Pour la troisième fois, les EU bloquent une demande de cessez-le-feu au Conseil de sécurité de l’ONU

Mardi, les EU se sont opposés à un projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU demandant un cessez-le-feu humanitaire immédiat à Gaza. Treize États ont voté en faveur de l’initiative, qui venait de l’Algérie, alors que le Royaume-Uni s’est abstenu.

 

20 février 2024. Une fillette blessée attend d’être soignée à l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa, suite à une attaque israélienne contre Deir al-Balah, dans la partie centrale de Gaza.

20 février 2024. Une fillette blessée attend d’être soignée à l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa, suite à une attaque israélienne contre Deir al-Balah, dans la partie centrale de Gaza. (Photo : Omar Ashtawy / APA images)


Maureen Clare Murphy
, 21 février 2024

C’était la troisième fois que Washington recourait à son veto au Conseil de sécurité au cours des quatre derniers mois, et ce, en vue de prolonger la campagne militaire d’Israël contre Gaza, campagne dont la Cour internationale de Justice a déclaré, dans une décision temporaire, qu’il s’agissait vraisemblablement d’un génocide.

 

Ce tribunal de l’ONU, appelé également Cour internationale, tient actuellement des procédures orales sur les conséquences juridiques de l’occupation militaire prolongée de la Cisjordanie et de la bande de Gaza par Israël.

À deux occasions, l’Assemblée générale de l’ONU a voté par une large majorité en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza. Ces résolutions adoptées ne sont pas juridiquement contraignantes mais témoignent du soutien mondial écrasant en faveur d’un cessez-le-feu et d’un isolement des EU, qui sont très largement perçus comme un partenaire à part entière de la mort et de la destruction infligées à Gaza.

Alors que, ce mardi, ils s’opposaient au projet de résolution, les EU poussaient leur propre initiative au Conseil de sécurité, laquelle lierait un cessez-le-feu temporaire à la libération des ressortissants israéliens et étrangers détenus à Gaza depuis le 7 octobre.

 

« Violence et instabilité »

Linda Thomas-Greenfield, l’ambassadrice américaine aux Nations unies, a prétendu qu’une résolution demandant un cessez-le-feu immédiat « mettrait en danger des négociations sensibles ». Elle faisait allusion aux pourparlers entre Israël, les EU, le Qatar et l’Égypte visant à assurer la libération des ressortissants israéliens et étrangers détenus à Gaza depuis le 7 octobre.

Selon Reuters, Washington « prévoit de libérer du temps pour les négociations et ne hâtera pas le vote » concernant son propre projet de résolution.

Entre-temps, le veto américain pousse « la situation à Gaza vers une zone plus dangereuse », a déclaré mardi l’ambassadeur de la Chine, accusant Washington d’étouffer un consensus quasi total au Conseil de sécurité.

Plus longtemps dureront les hostilités à Gaza, a mis en garde le secrétaire général de l’ONU, plus grand sera le risque de voir une part de plus en plus grande de la région plongée dans la guerre.

« Les mauvaises décisions de ce jour auront un coût pour notre région et pour notre monde demain », a déclaré l’ambassadeur de l’Algérie à l’ONU après le vote de mardi.

« Et ce coût sera la violence et l’instabilité », a-t-il ajouté.

Cela coûtera également des vies supplémentaires, alors que, mardi, le ministère palestinien de la santé à Gaza faisait état de 29 195 tués depuis le 7 octobre – plus de 100 tués au cours des seules dernières 24 heures – et plus de 67 000 blessés. Des milliers d’autres personnes sont portées manquantes et présumées mortes sous les décombres des immeubles détruits.

Les Palestiniens à Gaza succombent également à la maladie et à la faim qui résultent du siège total imposé par Israël au territoire et de la destruction des infrastructures de santé et d’hygiène de l’enclave. Un enfant sur six de moins de deux ans dans le nord de Gaza souffre de malnutrition aiguë, estime une étude récente, et « la situation est susceptible d’empirer dès aujourd’hui », ont déclaré lundi trois agences de l’ONU.

Un rapport établi par des enquêteurs indépendants des EU et du Royaume-Uni prévoit que, même si les hostilités devaient cesser aujourd’hui, il y aurait quelque 8 000 morts excédentaires à Gaza au cours des six mois à venir en raison des blessures traumatiques, de la malnutrition, des maladies infectieuses et du manque d’accès aux soins médicaux.

 

Les EU mettent en garde contre l’offensive sur Rafah

La contre-résolution mise en circulation par le EU ce lundi condamne le raid du Hamas du 7 octobre et insiste sur la désignation par « de nombreux États membres » de ce même Hamas comme organisation terroriste.

Le projet de résolution des EU déclare également qu’« une offensive terrestre majeure contre Rafah » porterait préjudice aux civils et provoquerait leur déplacement, « entre autres, potentiellement, dans des pays voisins, ce qui aurait de graves implications pour la paix et la sécurité de la région ».

