cette guerre » sur les franchises de McDonald’s dans le Moyen-Orient « est décourageant et injustifié », a déclaré le CEO de McDo, Chris Kempczinski, aux investisseurs, lors d’un appel lancé lundi en vue de la conférence trimestrielle de la société.
Le principal responsable financier de la société, Ian Borden, a ajouté que la guerre « avait considérablement affecté » le résultat net du géant du fastfood dans la région au cours du dernier trimestre de 2023.
« Nous ne nous attendons pas à voir une amélioration sensible tant qu’il n’y aura pas une résolution au Moyen-Orient »,
a ajouté Borden.
« Manifestement, l’endroit où nous percevons l’impact le plus prononcé se situe dans le Moyen-Orient »,
a déclaré le CEO Kempczinski, mais tout en reconnaissant que les clients se tiennent à l’écart dans les grands marchés musulmans, dont la Malaisie et l’Indonésie.
Les consommateurs musulmans se tiennent à l’écart
Mais l’impact est ressenti partout où vivent d’importantes communautés musulmanes.
« Par exemple, dans un pays comme la France, qui a une importante population musulmane, nous voyons le même impact »,
a déclaré Kempczinski, en faisant remarquer qu’en France, la chute des ventes
« dépend très fortement de l’endroit où le restaurant est situé et s’il se trouve dans un quartier musulman ».
Kempczinski a refusé de chiffrer en dollars les pertes dans les ventes de la société en raison de la guerre. Toutefois, il a déclaré aux investisseurs :
« Vous pouvez en déduire que l’impact est significatif. »
Le mouvement palestinien de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) a adopté les boycotts mondiaux de McDonald’s et autres sociétés dont il affirme qu’elles sont
« complices dans la guerre génocidaire d’Israël contre 2,3 millions de Palestiniens à Gaza ».
Les appels à boycotter le géant mondial du fastfood a démarré en octobre après que sa franchise israélienne, McDonald’s Israel, a annoncé qu’elle faisait don de milliers de repas gratuits aux soldats israéliens participants à l’agression contre Gaza.
McDonald’s Israel a également réfuté avec colère ce qu’elle a appelé des « fake news » disant qu’elle avait versé des contributions à des « organisations palestiniennes ».
Espérant repousser la réaction défavorable des consommateurs, les franchises de plusieurs pays arabes ont pris leurs distances vis-à-vis de la branche israélienne et certaines ont annoncé des donations en faveur de l’aide humanitaire à Gaza.
Mais il s’avère que ces efforts ont échoué, puisque les clients sont quand même restés à l’écart, dans un geste de solidarité avec les Palestiniens.
En fait, les consommateurs comprennent que, même quand les restaurants sont la propriété de franchises locales dans divers pays, les profits qu’elles engrangent sont partagés avec la société mère.
Alors que la baisse considérable des ventes subie par McDonald’s peut sans doute avoir un rapport avec les démarches de McDonald’s Israel, son CEO Chris Kempczinski a déclaré que la « tragédie humaine » de la guerre « ne pèse pas sur des marques comme la nôtre ».
En d’autres termes, refuser de dépenser de l’argent pour des produits de sociétés américaines se mue en une forme de résistance et de protestation contre le soutien américain au génocide des Palestiniens par Israël.
Lors d’une récente visite en Jordanie, l’auteur du présent article a remarqué un boycott très répandu d’autres marques américaines emblématiques, comme Coca-Cola et Pepsi, avec des restaurants proposaient des produits locaux et les gens qui optaient pour leurs marchandises ou pour des alternatives non américaines. Le boycott populaire vise également de grandes marques européennes comme Nescafé et la chaîne des supermarchés Carrefour.
Starbucks subit un contrecoup
Une autre de ces sociétés emblématiques est Starbucks qui, cette semaine, annonçait qu’elle avait elle aussi assisté à une baisse de ses ventes dans le Moyen-Orient en raison de la guerre à Gaza.
Mais elle voit également moins de trafic dans les magasins américains en raison des boycotts des consommateurs – et par les partisans, et par les adversaires des droits palestiniens.
« La controverse a démarré quand Starbucks Workers United, qui représente des centaines de cafés syndiqués de la chaîne, on posté des messages en soutien des Palestiniens, ce qui a abouti à une réaction des conservateurs »,
a rapporté CNBC.
« Starbucks a cherché à prendre ses distances vis-à-vis du tweet, que le syndicat a effacé, et a attaqué Workers United pour atteinte à la marque. »
« Nous désapprouvons les points de vue exprimés par Workers United »,
a déclaré la société, expliquant qu’elle avait attaqué le syndicat en justice parce que les consommateurs et autres associaient « erronément » ces points de vue à ceux de la société en raison de la similitude entre le nom et le logo du syndicat et ceux de Starbucks.
En d’autres termes, Starbucks a activement entrepris des démarches en vue de se dissocier des points de vue favorables aux droits palestiniens, et ce, afin d’apaiser les critiques à l’encontre de la Palestine.
Cela n’a pu contribuer aux efforts de Starbucks en vue de réprimer la croyance répandue selon laquelle la société soutient Israël.
« Notre position reste inchangée. Starbucks est pour l’humanité. Nous condamnons la violence, la perte de vies innocentes et toute forme de haine et de langage belliciste »,
a fait savoir la chaîne du café dans une déclaration en décembre.
« En dépit de fausses déclarations diffusées via les médias sociaux, nous n’avons pas d’agenda politique. Nous n’utilisons pas nos bénéfices pour financer quelque gouvernement ou quelque opération militaire où que ce soit – et ne l’avons jamais fait »,
a insisté Starbucks
Le CEO de Starbucks, Laxman Narasimhan, a demandé de cesser de protester devant les magasins de la société dans les villes du monde entier.
Quelle que puisse être la politique de Starbucks, il existe une forte perception selon laquelle Howard Schultz, qui a été CEO de la société pendant de nombreuses années, est un partisan d’Israël.
Bien qu’il ait récemment quitté le Conseil d’administration et qu’il porte désormais le titre de « fondateur et président émérite », en mai 2022, Schultz détenait quelque 22 millions d’actions Starbucks, valant en gros quelque 2 milliards de USD, aux prix actuels.
En 1998, Schultz a reçu en guise de distinction l’Hommage du 50e anniversaire d’Israël de la part d’Aish HaTorah, une organisation juive pro-israélienne.
Schultz et d’autres lauréats – dont Joe Biden, à l’époque sénateur – se sont rendus à Jérusalem pour rencontrer le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou.
Mais, de même que pour McDonald’s et d’autres marques américaines, ce qui attise aujourd’hui la colère contre Starbucks réside moins dans ces détails et davantage dans leur statut en tant que symboles de la puissance mondiale américaine – la puissance qui rend possibles les assassinats quotidiens et autres mutilations de centaines de femmes, d’enfants et d’hommes sans défense à Gaza.
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Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.
Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse
Publié le 7 février 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
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