Le texte « souligne qu’une telle offensive terrestre majeure ne devrait pas avoir lieu dans les circonstances actuelles ».

À deux reprises ces tout derniers jours, le président américain Joe Biden a téléphoné à Benjamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, « pour le mettre en garde contre le lancement d’une opération militaire à Rafah sans plan crédible pour garantir la sécurité des civils », fait savoir Reuters.

L’administration Biden a déclaré qu’en dépit de l’opposition qu’elle manifestait contre une incursion dans Rafah, où sont concentrés actuellement plus d’un million de Palestiniens déplacés, elle n’imposerait aucune conséquence matérielle à Israël s’il allait quand même de l’avant.

 

Rafah

Israël prévoit de poursuivre sa guerre de haute intensité contre Gaza durant six à huit semaines supplémentaires, ont déclaré de hauts responsables à Reuters, après quoi il « passerait à une phase de faible intensité, avec des frappes aériennes ciblées et des opérations des forces spéciales ».

Montrant bien que le planning d’Israël n’est pas aussi cohérent que ne le suggère Reuters, Benny Gantz, le chef de l’opposition et membre du cabinet israélien de la guerre, a expliqué dimanche que les combats allaient commencer à Rafah dans quelques semaines, si « les otages ne sont pas rentrés ».

Et d’ajouter que « le Hamas a le choix. Il peut se rendre, relâcher les otages et les civils de Gaza pourront célébrer la fête du Ramadan ».

Netanyahou, très désireux de poursuivre l’offensive militaire, a déclaré mardi que « nous ne voulons pas payer le moindre prix » pour assurer la libération des quelque 130 captifs restants à Gaza, dont la plupart, croit-on, sont toujours vivants.

La déclaration du Premier ministre israélien, ce mardi, faisait écho à des commentaires de Bezalel Smotrich, le ministre d’extrême droite des finances, qui fait passer la destruction du Hamas avant la récupération des captifs.

Un peu plus tôt, ce mois-ci, Netanyahou a rejeté une proposition du Hamas concernant un échange de prisonniers et une trêve de plusieurs mois. Il a traité la proposition de « délirante » et a promis une « victoire totale » à Gaza.

 

Protestations

Le fait que Netanyahou a quitté les pourparlers a relancé les protestations des familles de personnes toujours en captivité à Gaza. Ces protestataires ont bloqué les autoroutes et allumé des feux pour exiger le retour de leurs êtres chers tant qu’ils sont encore en vie.

Pendant la trêve d’une semaine, fin novembre dernier, plus de 100 captifs avaient été libérés en échange de plusieurs douzaines de femmes et enfants palestiniens détenus par Israël.

La semaine dernière, deux Israélo-Argentins que l’armée israélienne prétendait avoir secourus lors d’un raid à Gaza quelques jours plus tôt ont insisté auprès de Netanyahou pour qu’il dégage un autre accord avec le Hamas, en disant que tout le monde ne pourrait pas être ramené « au cours d’opérations héroïques ».

« Ce n’est que via un accord qu’ils pourront être restitués », ont-ils dit dans une déclaration commune avec d’autres membres des familles qui avaient été relâchés en novembre.

La semaine dernière, Abu Obeida, le porte-parole de l’aile armée du Hamas, a déclaré qu’il y avait eu beaucoup de pertes parmi les captifs et que ceux qui étaient restés en vie connaissaient des « conditions extrêmement pénibles ».

Mardi, le Qatar a dit que le Hamas avait confirmé qu’il avait reçu et commencé de délivrer des médicaments pour les captifs dans le cadre d’un arrangement mis sur pied par la monarchie du Golfe et la France.

Le ministre des Affaires étrangères du Qatar a expliqué que l’accord

« comprend l’entrée des médicaments et l’expédition de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, surtout dans les zones les plus affectées et endommagées ».

Samedi, Israël a également assisté à ses manifestations antigouvernementales les plus importantes depuis le 7 octobre.

Quant à savoir si cette pression croissante va arrêter l’élan d’Israël vers une invasion catastrophique de Rafah, cela reste à prouver.

Al Mezan, une organisation palestinienne des droits humains opérant à Gaza, a déclaré que « de simples déclarations ne mettront pas un terme à l’invasion de Rafah », dont même les porte-parole de l’administration Biden ont reconnu que ce serait un « désastre ».

« Ce qu’il faut, ce sont des actions concrètes : Les Etats doivent mettre un terme au soutien militaire à Israël, imposer des sanctions en fonction des lois internationales »

et la Cour pénale internationale

« doit émettre des mandats d’arrêt pour tous les membres du cabinet de guerre israélien »,

a ajouté Al Mezan.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 10 février 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine


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